Face à la prolifération inquiétante des bâtisses sauvages aux portes de la capitale économique, Mohamed Mhidia, Wali de la région Casablanca-Settat, a décidé de serrer la vis. Ses nouvelles directives aux gouverneurs et autorités locales sont sans équivoque : les images captées par les drones de l'Agence urbaine doivent désormais servir d'arme absolue contre les infractions urbanistiques. Le constat est alarmant. Dans les circonscriptions de Berrechid et Médiouna, les constructions illégales continuent de pousser comme des champignons. Étables non autorisées, salles de fêtes édifiées sur des terres agricoles... Le phénomène prend une ampleur préoccupante qui pousse les autorités à durcir le ton. « La situation devient intenable« , confie une source proche du dossier à Hespress. Les caïds et pachas ont désormais pour mission d'intervenir dans l'urgence. Fini le temps des longues procédures : les contrevenants ne disposent plus que de 10 jours maximum pour régulariser leur situation avant de voir leurs constructions rasées. Derrière cette recrudescence se cache une réalité plus sombre. Plusieurs responsables territoriaux, y compris de nouveaux gouverneurs, ont mis au jour de véritables réseaux de construction illégale. Ces derniers impliquent des agents d'autorité qui ont bâti des fortunes considérables en détournant leurs prérogatives, profitant parfois de protections douteuses invoquant les « intérêts des affaires intérieures« . L'explosion de l'habitat informel a créé un terreau fertile pour ces pratiques. Entrepôts industriels sur terrains agricoles, usines clandestines de sacs plastiques interdits... Les dérives se multiplient, alimentées par des complicités au sein même de l'administration. Les nouvelles images de reconnaissance aérienne ont eu l'effet d'une bombe dans certains cercles. Plusieurs agents d'autorité se retrouvent aujourd'hui dans l'embarras, leurs agissements mis à nu par la technologie. Cette situation coïncide avec le passage de la redoutable « Commission 360« , chargée des promotions dans l'administration territoriale, dont les rapports pourraient conduire à des révocations ou mutations en cascade. L'anecdote la plus croustillante reste celle de ce président de commune de la province de Médiouna qui, pris de colère face au survol d'un drone au-dessus de ses « hangars » suspects, aurait menacé de l'abattre à coups de fusil de chasse. Une réaction qui en dit long sur les nerfs à vif dans certains milieux. Les préparatifs pour l'organisation de la Coupe du Monde 2030 ajoutent une pression supplémentaire. Les drones scrutent désormais l'extension du bâti illégal près des chantiers routiers en cours, alimentant les données transmises aux inspections centrales du ministère de l'Intérieur. Cette offensive anti-constructions illégales redistribue les cartes politiques locales. L'intensification des démolitions et les projets de relogement des bidonvilles perturbent les stratégies électorales de nombreux élus, anciens comme actuels. Certains ont déjà entamé leurs « échauffements » pour les échéances de 2026, constituant de nouvelles alliances et courtisant les associations civiles pour reconstruire leurs bases électorales ébranlées. L'inquiétude grandit également autour du futur découpage électoral, qui pourrait réserver bien des surprises en fonction de la nouvelle cartographie urbaine. Cette offensive s'inscrit dans une stratégie plus large du ministère de l'Intérieur, qui avait déjà adressé des rappels aux gouverneurs pour leur manque d'assiduité dans l'application de la loi n°66.12 sur le contrôle urbanistique. Les retards accumulés dans l'organisation des rencontres entre architectes, caïds et agents d'autorité avaient déjà sonné comme un avertissement. Désormais, avec les drones qui scrutent le ciel casablancais et les directives qui pleuvent, le message est clair : l'ère de la tolérance envers les constructions sauvages est révolue.