Tandis que leurs aînés ont largement accepté les codes occidentaux et fait profil bas, la troisième génération de musulmans en Europe et en Amérique est beaucoup plus à l'aise avec son identité plurielle, à la fois occidentale et musulmane, d'après The Economist. N'en déplaise à certains : les 30 millions de musulmans vivant en Europe et en Amérique «s'intègrent progressivement». Dans une analyse publiée par le magazine britannique The Economist, ce dernier revient sur l'intégration progressive des musulmans en Occident, depuis l'arrivée des premiers esclaves originaires d'Afrique de l'Ouest en Amérique, au XVIe siècle. La publication rappelle qu'«entre la fin du XIXe siècle et jusque dans les années 1920, une vague d'Arabes bien nantis sont venus étudier [en Amérique] et s'y sont installés, s'inscrivant dans les rangs de la classe moyenne américaine. Dans un pays d'immigrés, les musulmans trouvaient qu'il était plus facile de s'intégrer qu'en Europe. A l'exception de quelques villes comme Dearborn, dans le Michigan, les musulmans d'Amérique sont très dispersés, totalisant environ 3,5 millions de personnes, soit 1,1% de la population». En Europe en revanche, au XXe siècle, «des millions sont restés après la défaite des armées ottomanes et d'autres sont arrivés en tant que soldats et ouvriers. Les puissances européennes ont mobilisé environ 3,5 millions de musulmans issus de leurs colonies pour combattre lors des deux guerres mondiales. La plupart sont rentrés chez eux par la suite, mais d'autres sont arrivés pour la reconstruction» des pays qui ont été ravagés par ces guerres, notamment la France. Les musulmans ont la croissance la plus rapide au monde En dehors de la Russie et de la Turquie, l'Europe compte aujourd'hui environ 26 millions de musulmans, soit 5% de sa population, qui sont généralement beaucoup plus jeunes que la population locale. Dans de nombreuses villes européennes, Muhammad (selon les différentes orthographes) est devenu le nom le plus populaire pour un enfant, souligne The Economist. A titre d'exemple, en 2015, les prénoms Mohamed et Fatima étaient les plus fréquents chez les étrangers établis en Espagne, selon les données de l'Institut national de la statistique (INE). Dans la sphère politique également, les musulmans jouent un rôle de plus en plus important. Lors des élections de mi-mandat en novembre dernier, les Américains ont élu pour la première fois au Congrès deux femmes musulmanes, Rashida Tlaib et Ilhan Omar. De plus, Londres, la plus grande ville d'Europe, a un maire musulman, Sadiq Khan, et la ville de Rotterdam, premier port du continent, est dirigée par un maire d'origine marocaine, Ahmed Aboutaleb. Malgré leur intégration, de surcroît dans la vie politique nationale ou locale de nombreux pays européens et des Etats-Unis, les musulmans cristallisent le rejet auprès de certaines communautés religieuses, en l'occurrence les chrétiens d'Europe de l'Ouest. En mai 2018, le think tank Pew Research Center indiquait dans une étude que «l'identité chrétienne en Europe occidentale est associée à des niveaux plus élevés de sentiments négatifs envers les migrants et les minorités religieuses. Dans l'ensemble, les chrétiens – qu'ils fréquentent ou non l'église – sont plus susceptibles d'exprimer des opinions négatives sur les migrants, les musulmans et les juifs, que les personnes sans appartenance religieuse». La troisième génération plus à l'aise avec ses différentes facettes culturelles D'après une autre étude du même think tank publiée en octobre 2017, les musulmans restent le groupe religieux qui connaît la croissance la plus rapide au monde. Avec les tendances démographiques actuelles, le nombre de musulmans devrait dépasser celui des chrétiens d'ici la fin du XXIe siècle. Entre 2010 et 2050, les projections de la croissance des populations religieuses montrent que la communauté musulmane augmentera de 35%. Une croissance démographique s'explique par deux facteurs : les musulmans ont plus d'enfants que les membres des autres groupes religieux et sont également les plus jeunes (l'âge moyen était de 23 ans en 2010) de tous les principaux groupes religieux. Aujourd'hui, la troisième génération de musulmans en Occident – celle issue des Millennials – «se sent plus confiante à la fois dans son identité occidentale et musulmane», relève The Economist. «Elle dispose des outils nécessaires pour faire évoluer la politique et le système judiciaire, et pour interagir avec l'establishment. La religion relève de plus en plus du choix individuel. Les plus de 10 000 mosquées présentes en Occident représentent l'ensemble des croyances et pratiques islamiques, des deobandis (une école de pensée musulmane sunnite, très présente en Asie du Sud, ndlr) aux prières dirigées par des femmes. Enfin, beaucoup ont délaissé leur foi.»