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Après l'intervention abrupte d'Aziz Akhannouch pour suspendre le contrôle des cyclomoteurs, qui protège la vie des citoyens face à l'emprise des calculs politiques et financiers ?
La précipitation avec laquelle les composantes du gouvernement se sont empressées d'annoncer la suspension de la campagne – pourtant fondée sur une procédure unifiée destinée à encadrer les opérations de contrôle de la conformité des cyclomoteurs au moyen d'un appareil de mesure de vitesse – illustre l'ampleur de l'improvisation qui mine l'exécutif. L'absence flagrante de coordination, tant technique que politique, se traduit par une cacophonie : lorsqu'un département proclame une décision, un autre se hâte de la démentir, exposant ainsi une image d'exécutif ébranlé, fragmenté et dépourvu d'harmonie interne. Dès lors, une interrogation essentielle surgit avec acuité : où se situe le rôle d'Abdelouafi Laftit, ministre de l'intérieur, dans l'application de la loi encadrant la vitesse des deux-roues en milieu urbain ? Responsable premier des relations entre l'exécutif et les corps chargés de faire appliquer la loi, il paraît singulièrement absent de cette affaire. Plus encore, comment le chef du gouvernement a-t-il pu suspendre une campagne dictée par une loi en vigueur depuis 2010, par une simple conversation téléphonique ou par l'injonction faite au ministère de tutelle de publier une note administrative ? Peut-on concevoir qu'un document ministériel supplante un texte législatif adopté il y a plus de quinze ans sans passer par le Parlement ? Une telle dérive constitue un déni manifeste de l'autorité de la loi et des fondements mêmes de l'Etat de droit. Ce qui est plus grave encore, c'est que le chef du gouvernement et son entourage ont semblé traiter ce dossier comme un simple levier électoral, en raison des quelque trois millions d'usagers de motocyclettes, sans égard pour les statistiques alarmantes relatives aux victimes des accidents de la route. Tandis que plusieurs organes de presse annonçaient que le chef du gouvernement avait ordonné l'arrêt de la campagne et accordé un délai d'une année pour se conformer à la réglementation, un communiqué du ministère des transports contredisait cette version, en ne fixant aucun délai précis. Ainsi, le ministère a choisi un calendrier détaché de toute échéance électorale quand le chef du gouvernement s'en tenait à l'horizon d'une année, soit le temps séparant du prochain scrutin législatif. Calculs électoraux face à l'hécatombe routière Le plus consternant demeure le fait que ces mesures concernent directement la sécurité et la vie des citoyens. Or, le chef du gouvernement n'a nullement semblé en prendre considération, ni face au nombre croissant des morts ni devant les blessés graves, consécutifs aux accidents de circulation impliquant les deux-roues. Les données officielles révèlent une hausse de plus de 21 % des accidents de ce type durant les cinq premiers mois de l'année 2025 par rapport à la même période de 2024. Une telle situation appelle une réponse immédiate et une vigilance constante pour limiter la vitesse excessive en zone urbaine, indépendamment de toute considération politique. À partir de là, une question plus inquiétante surgit : la vie des citoyens aurait-elle pour le chef du gouvernement moins de valeur que son capital électoral ou financier ? Si tel n'est pas le cas, Aziz Akhannouch aurait dû, avant toute décision unilatérale, convoquer une réunion ministérielle regroupant les départements de l'intérieur, du transport et de l'équipement afin d'évaluer la campagne, d'en mesurer la pertinence et d'examiner les solutions adaptées pour mettre un terme à cette hécatombe routière. Rien de tel ne fut décidé : l'affaire se résuma à des coups de téléphone et à des décisions improvisées, alors que le terme même «instructions», évoqué dans certains médias, ne devrait être réservé qu'au souverain. À cette confusion institutionnelle s'ajoute une autre dimension : celle de l'homme d'affaires qu'est également Aziz Akhannouch, acteur majeur du secteur des hydrocarbures. La confiscation de milliers de motocyclettes se traduit mécaniquement par une chute de la consommation quotidienne de carburants, équivalant à des dizaines de milliers de tonnes. Ce manque à gagner, difficilement supportable pour un entrepreneur influent, offre une grille de lecture financière à une décision en apparence politique. Or, l'enjeu véritable reste les vies humaines sacrifiées sur l'autel de la vitesse et du désordre. Des citoyens réduits à des chiffres électoraux et commerciaux Les motocyclistes ne doivent pas être perçus comme de simples clients des stations-service, ni comme des masses électorales à capter, mais bien comme des citoyens s'épuisant chaque jour pour assurer leur subsistance. Ils réclament soutien, orientation et protection afin de ne pas demeurer prisonniers d'un secteur informel laissé à l'abandon par le chef du gouvernement durant toutes ces années. Si Aziz Akhannouch et sa formation politique misent sur cette catégorie sociale pour s'attirer ses faveurs lors des prochaines échéances électorales, ils se trompent lourdement. Car ces travailleurs de la route sont plus préoccupés par leur survie quotidienne que par les urnes et beaucoup d'entre eux, à l'instar de millions de Marocains, ont perdu toute confiance dans les partis comme dans les responsables publics. Ils constatent aujourd'hui, avec amertume, que des décisions aux conséquences sociétales lourdes se prennent dans la hâte, sans examen de leur portée sur la société à court, à moyen ou à long terme.