Depuis Marrakech, où se tient la 93e Assemblée générale d'Interpol, le candidat français à la présidence du Comité exécutif, le commissaire Lucas Philippe, contrôleur général, conseiller aux affaires européennes et internationales à la DGPN, détaille pour Hespress FR sa vision : renforcer l'impact opérationnel de l'Organisation, structurer la coopération entre régions et consolider les partenariats, notamment avec le Maroc. Entre modernisation, intelligence collective et lutte commune contre les menaces transnationales, il expose une approche pragmatique et résolument tournée vers l'avenir. Hespress FR : vous êtes candidat à la présidence du Comité exécutif d'INTERPOL. Quelle serait, selon vous, la priorité stratégique la plus urgente pour l'Organisation dans les quatre prochaines années, notamment face à l'évolution des menaces transnationales et des attentes des pays membres ? Lucas Philippe : vous savez, c'est une organisation qui a 102 ans, une très belle organisation qui réussit à rassembler 196 pays. Pour moi, il est donc très important de maintenir ces équilibres et ces ponts. C'est ainsi que je voudrais incarner mon rôle si je suis élu par cette assemblée de chefs de police et de délégations. Ce qui est important pour moi c'est qu'Interpol devienne encore plus opérationnelle. Vous voyez Interpol avec le Pol écrit en gros. Il y a beaucoup d'agences, il y a beaucoup d'initiatives, mais ce qu'il faut aujourd'hui c'est structurer, créer et avoir une vraie culture de l'impact. Pour moi ça ça passe par travailler au plus près des policiers de terrain, c'est à dire travailler sur le quotidien, embarquer tout le monde, ne laisser personne au bord de la route, avoir donc un leadership policier. Il s'agit également de développer des outils accessibles à tous, en continuant de faire ce que nous faisons depuis des années : de l'innovation, mais une innovation opérante. Il faut aussi faire preuve d'intelligence collective, c'est-à-dire bien cerner notre action sur la carte des risques et être utile. Voilà, c'est une très belle organisation qui doit encore se moderniser. Le président Al-Raisi l'a fait : il a accéléré tout cela et, aujourd'hui, je pense qu'il y a une œuvre de structuration qui rassemble tout le monde. Tout le monde veut la même chose, et je vois donc mon rôle comme un pont entre les cultures, les traditions, la modernité, mais aussi entre le public et le privé. Comment évaluez-vous aujourd'hui la coordination policière européenne au sein d'INTERPOL, et quels leviers concrets souhaiteriez-vous renforcer pour améliorer l'efficacité opérationnelle entre les Bureaux centraux nationaux du continent ? Vous savez que j'ai déjà été élu délégué pour l'Europe l'année dernière, donc pour moi, l'Europe est une carte particulière dans le monde, même si, comme je le dis, je ne suis pas seulement français ou européen, je suis « Interpolien ». Pour moi il y a vraiment la nécessité d'embarquer tout le monde. Le sujet européen c'est un sujet historique aussi au sein de l'organisation. Vous savez qu'Europol existe, et qu'il faut donc parfois trouver des articulations intelligentes entre cette agence européenne et l'organisation. Pour ma part, j'aimerais rééquilibrer les actions et faire en sorte que l'agence travaille encore mieux avec l'organisation Interpol. Je pense que nous avons des défis communs, que nous avons de belles énergies et qu'il faut les structurer pour en tirer avantage. Pour moi, l'Europe n'est qu'une région parmi d'autres. L'Europe doit mieux se connecter avec l'Afrique, l'Afrique avec l'Asie, et l'Asie avec les Amériques. Il faut avoir une vision globale, mais comme on dit, une vision globale et une action locale. Si nous sommes structurés et que nous disposons d'un tableau de bord opérationnel fin et validé par tous, nous obtiendrons des résultats et de l'impact. Notre ennemi, c'est le crime organisé et le terrorisme. L'Assemblée générale se tient cette année à Marrakech, un choix qui n'est pas anodin. Que révèle, selon vous, l'organisation de cet événement au Maroc sur la place du Royaume au sein d'INTERPOL et sur son rôle dans la coopération policière internationale ? Votre question est une question affective. Pour moi, venir ici au Maroc pour célébrer les succès collectifs d'Interpol et évoquer l'avenir de l'Organisation, a une portée particulière. Cela illustre bien ce qu'est le Maroc : un pays où tradition et modernité se conjuguent harmonieusement. Nous avons des relations bilatérales qui se sont encore plus structurées avec des réussites communes. Nous avons travaillé ensemble sur des sujets par exemple les Jeux Olympiques, la lutte contre le terrorisme, le crime organisé. On a eu des actions communes très fortes. La confiance est là, les équipes sont là, les défis grandissent donc je pense que pour moi vivre cet événement ici c'est quelque chose qui résonne énormément. J'ai eu déjà l'occasion de m'exprimer même dans les médias marocains sur l'apport du Maroc dans la sécurité aussi de notre pays. Nous voulons beaucoup plus et pour ça il faut faire des choix donc nous avons une approche très holistique c'est à dire à la fois opérationnelle, une ambition stratégique, une approche business aussi parce que moi je suis policier mais je dois aussi voir comment on transforme les idées en choses. Donc je suis en confiance dans ce pays et je suis très heureux, très honoré et j'attends notre victoire commune ici avec beaucoup d'humilité et de gratitude pour votre pays. Vous avez organisé un événement qui est majestueux mais je pense qu'on peut voir en fait à l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur. Autrement dit, nous voulons de grandes choses et il y a beaucoup de complicité et de fraternité autour de ces sujets communs de la sécurité, qui sont également des sujets d'intérêt pour le Roi du Maroc, le DGSN et le ministre. Nous avons beaucoup travaillé et, selon moi, travailler permet d'être confiant. Comment Interpol peut-elle améliorer la lisibilité des menaces et renforcer son efficacité opérationnelle, notamment à travers la coopération franco-marocaine ? En fait nous on est une organisation de police donc en fait on est au plus près des risques et des menaces de sécurité. Quand je dirais les éléments sont clairs et clarifiés, vous voyez c'est beaucoup plus simple d'agir là où vous devez agir en tant que policier. Je pense que quand les cartes se clarifient, les cartes mentales aussi, qu'on bâtit de la conscience et que les choses sont connues, maîtrisées, partagées, on est plus performant et plus performatif aussi, conc c'est à dire qu'en travaillant sur un sujet vous avez un impact démultiplié. Entre la France et le Maroc il y a une amitié qu'il n'est plus la peine de commenter, vous êtes jugé par vos actes. Pour moi le fait que je sois aussi le candidat du Maroc ici c'est un signe fort vous voyez. Maintenant vous imaginez ma responsabilité derrière pour coordonner tout ça avec l'ensemble des décideurs sur un plan bilatéral multilatéral. Il va falloir une intelligence collective et un vrai sens de l'engagement, c'est à dire du courage, de l'audace, ce que nous avons et donc nous sommes prêts. Je suis très optimiste. Voilà c'est un message positif et notre responsabilité c'est d'être optimiste en tant que décideur.
