Les familles des prisonniers et les membres du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes ont choisi ce vendredi une nouvelle forme de manifestation en organisant des sit-in devant plusieurs mosquées du royaume. Objectif ? Mettre la lumière sur l'accord du 25 mars 2011 et exhorter les autorités à appliquer cet accord ou ouvrir les canaux du débat. Des sit-in dans plusieurs villes du royaume à l'instar de Tétouan, Tanger, Casablanca, Salé, Fès, et Sidi Slimane ont été organisés ce vendredi après la prière du vendredi par le Comité mixte pour la défense des détenus islamiste. Un changement de taille puisque l'ONG organisait un sit-in national annuel dans la capitale Rabat pour commémorer la date de la signature de l'accord du 25 mars 2011. Un accord qui n'a jamais pu voir le jour. Contacté par Yabiladi, Abderrahim Ghazali, porte-parole du Comité mixte, revient sur les raisons de ce changement : «Nous avons changé notre forme de protestation puisqu'il s'agissait initialement d'un sit-in national chaque année à Rabat pour commémorer la date du 25 mars. Cette année, nous nous sommes contentés d'une conférence de presse le 22 mars et des sit-in de sensibilisation devant les mosquées compte tenu de la situation politique délicate du pays et l'absence d'un interlocuteur qui représente l'Etat.». Un accord désavoué par les autorités marocaines Cette série de sit-in est destinée à mettre la lumière et commémorer l'accord du 25 mars 2011 conclu entre d'une l'Etat marocain et des représentants des détenus islamistes. «L'Etat avait été représenté par le secrétaire général du CNDH, Mohamed Sebbar, l'ancien délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion, Hafid Benhamech et le secrétaire général du ministère de la Justice et des libertés, Mohamed Lididi. Il y avait aussi l'actuel ministre de la Justice, avec sa casquette de président de l'Association Mountada Al Karama, Mustapha Ramid et le directeur exécutif de la même ONG, Mohamed Haqiqi», rappelle notre interlocuteur. Parmi les grandes lignes de cet accord, Abderrahim Ghazali cite «l'accélération du règlement des affaires présentées devant la justice et l'application des procédures de la grâce royale s'agissant des détenus ayant rempli les conditions et épuisé les recours, ainsi que leur libération dans le cadre de plusieurs vagues et dans des délais raisonnables». Mais l'Etat marocain a, depuis, fait volte-face. «L'Etat a fait marche arrière pour l'application de l'accord et cela a été reconnu par le secrétaire général du CNDH qui s'est lavé les mains en préférant déclarer qu'il n'y avait pas de signatures ou d'engagement de l'Etat par le biais de cet accord. Le ministre actuel de la Justice et des libertés (Mustapha Ramid, ndlr) avait même publié un rapport qu'il avait signé de sa propre main pour rappeler les grandes lignes. Il devait, après sa nomination, procéder à l'application de l'accord puisqu'il est membre d'un gouvernement censé respecter les engagements des exécutifs précédents, d'autant plus qu'il en était témoin.» «Appliquer l'accord» ou «ouvrir le débat» Le porte-parole du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes reconnaît l'absence d'indicateurs de la part de l'Etat qui «puissent permettre de dire que les autorités comptent aller vers l'application de cet accord». Toutefois, les familles des détenus islamistes ne lâchent pas prise. «Nous tenons à cet accord et nous réaffirmons notre volonté à ce qu'il soit appliqué en tant que solution, sinon en tant que base vers une résolution du problème des détenus islamistes dans les prisons marocaines», renchérit notre interlocuteur. Abderrahim Ghazali nous apprend aussi que le Comité mixte «n'accepte plus que les détenus soient libérés dans le cadre de plusieurs vagues, surtout qu'il y a des détenus en prison depuis 2002 et 2003 et que six années sont passées depuis la conclusion de cet accord». Nouvelle revendication donc ? «Nous demandons la libération immédiate de l'ensemble des anciens détenus et nous emprunterons toutes les voies de protestation, légales et possibles, pour la résolution à cette question», dit-il. D'ailleurs, les familles des détenus islamistes affirment aussi qu'ils ne manifestent pas… pour manifester. «Nos mains sont tendues vers l'Etat. Nous frappons aux portes des institutions et cherchons une solution acceptable pour tous mais malheureusement, l'Etat ferme ses portes et ne souhaite pas nous les ouvrir pour discuter et résoudre cette question», regrette le porte-parole de l'ONG. Les détenus salafistes se rappellent aussi de deux dates clés : avril 2011, lorsqu'une grâce royale avait permis à 91 islamistes de retrouver la liberté et février 2012, quand trois chioukhs appartenant à la mouvance salafiste, Hassan Kettani, Abdelouahhab Rafiki et Omar Haddouchi, ont bénéficié de la même mesure. Depuis cette date, plus aucune libération anticipée n'a été accordée aux détenus islamistes, même après l'accord du 25 mars. Aujourd'hui, 6 ans après cette embellie, les prisonniers islamistes dans les prisons et leurs familles à l'extérieur ne perdent toujours pas espoir.