Les écarts de rémunération entre sexes au Maroc connaissent une atténuation graduelle mais demeurent notables, selon une étude co-signée par Fatima Mounir, Saïd Hanchane et Khalid Soudi, publiée dans la revue Development Studies Research. Fondée sur les enquêtes nationales de l'emploi de 2012, 2015 et 2017, l'analyse explore en profondeur la distribution des salaires entre zones urbaines et rurales, en tenant compte du niveau d'éducation, des caractéristiques socio‐professionnelles et du biais de sélection. Evolution temporelle et disparités géographiques Le rapport relève que «l'écart salarial total atteint 8,3 % en 2012 et 3,4 % en 2017 en zone urbaine, contre 41,8 % en 2012 et 25,4 % en 2017 en zone rurale». Cette baisse s'explique par plusieurs facteurs : progression de l'instruction féminine, révisions du salaire minimum — relevé de 10 % en juillet 2011 puis de 5 % en juillet 2012 — et transformations sectorielles liées à l'essor des services et de l'industrie. À l'échelle nationale, l'écart salarial total (TWG) était de 7,1 % en 2012, devenant statistiquement non significatif en 2015 (0,3 %) et 2017 (1,4 %). La part expliquée par les caractéristiques observables oscillait entre 5,2 % et 5,5 %, tandis que la composante inexpliquée passait de 1,9 % en 2012 à des valeurs négatives après 2015. Profil des salariées et caractéristiques démographiques L'étude décrit une population salariée largement masculine : «79,66 % d'hommes contre 20,34 % de femmes en 2012, puis 80,01 % d'hommes contre 19,99 % de femmes en 2017». Les salariés urbains représentent environ 70 % de l'échantillon (15 923 urbains et 6 718 ruraux en 2012 ; 24 191 urbains et 10 036 ruraux en 2017). Les femmes salariées sont légèrement plus jeunes (37,6 ans contre 38,1 ans) et plus souvent célibataires (41 % contre 30 %) ou veuves/divorcées (20 % contre 1 %). En matière d'éducation, «23 % des femmes détiennent un diplôme supérieur contre 10 % des hommes». Les femmes sont surreprésentées dans le secteur public (18 % contre 15 %) et le secteur formel (44 % contre 32 %). Différences de salaires et conditions d'emploi En 2017, le salaire mensuel moyen s'élève à 2 799,59 pour les hommes contre 2 808,76 pour les femmes, écart jugé non significatif (–9,17). En revanche, les femmes perçoivent un salaire horaire supérieur (19,54 contre 17,29) mais travaillent moins d'heures hebdomadaires (43,91 contre 50,26). La répartition sectorielle illustre une forte ségrégation : «64 % des femmes exercent dans les services, 11 % dans l'agriculture, 24 % dans l'industrie et seulement 1 % dans la construction». Les hommes se concentrent plus dans l'agriculture (18 %) et la construction (24 %). Analyse par modèle et par secteur L'approche Oaxaca–Blinder montre qu'après correction du biais de sélection, la composante inexpliquée — assimilée à une discrimination potentielle — atteint 24,7 % en 2012, puis 21,6 % en 2015 et 13,8 % en 2017. En zones urbaines, cette composante inexpliquée s'établit à 24,9 % en 2012, 20 % en 2015 et 11,2 % en 2017. En zones rurales, elle atteint 13,3 % en 2012, 17,1 % en 2015 et 13,3 % en 2017, tandis que la part expliquée progresse à 28,5 % en 2012 puis 12 % en 2017. Les écarts varient également selon le niveau de qualification : en 2017, pour les professions très qualifiées de type high‐skilled white‐collar, l'écart national atteint 39,1 % (69 % inexpliqué), et grimpe à 49,7 % en zone rurale (61,4 % inexpliqué). Pour les professions très qualifiées manuelles (high‐skilled blue‐collar), l'écart est de 43,4 %, avec une composante expliquée supérieure à l'écart total. Les professions peu qualifiées de type low‐skilled white‐collar affichent un écart de 20,1 % en zone rurale tandis que les low‐skilled blue‐collar enregistrent 16,1 %, presque entièrement inexpliqué. Les tendances temporelles révèlent une baisse spectaculaire de l'écart pour les cadres supérieurs (de 57,7 % en 2012 à 22,2 % en 2015), mais une hausse pour les ouvriers qualifiés (de 17,1 % à 28,2 % sur la même période). Inégalités le long de la distribution salariale L'étude par fonctions d'influence recentrées indique que «les écarts sont les plus prononcés dans les déciles inférieurs — dépassant 20 % au 10e centile en zone urbaine et 50 % au 20e centile en zone rurale — et s'amenuisent voire s'inversent dans les déciles supérieurs». Les femmes occupant les postes les mieux rémunérés voient leurs salaires converger, voire dépasser ceux des hommes, en raison d'un effet de sélection positive lié à leur haut niveau de qualification, une réalité qui reste tout de même minoritaire.