Au Maroc, 5 000 personnes meurent annuellement de l'hépatite C. 400 000 autres sont infectées par le virus, mais beaucoup l'ignorent avant une complication grave et souvent fatale. Sur la base de ces chiffres, l'Association marocaine de lutte contre le SIDA (ALCS) adresse un mémorandum aux décideurs. Le 28 juillet de chaque année marque la journée mondiale de lutte contre les hépatites. L'Association marocaine de lutte contre le SIDA (ALCS), qui a longtemps travaillé sur la question, alerte sur les difficultés de prise en charge, d'accès aux soins et aux médicaments au Maroc, où un Plan stratégique national (PSN) fait défaut. A quelques jours de cette date clé, l'ONG déplore que les antiviraux à action directe (AAD), pourtant commercialisés au Maroc et prouvant leur efficacité à plus de 90%, ne bénéficient pas aux populations concernées, faute de stratégie. Dans ce sens, la Coalition PLUS et l'ALCS indiquent, dans une étude, que «l'accès au traitement au Maroc permettra de sauver plus de 71 000 vies et prévenir 140 000 nouvelles infections d'ici 2050». La même source fait savoir que cet accès rendra possible également «la prévention de cancer chez 37 375 Marocains et de la cirrhose décompensée chez 29 814». Il épargnera tout autant «20% des coûts totaux» de la prise en charge, permettant par ailleurs de «soulager le budget d'état et des citoyens en évitant un coût relatif à la prise en charge de l'infection et de ses complications (...)». Pour une diminution de la charge virale Responsable de plaidoyer et droits humains à l'ALCS, Ahmed Douraidi explique à Yabiladi que le blocage se situe au niveau de la mise en œuvre de politiques publiques, décidées depuis au moins 2016 mais pas encore exécutée par le ministère de tutelle. «Celui-ci nous a reçus à plusieurs reprises en nous promettant des actions, mais ces paroles restent sans suite. Parallèlement, des appels d'offre pour l'achat des médicaments sont annulés», déplore-t-il. «La seule chose qui a été faite sous l'actuel ministre, c'est l'étude de séroprévalence nationale, lancée en février, qui n'est pas encore finalisée et qui devra précéder le lancement du PSN de lutte contre les hépatites virales», nous précise le militant. A la question de savoir si les députés sont réceptifs ou sensibles à la question, Ahmed Douraidi répond par l'affirmative, dans la mesures où «nos représentants se sont engagés à plusieurs reprises, notamment lors des campagnes électorales», mais sans y donner suite, encore une fois. «L'an dernier, nous avons adressé aux élus parlementaires un mémorandum pour que la question soit prise en compte dans la Loi de finances de 2019. Mais jusqu'à ce jour, nous n'avons ni plan d'action ni stratégie pour avoir les médicaments et le traitement.» Ahmed Douraidi - ALCS Par conséquent, l'ALCS affirme avoir transmis un nouveau mémorandum pour intégrer un budget relatif au VHC dans la Loi de finances de 2020. Jusque-là, l'ONG a été rappelée par deux partis politiques (le PAM et le PJD), mais là encore, un passage à l'action est bloqué par l'absence de grandes lignes directives en termes de budget, de prise en charge ainsi que de délais de traitement et de suivi des cas. A quand un passage à l'action ? Un élément de grande importance se confronte tout autant à l'absence d'un PSN. C'est celui de l'allègement de l'examen paraclinique, en matière de coûts comme de procédés de soins. Dans ce sens, Ahmed Douraidi affirme à Yabiladi que «le président du Conseil de l'Ordre des médecins a reçu l'ALCS, promettant de discuter de l'intégration des médecins généralistes dans la prescription, mais tout cela est en stand-by sans plan stratégique». Il faut savoir en effet que jusque-là, les médecins généralistes ne sont pas inclus dans le circuit de soins et de dépistage de l'hépatite C et du VHC. Il n'y ont été rattachés qu'à travers «une circulaire conjointe avec une association de gastro-entérologues». Mais «ce procédé devient dépassé, avec les nouveaux médicaments qui ne nécessitent pas une prise en charge exclusivement de spécialistes», nous explique le membre de l'ALCS. «Grâce aux soins aux ADD, les cas qui ne sont pas difficiles à traiter peuvent l'être uniquement par un généraliste, ce qui allège la procédure», soutient-il. Mais la réussite d'un tel processus ne peut se faire sans l'engagement des différents partenaires concernés, notamment les élus locaux, dont l'ALCS affirme avoir obtenu aussi des promesses – le cas des présidents des régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et de l'Oriental. «Nous revenons au PSN à chaque fois, car ces responsables se sont engagés à prendre en charge les médicaments des malades de la région, après notre plaidoyer adressé aux juges, aux hôpitaux et aux procureurs dans ces deux zones qui souffrent d'un taux élevé d'usage de drogues, mais sans décision centrale, tout est suspendu.» Ahmed Douraidi - ALCS Ahmed Douraidi reste catégorique, pour toutes ces raisons, en affirmant encore que «c'est au ministre de la Santé de lancer un PSN en bonne et due forme, avec un budget et un chronogramme».