Le Maroc a accru sa présence sur le marché énergétique espagnol de manière spectaculaire, avec 206 000 tonnes d'hydrocarbures exportées vers l'Espagne depuis le début de l'année, contre à peine 39 000 tonnes en 2024. Selon les données communiquées par la Corporation des réserves stratégiques de produits pétroliers (Cores), ce bond de 428 % place Rabat parmi les nouveaux axes majeurs d'approvisionnement énergétique de la péninsule ibérique. Cette progression s'inscrit dans une tendance de fond amorcée en 2018, date à laquelle les exportations marocaines vers l'Espagne étaient encore nulles. Depuis l'arrivée de Pedro Sánchez à la tête du gouvernement, les flux n'ont cessé de croître, atteignant un cumul de 671 000 tonnes sur cinq ans. Le Maroc devance ainsi certains fournisseurs historiques comme l'Algérie, dont les exportations vers l'Espagne ont connu un net fléchissement au cours des derniers mois. Récemment, les thèses relatives à l'éventuelle entrée indirecte de gasoil russe sur le marché européen via le territoire marocain se sont accentuées. Rabat, n'étant pas partie prenante aux sanctions imposées par l'Union européenne contre Moscou, ne bloque pas les flux d'origine russe. «Il est plausible qu'une partie du brut arrivé récemment en Espagne ait été réorientée à partir de cargaisons russes, réétiquetées ou transformées en produits dérivés au Maroc», a-t-on observé. L'Espagne réduit ses achats algériens En parallèle, les importations espagnoles d'origine algérienne connaissent une contraction sensible. Entre janvier et mai 2025, elles se sont limitées à 417 000 tonnes, contre 701 000 tonnes pour l'ensemble de 2024. À titre de comparaison, l'Italie – principal client des produits pétroliers algériens selon les chiffres du mois de mai – a acheté pour 345 millions d'euros de brut à Alger l'an dernier, contre seulement 237 millions pour l'Espagne. D'autres flux atypiques émergent. Gibraltar, enclave britannique au sud de l'Andalousie, a expédié vers l'Espagne 1 107 tonnes d'hydrocarbures depuis le début de l'année. Ce mouvement inattendu traduit, selon certains observateurs, une redéfinition silencieuse des routes de l'énergie en Europe. Pendant ce temps, l'Espagne continue d'interdire toute exploration d'hydrocarbures sur son propre sol pour des raisons environnementales. Elle accroît cependant sa dépendance aux approvisionnements extérieurs.