L'Alliance des économistes de l'Istiqlal (AEI), organe intellectuel du Parti de l'Istiqlal, a transmis au gouvernement une note dense consacrée au projet de loi de finances pour 2026, exposant huit recommandations jugées indispensables pour concevoir «une loi de finances ambitieuse et socialement responsable», capable de répondre aux pressions économiques, sociales et climatiques. Toutefois, le parti historique n'a pas remis en cause le bilan du gouvernement actuel. Equilibres macroéconomiques et prudence budgétaire L'AEI observe que «la conjoncture internationale est caractérisée par l'escalade des tensions géopolitiques, la progression de l'endettement mondial, le ralentissement du commerce et les répercussions du dérèglement climatique et des migrations». Elle relève que, malgré cette situation, les projections du gouvernement et du Haut-commissariat au plan (HCP) prévoient «une croissance de l'économie marocaine proche de 4,5 % en 2025, assortie d'une baisse légère du chômage». Pour l'Alliance, il s'agit de «signaux encourageants» mais qui exigent «une évaluation prudente des hypothèses de croissance, en particulier pour la production céréalière». L'organisation recommande de «cibler avec plus de précision le soutien direct par le registre social unifié, en redéfinissant les critères d'éligibilité et en surveillant la consommation d'électricité, d'internet et de transport durant six mois avant tout réexamen». Elle propose d'étendre l'assurance maladie obligatoire «aux travailleurs saisonniers et à ceux exerçant dans l'informel» et d'«augmenter l'allocation mensuelle versée aux personnes en situation de handicap de 100 à 200 dirhams». Fiscalité, soutien à l'agriculture et infrastructures rurales L'AEI plaide pour «l'accélération de la couverture complète des services d'urgence et du don du sang avec l'implication financière des conseils régionaux, et pour une refonte en profondeur du système d'aide médicale Ramid». Elle constate que, malgré le soutien public aux prix de l'énergie, du transport et des produits de base, «les spéculations sur les marchés ont empêché le consommateur d'en bénéficier pleinement». La note appelle à «poursuivre la réforme de l'impôt sur le revenu afin d'élargir les bénéficiaires et de prévoir la révision automatique des salaires en fonction de l'indice officiel des prix». Elle propose également «d'inclure des déductions fiscales pour les frais de scolarité dès le primaire et le secondaire, et non plus uniquement pour l'enseignement supérieur». Sur le plan agricole, l'Alliance constate que «l'agriculteur marocain subit une perte de rendement notable sous l'effet du climat et de l'insuffisance des techniques d'adaptation», ce qui impose «un soutien accru à la production et une diversification des sources de revenus». Elle suggère «l'instauration de quotas d'exportation en coordination avec les grands producteurs et les collecteurs, le stockage et le conditionnement sur place, tout en accordant à ces investissements les avantages du nouveau pacte d'investissement, quelle que soit leur taille ou leur localisation». Enfin, l'AEI propose «d'encourager les agriculteurs à rationaliser l'usage de l'eau, de simplifier les procédures pour les projets touristiques en milieu rural, de créer des coopératives locales pour l'achat d'intrants agricoles et d'exonérer ces activités de la taxe professionnelle pendant cinq ans». Emploi, fiscalité locale et transition écologique Sur la question de l'emploi, l'Alliance estime que «les programmes actuels n'ont pas encore atteint leurs cibles» et appelle à «porter la contribution de l'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (Anapec) à 30 000 dirhams par bénéficiaire dans les jeunes entreprises, et à élargir les critères d'accès aux jeunes sans diplômes». Elle suggère également «de réduire de 50 % les cotisations sociales pendant 36 mois pour les nouveaux salariés affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS)». L'AEI souligne aussi la nécessité de «déployer de vastes programmes de reboisement et de ceintures vertes autour des grandes villes, de généraliser la collecte des déchets plastiques et de créer des emplois environnementaux». Sur le plan fiscal, la note recommande «d'appliquer pleinement le pacte d'investissement aux petites et moyennes entreprises, de réviser le statut d'auto-entrepreneur en portant le plafond de chiffre d'affaires à un million de dirhams pour le commerce et l'industrie, et à 500 000 dirhams pour les services, tout en réduisant la retenue à la source à 20 %». Elle suggère encore «de reconnaître le statut de "société innovante" pour les entreprises à vocation technologique et de les associer à des partenariats avec les universités et les centres de recherche». Enfin, l'AEI réclame «l'augmentation de la part des collectivités dans la taxe sur la valeur ajoutée de 32 % à 34 %, la dotation des administrations fiscales locales en ressources humaines et techniques modernes, la rétrocession aux régions d'une part des revenus miniers et la création de sociétés foncières régionales pour valoriser le patrimoine public et financer de nouveaux projets». Elle conclut en rappelant que «les grands chantiers engagés depuis 2021 dans l'eau, l'énergie et les infrastructures en prévision de la Coupe du monde 2030 doivent être évalués pour garantir leur viabilité et leur discipline budgétaire, sous le contrôle d'un comité indépendant».