Longtemps réservée aux banques, la gestion de patrimoine attire de plus en plus de sociétés privées. Pour la plupart d'entre elles, laissant en rade le patrimoine financier, elles ont fait de l'immobilier leur cheval de bataille. Pour autant, l'aspect sécuritaire des banques semble leur faire défaut. Le conseil en gestion du patrimoine n'est plus seulement l'apanage des banques. Aujourd'hui, de plus en plus de sociétés privées se spécialisent dans ce métier. Leur fonds de commerce, la valorisation du patrimoine de leurs clients. Toutefois, pour la plupart d'entres elles, l'approche diffère de celle des institutions bancaires. Contrairement à celles-ci, qui traitent essentiellement le patrimoine financier, ces entreprises ont choisi de faire de l'immobilier leur cheval de bataille pour le lancement de leurs activités. La dernière à avoir franchi le pas, il y a deux mois, est Century 21. Cette franchise opérant dans l'intermédiation immobilière compte se positionner sur ce nouveau créneau. L'immobilier comme fonds de commerce « Le marché a un énorme potentiel. Une ville comme Casablanca compte plus de 123.000 biens immobiliers vacants pour la simple raison que leurs propriétaires ne veulent pas les mettre en gestion locative par manque de professionnels pour cela. Mais depuis que nous avons fait l'annonce à travers notre site Internet, nous avons dépassé le millier de demandes. Pour l'instant, nous ne faisons que Casablanca, pour laquelle nous gérons une dizaine de biens depuis notre lancement», souligne Samir Benmakhlouf, président de Century 21 Maroc. C'est à la fin des années 1990 que les entreprises privées ont commencé à investir la niche. C'est le cas de la société Patrimonia, que son fondateur Hamid Ben Elafdil, président du CRT de Casablanca, a vendu. Selon lui, l'entreprise a depuis changé de nom. Albâtre, créée il y a dix ans à Casablanca par François Queval, fait partie de ses sociétés pionnières. Pour son fondateur, si son entreprise a choisi d'intervenir dans l'immobilier, c'est parce qu'il s'agit du premier patrimoine des Marocains. C'est aussi pour pallier une absence d'offre sur ce créneau en particulier. « Le volet financier est non seulement embryonnaire, mais il n'est pas encore très pointu. Ajouté à cela que le dirham n'est pas convertible, le seul créneau pour investir reste l'immobilier», dit-il. Pourtant, la société Albâtre a poussé la spécialisation en ne se positionnant que sur l'immobilier professionnel. Contrairement à la majorité des gestionnaires de patrimoine au Maroc, MC Connexion a fait du volet financier son angle d'attaque. Ce groupe, filiale d'une holding suisse qui gère depuis plusieurs années un réseau d'agences immobilières dans différentes villes du Royaume, a créé en 2008 MC Finance, dédié à cette nouvelle activité. «Les agences MC Connexion que nous cherchons à développer font non seulement de la transaction mais également de la gestion immobilière avec une rentabilité, une gestion de patrimoine. Par extension, nous avons proposé, avec MC Finance, de gérer la partie liquide du patrimoine, en la plaçant sur la bourse de Casablanca de différentes manières selon «l'appétit au risque » de nos clients investisseurs. Cela peut aussi être un placement momentané avant un investissement immobilier », explique Bernard Charrière, Président de MC Connexion. Sur la quinzaine de sociétés privées qui opèrent sur le marché de la gestion de patrimoine, dix ont vu le jour au cours de ces trois dernières années. Si dans la plupart des cas, les détenteurs de patrimoine immobilier sont des promoteurs immobiliers, des entreprises et des particuliers, la plupart de ces sociétés gestionnaires de patrimoine immobilier ciblent ces deux dernières catégories. Qui la compose ? Selon les opérateurs du secteur, leur clientèle est constituée majoritairement de vieilles familles marocaines, d'entreprises, d'étrangers et de MRE (Marocains résidant à l'étranger) qui veulent assurer la gestion locative de leur patrimoine immobilier développé dans leur pays natal. A en croire ces gestionnaires de patrimoine, l'immobilier détenu par cette catégorie de personnes n'est souvent pas exploité (non loué) en raison de l'inexistence de professionnels spécialisés en la matière. Pour autant, le dénominateur commun de leur clientèle est qu'elle tient absolument à la discrétion et croit énormément à l'immobilier. Ainsi, si ces clients confient leur patrimoine immobilier à des professionnels, c'est d'abord pour en améliorer le rendement. Les taux actuels pratiqués par ces sociétés privées varient entre 6 et 10 %. Reste à savoir si les gestionnaires de patrimoine arrivent à tirer leur épingle du jeu. Peu diserts sur ce que leur rapporte leur business, ils affirment tous se tirer d'affaire. En effet, pour la gestion locative par exemple, ils se rémunèrent autour de 5 % (gestion simple comprenant assistance financière et technique) et 8 % (gestion intégrant assistance financière, technique et juridique) du prix du loyer. L'ombre des banques Quid de la clientèle des gestionnaires de patrimoine financier? « Ce sont des particuliers marocains, mais aussi internationaux, qui veulent un conseil en placement en bourse mais aussi un suivi de leur avoir, afin d'être proactifs selon l'actualité et les tendances à moyen et long termes sur les différents secteurs d'activité, ou de classe d'actifs », précise Bernard Charrière. Malgré tout, les professionnels du secteur de la gestion de patrimoine ont une grande bataille à mener pour se faire une place au soleil. Car ils sont grandement concurrencés par les institutions bancaires qui n'hésitent pas à mettre en avant leur côté sécurité. «Pour l'instant, les clients sont encore mal informés des avantages des sociétés spécialisées et préfèrent le côté sécuritaire de grandes banques de la place, même si ils ont de la peine à trouver un vrai conseil. Les choses vont évoluer et les sociétés spécialisées vont se développer au Maroc», affirme le patron de MC Finance. Même son de cloche auprès du fondateur de la société Albâtre. «Certes, face aux banques, notre tache n'est pas facile. Cependant, il faut noter qu'on récupère très souvent la clientèle déçue ou qui se sent dupée par les banques», dit-il. Aujourd'hui, les professionnels du secteur s'attendent à voir leur secteur accueillir de nouveaux arrivants si ce n'est déjà le cas. «Plusieurs banques privées à l'international ont des représentants au Maroc, particulièrement à Marrakech, qui travaillent essentiellement avec une clientèle d'étrangers résidant ou de passage dont ils gèrent le patrimoine », précise un opérateur marocain. Gestion de fortune : la nouvelle trouvaille des banques Entre la gestion de patrimoine et la gestion de fortune, il n'y a qu'un pas à franchir. Après plusieurs années de tergiversations, les banques locales se mettent à l'heure de la gestion de fortune. Actuellement, Crédit du Maroc et BMCI sont en train de mettre la main sur les derniers réglages pour se doter d'espaces dédiés à ce nouveau métier. Selon une source proche de l'une des banques, l'une des difficultés rencontrées dans la concrétisation de ce projet est le recrutement du bon profil. Dans le pipe également depuis 2004, Attijariwafa bank travaille toujours sur le même projet avec l'intention de créer deux agences spécialisées en gestion de fortune à Casablanca. Déjà en novembre 2007, le groupe bancaire dirigé par Mohamed Kettani s'était rapproché du géant suisse et mondial, l'Union des banques suisses (UBS), l'un des principaux gestionnaires de fortune de la planète. Les deux institutions, qui coopèrent actuellement dans le domaine du trading, envisageraient de travailler ensemble dans le domaine de la gestion de fortune.