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Marocains d'Espagne
Publié dans Albayane le 21 - 07 - 2013


Marocains d'Espagne
«Nous luttons pour nous maintenir en dépit de la crise et ne jamais baisser les bras», a dit avec une expression chargée de désolation et d'amertume Abdallah (53 ans), marocain originaire de Chefchaouen qui a débarqué en Espagne il y a 35 ans.
C'est le discours qui revient en leit motiv dans les entretiens avec un
échantillon de marocains à Madrid pour comprendre les effets de la crise économique sur l'immigration en Espagne et les raisons qui les incitent à résister à l'idée de retourner au "bled". Il est judicieux de se demander comment les marocains se maintiennent-ils contre vents et marées en Espagne en dépit de la récession alors que le taux chômage est un des plus hauts en Union Européenne (27,6% en mai dernier). Il s'agit d'une observation très significative pour tout chercheur. Afin de vérifier cette hypothèse, il a fallu se rendre sur le terrain pour faire parler de nombreuses sources et les protagonistes eux-mêmes dans une enquête menée dans ce sens par Albayane, la première du genre, en collaboration avec l'Institut Panos Paris. Il a fallu parcourir la ceinture des villes-dortoirs de la Communauté Autonome de Madrid. La population-cible, dans ce contexte, sont des marocains exerçant diverses activités professionnelles.
"Je refuse l'idée du retour et gommer aussitôt plus de la moitié d'une vie passée à Madrid", poursuit Abdallah qui rappelle avec nostalgie ses jours de contremaître dans une grande entreprise. Après voir épuisé tous ses droits aux indemnités de chômage (deux ans), il a décidé, il y a seulement trois mois, de brader la crise en investissant ses petites économies dans un restaurant marocain au quartier Puente de Vallecas, à très forte concentration immigrante. "D'abord, le bien-être des enfants pour qu'ils puissent parachever leurs études en Espagne ; ensuite, il serait illogique de laisser tomber les années cotisées à la Sécurité sociale et rentrer par orgueil chez soi", déclare avec consternation cet ex-étudiant en droit.
L'effondrement du secteur du bâtiment à partir du deuxième semestre de 2007 a été accueilli comme un violent choc aussi bien par les experts que par les politiques et la société en général. Au moins 68% des 1.900.000 postes d'emploi ont disparu depuis le début de la crise de ce secteur qui constitue une importante niche de travail pour les étrangers peu qualifiés. Du coup, le gouvernement s'est rendu à l'évidence qu'il devra revoir ses systèmes économique, financier, fiscal, juridique, professionnel et migratoire. Dans ce grand chantier, l'immigré serait inéluctablement la grande victime, particulièrement le marocain qui fait partie du collectif le plus important, le plus enraciné mais également celui qui souffre le plus des conséquences de la crise en Espagne. De ce fait, et pour des raisons géographiques et affectives, le marocain se trouve face à un dilemme : rentrer dans le pays ou attendre jusqu'à ce que la situation se redresse.
"Je dois recourir à toute sorte d'astuce pour survivre", dit Mourad (37 ans), un maçon spécialisé en chômage. Cet originaire de Rabat avait débarqué il y a neuf ans en Espagne en plein "boom" économique. Il comptait concrétiser ses rêves de "fonder un foyer", "accumuler une petite fortune" et "monter une affaire dans ma ville natale". Un accident de travail l'a écarté du chantier. "J'ai épuisé mes indemnités au chômage durant le congé de maladie. Une aberration du règlement", se lamente cet ex-joueur de football d'un club de deuxième division. Mourad, l'oreille constamment collée à ses deux téléphones cellulaires, est l'archétype d'une génération d'immigrés marocains débrouillards. "Je ne mourrais jamais de faim", reconnaît-il dans un entretien avec Albayane en face de la station ferroviaire de Parla, une ville-dortoir du Sud de Madrid de 122.045 habitants et d'un taux de 30% de chômage. "J'achète tout et je vends tout", avoue-t-il. Il vit en sous-location en compagnie d'un groupe d'immigrés, recourt au commerce par internet de vêtements de grandes marques, à l'achat-vente de voitures d'occasion, etc.
Pourtant, les discours politiques et les médis espagnols ne cessent de disserter sur les départs volontaires d'immigrés.
