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Au-delà des apparences : La résilience silencieuse de Mohammed VI

Le 24 août 2025, Le Monde lançait une série d'enquête intitulée « L'énigme Mohammed VI », dont les premiers épisodes, dessinent un portrait à la fois troublé et troublant du souverain marocain. À travers des images contrastées – le roi fatigué lors de la prière de l'Aïd, puis dynamique sur un Jet-Ski -, le journal cherche à instiller une atmosphère de fin de règne, de déclin physique, de luttes d'influence larvées, et de réformes inachevées. Ce récit, habilement construit, s'appuie sur une esthétique du doute, sur une dramaturgie de la transition, mais il mérite d'être lu non comme une vérité révélée, mais comme un regard étranger, parfois myope, sur un système politique profondément ancré dans une réalité que l'Occident peine à saisir.
Car derrière ces images en miroir, ce n'est pas seulement Mohammed VI qui est mis en cause, mais l'idée même d'un royaume qui ose exister en marge des modèles démocratiques conventionnels, tout en s'imposant comme un acteur régional incontournable. Le reproche implicite serait celui-ci : un monarque éclairé, mais trop prudent ; un réformateur, mais trop lent ; un allié, mais trop exigeant. Mais est-ce là une critique légitime, ou plutôt le reflet d'un malaise occidental face à un pouvoir qui ne se plie pas aux normes de transparence et de rend compte qu'il a lui-même forgées ?
Prenons l'exemple de la scène de Tétouan. Le roi, assis, ne se prosterne pas. L'image est saisissante, oui. Elle est même puissante. Mais doit-on y voir un signe de faiblesse ou simplement une adaptation humaine à une condition physique ? Depuis quand le fait de ne pas accomplir un geste rituel, pour des raisons de santé, devient-il un symptôme de déclin du pouvoir ? Mohammed VI, en tant que Commandeur des croyants (« Amir al-Mu'minin »), incarne une fonction spirituelle autant que politique. Or, dans l'islam, la prière peut être accomplie assis si l'on ne peut se prosterner. Ce n'est pas une défaillance, c'est une conformité à la charia. Le choix de montrer cette image sans ce cadre d'interprétation relève donc moins de l'analyse que de la suggestion.
De même, la vidéo du Jet-Ski, présentée comme une « inversion radicale du narratif », est aussitôt discréditée par le ton du texte, comme si l'activité physique du roi devait être suspecte, voire manipulée. Comme si un souverain ne pouvait à la fois être fatigué et actif, humain et symbolique, vulnérable et fort. Cette dichotomie binaire – malade/valide, faible/puissant – est typique d'un journalisme qui cherche le scoop dans la fragilité plutôt que la compréhension dans la complexité.
Quant à la jeunesse de Mohammed VI, décrite comme marquée par le mépris de Hassan II, il est vrai que le père et le fils incarnaient deux époques. Hassan II, homme de fer, de coups d'État déjoués, de répression et de survie, incarnait un Maroc en construction, souvent par la force. Mohammed VI, accédant au trône en 1999, entreprit une autre voie : celle de la modernisation sans rupture, de la réforme sans effondrement. Il héritait d'un État marqué par les « années de plomb », et choisit, non sans courage, de ne pas rejeter son père, mais de l'assumer tout en l'outrepassant.
Ainsi, la réforme du statut de la femme, la création de l'Instance équité et réconciliation (IER), la décentralisation progressive, la promotion du multilinguisme et du pluralisme culturel – autant de gestes qui, s'ils n'ont pas radicalement transformé la donne politique, ont profondément changé le tissu social marocain. Et pour cause : dans un royaume où l'armée, les services de renseignement, les grands notables et les élites économiques forment un « deep state » complexe, toute transformation doit être menée avec une extrême prudence. Ce que certains appellent « réformes inachevées », d'autres pourraient le nommer « stratégie de transformation graduelle ». Ce n'est pas de l'immobilisme, c'est de la sagesse politique.
Sur le plan diplomatique, l'épisode évoquant la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara marocain mérite une lecture nuancée. Plutôt que d'y voir une simple victoire diplomatique arrachée par la pression, il faut y reconnaître une constance stratégique. Le Maroc, sous Mohammed VI, n'a jamais cédé sur ce point fondamental de sa politique étrangère. Il a multiplié les leviers : rapprochement avec Israël via les accords d'Abraham, réouverture des relations avec l'Algérie (malgré les tensions), renforcement des liens avec l'Afrique subsaharienne, séduction des États-Unis. Le roi n'est pas un manipulateur, comme le suggère le ton de « Le Monde », mais un joueur d'échecs dans un jeu régional extrêmement complexe.
Et que dire de la question de la succession ? Le journal évoque des « luttes d'influence » et des « coups bas ». Mais quelle monarchie, quelle famille régnante, n'a jamais connu de tensions à l'approche d'une transition ? Ce n'est pas un signe de faiblesse du régime, mais une réalité humaine. Le fait que ces luttes soient supposées, plutôt que documentées, montre que l'on bascule ici dans la spéculation. Le Maroc, malgré les apparences, reste un État stable, sans putsch, sans guerre civile, sans crise constitutionnelle majeure. Dans une région en proie au chaos, ce n'est pas un mince exploit.
En fin de compte, ce que « Le Monde » appelle « l'énigme Mohammed VI » n'est peut-être qu'un refus de comprendre un modèle politique atypique : une monarchie constitutionnelle où le roi incarne à la fois l'unité nationale, la continuité historique, la légitimité religieuse et le pouvoir exécutif. Ce modèle ne correspond à aucune grille occidentale, et c'est précisément ce qui le rend incompris, voire suspect.
Mais juger Mohammed VI à l'aune des attentes européennes, c'est oublier que le Maroc n'est pas l'Europe. Il est un pays de transition, entre tradition et modernité, entre Afrique et Méditerranée, entre islam et laïcité douce. Et dans ce creuset fragile, le roi n'a pas été un obstacle, mais un stabilisateur. Pas un despote, mais un conservateur éclairé. Pas un homme en fin de règne, mais un homme en fin de cycle – et il appartient à l'Histoire, non à la presse, de trancher sur la valeur de ce cycle.
Ainsi, plutôt que de dénoncer les ombres du palais, il serait plus juste de saluer la prouesse d'avoir gouverné un pays sans être ni dictateur, ni démocrate, ni théocrate, ni président – mais roi, simplement, dans un monde qui n'en veut plus. Et c'est peut-être là, finalement, le vrai mystère.
Ce que les analyses occidentales négligent souvent, c'est l'ancrage profond de l'institution royale dans le tissu social et symbolique du Maroc, bien au-delà des cercles du pouvoir. Le politologue Rémy Leveau, dans la deuxième édition de son ouvrage Le Fellah marocain, défenseur du trône, montre avec rigueur comment, malgré les inégalités économiques et les frustrations sociales, une grande partie de la population continue de vouer une loyauté sincère et active à la monarchie.
Ce soutien ne relève pas seulement de la tradition ou de l'habitus politique, mais d'un rapport moral et presque sacré au souverain, perçu comme garant de l'unité nationale, protecteur des plus humbles et ultime recours contre les abus des élites locales. Leveau démontre ainsi que l'institution royale n'est pas simplement actionnée par le haut par un appareil d'État ou une stratégie de communication, mais portée par le bas par une adhésion populaire souvent silencieuse, mais profondément enracinée. C'est cette double légitimité – ascendante et descendante – qui rend le système monarchique marocain bien plus résilient que ne le laissent supposer les récits de déclin médiatiques.


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