Plusieurs analystes politiques marocains ont estimé, ces dernières semaines, que les partis politiques marocains ont failli à leur mission, qui est celle de l'encadrement des citoyens, leur formation et leur incitation à s'engager politiquement pour pouvoir remplir pleinement leur rôle de citoyens, envers leur pays. Les partis politiques marocains n'exercent aucune attraction en direction des citoyens, dans l'ensemble, et leur nombre d'adhérents demeure très faible, y compris pour certains d'entre eux, que l'on considère comme historiques. 200.000 adhérents pour un parti politique «progressiste» qui existe depuis plus de 50 ans ! C'est un chiffre qu'il vaut mieux éviter de ne pas revendiquer en public. Pire, l'audience des partis politiques a enregistré un net recul, au cours de ces dernières années. Non seulement il n'y a pas de recrutement, mais il y a des départs. Et pour cause, l'usure du pouvoir qui, n'étant pas le seul indicateur de ce recul, a provoqué une désaffection des citoyens par rapport aux partis politiques et à la politique de manière globale, pour preuve, le taux d'abstention aux législatives de 2016, qui a dépassé le seuil de 50 pour cent du corps électoral. Mais cette désaffection est encore plus grave, puisque six millions de nos compatriotes ne se sont même pas dérangés pour aller aux communes pour s'inscrire sur les listes électorales, qui sont régulièrement actualisées. Sur plus de 15 millions d'inscrits, ce sont cinq millions de Marocains, soit le tiers qui sont allés voter aux législatives de 2016. Dix millions ont préféré aller à la chasse, auxquels il ya lieu donc d'ajouter six autres millions, qui n'ont même pas pris la peine de se faire inscrire sur les listes électorales. La population en âge de voter était en 2016 constituée de 21 millions de citoyens. Seulement le tiers des inscrits sont allés voter, soit environ 5 millions de nos compatriotes. Toutefois, près d'un million de suffrages ont été annulés pour de multiples raisons, ce qui réduit encore davantage le nombre de nos compatriotes qui se sont effectivement et réellement exprimés, lors de ces élections. L'audience des partis aurait même dégringolé à des niveaux très bas, ces dernières années, car il est inacceptable et contre toute logique qu'un parti politique, qui existe depuis plusieurs décennies, ne revendique théoriquement que 200.000 adhérents sur 34 millions de marocains dont 21 millions en âge de voter. Les scores obtenus par ces partis sont éphémères et dérisoires, au regard de ces chiffres. Le premier de ces partis, «le plus populaire», dirait-on, avait obtenu 1.500.000 voix aux élections législatives de 2016 sur 15 millions d'inscrits et 21 millions en âge de voter. Ces chiffres sont révélateurs de l'audience et des assises réelles et très limitées des partis politiques marocains, qui ne sont plus, comme avait souligné récemment Ahmed Charai, directeur de l'hebdomadaire «l'Observateur du Maroc et d'Afrique», compétitifs sur les programmes. Les programmes, quand ils existent, se rapprochent et on fait du pareil au même. Or, gouverner, c'est avant tout un programme politique, avec des objectifs et un calendrier d'exécution. Une coalition, c'est aussi un accord sur les programmes, en d'autres termes, un programme commun. Ce programme est rendu public et l'électeur connait les engagements de son parti et éventuellement ses concessions à son ou ses partenaires politiques. L'usure du pouvoir a certes provoqué la désaffection des marocains par rapport aux partis politiques et à la politique de manière globale. L'USFP a gravement chuté en popularité, depuis son entrée au gouvernement, en mars 1998, avec Abderrahmane El Youssoufi. Resté des décennies durant dans l'opposition, depuis le gouvernement de Abdallah Ibrahim au lendemain de l'indépendance, l'USFP raflait toujours, avec le parti de l'Istiqlal, les premières places aux législatives, avec entre 50 et 70 sièges. Même si le PPS, victime lui aussi de l'usure du pouvoir, entreprend actuellement des démarches pour relancer l'ancienne alliance des partis de gauche marocains, rien n'indique que les partis historiques du Maroc, USFP, Istiqlal, vont pouvoir retrouver leur popularité et leur image d'antan. Les marocains ont eux aussi, tout au long de ce parcours, disposé d'assez de temps pour juger ces partis et ont compris que les programmes électoraux ont une durée de vie limitée aux campagnes électorales et que la contribution de leurs représentants élus à la recherche de solutions aux problèmes sociaux auxquels le pays est confronté reste médiocre. Certains fléaux sociaux, comme la mendicité, les gilets jaunes, les bidonvilles, la pauvreté et l'exclusion, le chômage des diplômés de manière globale, les déséquilibres régionaux, les refontes périodiques et conjoncturelles du système éducatif, l'état de délabrement du secteur de la santé, l'urbanisation des terres agricole, l'occupation des plages, la violence et les agressions, restent foncièrement posés, depuis des années. Les Marocains ne semblent plus placer leurs espoirs dans la revitalisation de la défunte alliance de la gauche, ni dans purges qui ont lieu, d'un moment à l'autre, au sein des autres partis politiques marocains, mais plutôt dans «un mouvement social-démocrate, indépendant et citoyen», qui canaliserait tout le potentiel du pays en cadres, intellectuels, journalistes, professions libérales, hommes d'affaires, enseignants, banquiers, experts, non impliqués dans la gestion désastreuse des affaires du pays, qui atteste, à travers l'aggravation de l'endettement extérieur, d'un manque grave de volonté politique de la part des élus, tant au niveau local que national, pour la recherche urgente et immédiate de solutions aux problèmes pendants du pays. La pétition engagée récemment en faveur des malades du Cancer en dit long sur les capacités des marocains à se mobiliser pour les causes du pays. *Journaliste et écrivain