La donne a changé
Certes, la crise est à l'origine de grands drames pour les immigrés, dont la perte de l'emploi, la confiscation de la maison pour la saisie immobilière et sa vente aux enchères, ou la désagrégation de la cellule familiale. A partir de là, la donne change. Comme tout immigré, le marocain aspire à réaliser son projet migratoire et rejette tout sentiment d'échec. C'est le cas d'un couple de Kenitra (Fatima/Driss), marchand de poisson à Parla et propriétaire de trois stands. "Notre journée de travail commence à 04:00 par la halle aux poissons Mercamadrid", le deuxième marché de poissons dans le monde derrière celui de Tokyo, dit Fatima. Sur les cinq stands qu'il gérait il y a quelques mois, le couple a réussi à maintenir ouverts trois. La baisse des ventes est une conséquence directe de la conjoncture actuelle. "La facturation n'a pas évolué mais nous devons faire face à la hausse de la Taxe sur la Valeur Ajoutée, la maigre marge de bénéfices et la diminution de clients de la communauté latino-américaine, une grosse consommatrice de poisson et produits de mer", explique pour sa part Driss, un ex-contremaître dans une entreprise industrielle qui compte 24 ans de résidence en Espagne. Le couple kenitri compte projette délocaliser une partie de ses activités au Maroc sans perdre d'attache avec le pays d'accueil. "C'est étonnant de rencontrer encore des marocains qui ne pensent qu'à brûler" (hrag), s'étonne Fatima qui vient de regagner son stand à l'issue d'un récent voyage d'affaires au royaume.
Une jeune marocaine (Houria, 35 ans), qui gère une téléboutique accolée au stand de poisson de ce couple, accueille avec un large sourire les clients, la plupart immigrés. Non plus elle n'a pas l'intention de baisser le rideau ni plier bagages. "Je suis optimiste en dépit de la baisse d'activité", a-t-elle dit en émettant l'espoir de voir le pouvoir d'achat à Parla décoller le plus tôt possible.
A Fuenlabrada, une autre cité-dortoir de la ceinture industrielle du sud de Madrid (dont 12,18% de ses 204.838 habitants en chômage), les marocains sont en tête de la population étrangère. "Désormais, ils préfèrent être indépendants" devant la persistance de la crise et la hausse du chômage, confie Sofiane (la trentaine), un assistant social qui agit comme interprète dans un centre social et prête main forte aux marocains pour résoudre des problèmes d'ordre idiomatique. "Nos concitoyens se fâchent rapidement en leur évoquant le retour volontaire au Bled" et "deviennent souvent intransigeants, intraitables et incommodes". Comment un marocain peut-il "renoncer à son permis de travail et sa carte de séjour après avoir trimé des années pour les avoir", observe Sofiane qui côtoie depuis une quinzaine d'année la communauté marocaine alors conseiller dans une association marocaine. "Ils s'adonnent au commerce, au transport de marchandises et au ramassage de ferrailles", explique-t-il ajoutant que certains préfèrent "faire une pause de temps à autre en se rendant au Maroc en période de fête, surtout ceux qui sont démunis d'indemnité de chômage ou de toute sorte d'aide sociale".
Mohcine, l'interprète.
Les marocains sont plus visibles sur la voie publique, aux salles d'attente des municipalités, centres d'attention, centres de santé, stations ferroviaires de la banlieue et dans le commerce. Ce sont les seigneurs des stands de fruits et légumes mais se distinguent aussi par la variété d'activités qu'ils occupent. La plupart exerçaient dans le bâtiment et les Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Comme tout immigré économique, le marocain perfectionne les techniques de survie en période de crise. L'enquête que nous avions menée sur le terrain a permis de vérifier ces techniques du fait qu'à chaque situation entre en jeu un « Plan B ». Dans ce contexte, viennent en tête les réseaux sociaux et de solidarité, une soupape indispensable pour la résistance aux premiers séismes qui secouent le marché du travail mais surtout un soutien en quête d'une nouvelle occupation en période de chômage. Le marocain a finalement appris la leçon après l'effondrement du secteur du bâtiment en optant pour la requalification professionnelle, les cours de formation sur des spécialités qu'il boudait autrefois et le renforcement de ses compétences linguistiques. Il s'est rendu compte du changement de profil de la main d'œuvre sollicitée dans un marché de travail en pleine mutation. « Je suis prêt à me caser dans n'importe quel secteur et à n'importe quel salaire », explique Hicham (33 ans, 10 de résidence), cet aide-maçon qui vient d'achever un atelier de formation sur la réparation d'appareils de climatisation. D'autres acceptent avec réalisme un « déclassement » professionnel volontaire en exerçant une activité autre que leur spécialité et à un salaire inférieur, comme l'a confirmé Noureddine (45 ans, 15 ans de résidence) un ex-agent immobilier à Alcobendas (15 km au Nord de Madrid, 109.705 habitants). La revalorisation des compétences professionnelles exige ainsi l'abandon du métier de toute la vie. Le va-et-vient entre l'Espagne et le Maroc est aussi une alternative que tout autre immigré ne peut en jouir (chinois ou latino-américain, par exemple).
L'adaptation aux nouvelles conditions du marché de travail a eu pour conséquence la naissance d'une caste de jeunes entrepreneurs marocains avides de gérer leurs propres PME. Ce sont les nouveaux coiffeurs qui peuplent les quartiers de la banlieue, les vendeurs de fruits et bouchers « halal » et les jeunes femmes converties en boulangères spécialisées. Celles-ci, qui ont monté leur propre marché de fortune à l'entrée des grandes mosquées durant le mois de ramadan, approvisionnent le long de l'année les stands de commerce marocains de différents types du pain marocain à moins d'un euro l'unité : « mkhamer », « batbout », « khobz addar », « lharcha), « baghrrer » «mlaoui », etc.
