Le parquet national antiterroriste s'apprête à émettre deux mandats d'arrêt internationaux, mettant directement en cause des agents de la DGDSE en poste dans les représentations diplomatiques algériennes Une opération clandestine ourdie depuis l'ambassade d'Algérie Treize mois après l'enlèvement, la séquestration et la tentative d'homicide contre le cyber-activiste algérien Amir Boukhors, alias Amir DZ, survenus à Paris le 29 avril 2024, la justice française affirme avoir établi l'implication directe de deux diplomates algériens agissant pour le compte de la direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE), le service de renseignement extérieur algérien. Comme le révèle Rupture dans un article publié le 11 juin signé Mohamed Sifaoui, les magistrats du parquet national antiterroriste (PNAT) disposent désormais de preuves substantielles mettant en cause Salah-eddine Selloum, premier secrétaire à l'ambassade d'Algérie à Paris, et Mohamed Bouaziz, consul adjoint au consulat d'Algérie à Créteil (Val-de-Marne). Selon le même média, «M. Selloum n'est pas officier mais sous-officier de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE)», tandis que «M. Bouaziz détient le grade de colonel au sein de ce même service et serait l'un des principaux cadres opérationnels sur le théâtre français.» Les deux hommes sont accusés d'avoir supervisé l'ensemble de l'opération depuis le territoire français, en coordination avec un troisième agent, présenté comme agent consulaire mais en réalité adjudant de la DGDSE, actuellement placé en détention. L'affaire constitue une violation grave des conventions diplomatiques, les activités d'espionnage et les opérations extrajudiciaires menées sous couverture diplomatique étant rigoureusement proscrites par le droit international. Une chaîne de commandement remontant jusqu'au sommet de l'Etat algérien L'enquête s'appuie sur des témoignages clés, des enregistrements issus de caméras de surveillance, des données de géolocalisation et l'exploitation des communications téléphoniques. D'après Rupture, «les magistrats français s'emploient désormais à remonter la chaîne de commandement», laquelle mènerait au colonel Fethi Rochdi Moussaoui, ancien chef du Bureau de sécurité et de liaison à l'ambassade d'Algérie à Paris et ex-chef de poste de la DGDSE dans la capitale française. Toujours selon les informations du journal, «les sommes d'argent versées aux ravisseurs ne pouvaient sortir de la caisse noire de l'ambassade sans l'aval» de ce dernier. Proche du président Abdelmadjid Tebboune, le colonel Moussaoui aurait été nommé à Paris sous l'influence directe du cercle présidentiel. Plusieurs sources évoquées par Rupture affirment que «le chef de l'Etat algérien souhaitait coûte que coûte faire revenir Amir DZ en Algérie, par tous les moyens nécessaires», ce qui confirmerait une volonté politique claire de procéder à un rapatriement forcé, hors de tout cadre légal. Les magistrats du PNAT et le juge d'instruction en charge du dossier devraient se réunir dans les prochains jours pour arrêter une stratégie judiciaire définitive. Deux mandats d'arrêt internationaux contre Selloum et Bouaziz seront, selon les mêmes sources, émis avant la fin du mois de juin. Le climat diplomatique entre Paris et Alger, déjà fragilisé, pourrait être profondément affecté par la tournure de cette affaire ignoble, d'autant que certains cercles politiques proches du régime algérien chercheraient à interférer dans le cours de la justice. Mais, comme le souligne Rupture, «pour la justice française, l'enjeu est désormais de faire toute la lumière sur cette affaire, sans céder aux pressions politiques.»