La crise a introduit également des changements dans la mentalité de l'immigré marocain puisque le chef de famille a changé aussi de sexe. La femme marocaine est devenue plus que jamais un membre actif et, dans la plupart des cas, s'érige en tant que soutien principal de la famille en se substituant au rôle du mari en chômage. L'éventail des activités occasionnelles est large. Ce sont des travaux à la tâche, tels la criée au « rastro » (marché aux puces), le transport occasionnel, la vente ambulante (risquée pour être illégale). Pour Aïcha (plus de 20 de résidence) de l'Association solidaire pour l'Intégration Socioprofessionnelle de l'Immigré (ASISI), la femme marocaine est « créatrice de la richesse en période de crise puisqu'elle est dotée d'un haut potentiel, dont la facilité de commercialiser sa production de gâteaux au miel, par exemple». L'homme lui emboîte le pas.
«Un panier solidaire»
«Il a découvert, en cette période de récession dans le ramassage de ferrailles et carton, une valeureuse source de revenus », a jouté cette experte en l'assistance aux immigrés. ASISI est devenue aussi un centre d'assistance sociale largement sollicité dans les milieux d'immigrés. Elle leur garantit, depuis 2007 une fois par mois, « un panier solidaire » d'une valeur de 50 euros en produits alimentaires de première nécessité. Cette aide est destinée précisément aux familles dont les membres sont en chômage, précise cette experte sociale.
Le collectif marocain est ainsi amené à faire preuve de résistance, d'esprit créatif et d'endurance dans l'attente de voir décoller l'économie du pays d'accueil. S'il est visible dans l'espace public pour sa dimension numérique, il est aussi productif, ingénieux et avisé. De par les sources officielles et travaux de recherches sociologiques, la communauté marocaine est celle qui souffre le plus des affres de la crise qui est à l'origine, depuis 2007, de l'hécatombe des secteurs employant une nombreuse main d'œuvre. Bien qu'il représente 27,4% du total des étrangers non communautaires, il compte par contre 38,5% des demandeurs d'emploi et 29,05% des immigrés bénéficiaires de prestations pour chômage. Pourtant, il a augmenté de 3,9% (880.789 personnes : recensement officiel) alors que les autres nationalités régressent (Espagne, Equateur, Bolivie, Pérou surtout). Faute de données fiables sur le taux de retour des marocains, reste à consulter les statistiques officielles puisées dans les registres municipaux, les comptes rendus mensuels des Instituts de l'Emploi, l'Enquête trimestrielle sur la Population Active et les bilans mensuels de la Sécurité Sociale sur leurs mouvements pour vérifier leur progression démographique.
En cette période de crise, le paysage économique a totalement changé aussi pour les citoyens d'Espagne, autochtones et étrangers. Au début des années 2.000, personne ne s'attendait à ce que ce pays, qui était un ferme candidat au G-8 pour former partie du peloton des premières puissances économiques de la planète, à devenir le grand malade de l'Europe. Dans ces circonstances économiques spéciales, le marocain a acquiert de nouvelles compétences entrepreuniales dans un grand registre d'activités professionnelles pour que le retour volontaire ne soit la seule issue de la crise. Ce nouveau profil d'immigré s'appuie sur l'option pour une résidence légale comme condition sine qua non de survie dans une société occidentale. Pour témoigner de leur prédisposition à vivre dans un Etat de droit, les marocains ont aussi opté pour le commerce de détail et respecter le labyrinthe des démarches administratives et bureaucratiques dans la solution de tout problème de résidence. C'est aussi une attitude claire adoptée dans le dessein de démentir certains faux préjugés et stéréotypes qui leur sont collés. En témoigne le recensement de près de 900.000 en situation régulière. L'incorporation massive de la femme marocaine au marché du travail démonte aussi la perception généralisée dans certains travaux d'anthropologues espagnols cataloguant de machiste la société marocaine et de «masculinisation» son immigration. «resistiré sean cuales fueren las circunstancias» ou « je me maintiendrai quelque soient les conditions », est la phrase venue dans de nombreux entretiens et qui résume parfaitement l'entrain de «surfer sur la crise» avec tout type de planche et pour justifier l'ambition de concrétiser le projet migratoire.
«Nous luttons pour nous maintenir en dépit de la crise et ne jamais baisser les bras», a dit avec une expression chargée de désolation et d'amertume Abdallah (53 ans), marocain originaire de Chefchaouen qui a débarqué en Espagne il y a 35 ans.
C'est le discours qui revient en leit motiv dans les entretiens avec un


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