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Hmad le maçon, raconte ses crimes
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 07 - 2003


Dans le couloir de la mort
C'est une histoire absurde. Hmad Ben Brahim Ben Si Mbarek, écroué sous le numéro 21143 à la Prison centrale de Kénitra, est un homme très simple, dépassé par son passé, par sa propre vie. Un homme à côté de ses pompes qui n'a pas encore compris, après plus de 19 ans de détention, comment il a pu tuer son oncle, la femme de ce dernier et leurs trois enfants. Un moment de folie passagère, un égarement des sens, un éclat de violence non retenue. Hmad ne sait pas ce qui lui est arrivé. Il purge une peine à vie et regrette avec force larmes ce malheureux soir du crime. Retour sur une descente aux enfers.
Les cercles de l'enfer se suivent et sont souvent interminables. Quand on met un pied dans la machinerie infernale, il est presque certain que la manœuvre, anodine au départ, ne puisse déboucher sur rien d'autre qu'une succession de chutes plus dures les unes que les autres qui mènent leur homme dans un Styx infranchissable. Hmad est de ces hommes qui, un jour, ont déclenché l'engrenage, un réseau de circuits, de ferrailles de sens qui les ont broyés sans discontinuer. On se rend très vite compte que ce bonhomme, déboussolé, timide à tel point qu'on a du mal à supporter la rougeur de son visage qui semble ne plus savoir afficher aucune expression, la désarroi d'un homme qui ne peut rien dire ni faire sans se sentir mal à l'aise, désemparé, cruellement là où il ne doit pas être. On se retrouve nez à nez avec un enfant qui est prêt à donner sa main au premier venu pour peu qu'il lui accorde un tant soit peu d'intérêt.
Vous avez dit criminel ?
Quand on l'annonce après avoir demandé comment il allait, comment il passait ses journées et vivait les affres de la prison à vie, un être au corps presque disloqué qui a sa propre rythmique, où les organes semblent ne pas cohabiter sur le même continent, appartenir à des corps différents, obéissent à des sensations dictées par une multitude de consciences aussi disparates les unes que les autres, avance vers nous ses multiples manifestations, toutes ses présences qu'il tente d' assembler, de mettre sous le même poids. Hmad est ce que l'on peut appeler un homme bien portant. Une belle couleur de peau qui n'a rien à voir avec cette couleur grisâtre propre à tous les détenus qui ne respirent plus l'air du grand large. Fort, bien en chair, il a un regard d'enfant sur un visage presque quinquagénaire. Une expression de douceur qui n'est pas du tout feinte. Une véritable gentillesse, une réelle amabilité qui en fait du reste l'un des détenus les plus aimés de la Prison centrale de Kénitra. On nous dira par la suite que ce Hmad est presque oublié puisqu'on le voit rarement, se fait très petit, évite de frayer longtemps avec les gens, mais leur rend tous types de services et veille à ce que ses rapports avec les uns et les autres restent au beau fixe. On nous dira par la suite que Hmad n'a jamais revendiqué quoi que se soit, ne s'est jamais plaint ni du traitement à l'intérieur de la prison ni de ses co-détenus. Il arrive avec ce lourd corps qu'il traîne derrière lui. Sans être gros ni gras, il impose une bonne centaine de kilos pour une taille plus que moyenne. Le crâne rasé, les traits réguliers d'un gentil bonhomme qui dans d'autres circonstances aurait été un bon père de famille et un compagnon de vie très agréable à vivre. Avant de s'installer dans cette chambre exiguë qui nous sert de lieu de rencontre avec les détenus, il salue tous ceux qu'il croise sur son passage, embrasse ses amis, leur fait un brin de causette avec le même air gêné de celui qui n'a pas le droit de prendre du temps aux autres mais se trouve coincé, n'attendant que la délivrance d'un “à tout à l'heure”. Et ce sourire constant découvrant de belles dents blanches qui en disent long sur un homme qui n'a pas cédé à la drogue ni à la clope et encore moins à d'autres lubrifiants humains très prisés dans les prisons. Hmad s'assied donc et ouvre le bal après nous avoir embrassés comme si nous étions des amis de très longue date ayant passé des moments glorieux ne s'étant séparés que depuis peu. Il dit un beau “Bismillah Arrahmane Errahim”, très lentement, avec une teinte de crainte de ce qui allait suivre. Très vite on se rend compte que c'est là un homme qui n'a jamais ouvert son cœur à personne, un homme qui n'a pas beaucoup parlé, qui a soif de vider son sac, de tout déballer, de dégoupiller tout ce qu'il a sur le cœur, là, séance tenante devant Dieu. Et pour se mettre dans ses bonnes grâces, il marque dès le départ d'un sceau religieux la rencontre avec (Si Assahafi) “monsieur le journaliste”. Après le Bismillah, il passe en revue toutes les prières qu'il connaît et même celles qu'il ne connaît pas, se lance dans un chapelet attendrissant d'un homme qui souhaite du bien à l'humanité entière. Si les portes du ciel sont ouvertes, nous sommes tous pardonnés et le paradis est désormais notre haut lieu de rencontre ! Et Hmad n'oublie personne, les détenus, les mères du monde, le directeur de la prison, les fonctionnaires, les journalistes du monde, les gens, l'air, les oiseaux et tout le grand bazar qui fait ce monde qu'il n'a pas vu depuis 19 ans déjà. Si on l'avait rencontré ailleurs, on aurait juré que c'est un illuminé, un homme pieux, un type droit, presque un saint. On se demande l'espace d'un moment s'il n'en fait pas un peu trop, si ce n'est pas un jeu rodé, répété des centaines de fois qui lui sert de paravent, de garde-fou ? On se pose sérieusement la question si on n'est pas devant un maniaque, fou à lier qui peut basculer d'un moment à l'autre dans une rage sans nom et qui pourrait faire éclater cette minuscule salle en millions de petits morceaux ? On se demande si on n'est pas devant un criminel complexe, à l'âme obscure, un personnage de roman noir, une espèce de “Smerdiakov” doublé d'un “Stavroguine” bien léché qui n'est que le concentré du mal, de la colère et du crime ? On vient voir un criminel condamné à mort, qui va passer le restant de ses jours en prison, dans une cellule individuelle de 1 m 80 sur 2 m 80, qui s'avère être un bonhomme craintif, sans aucune assurance, très maladroit. On se donne le temps de voir évoluer Hmad. On joue son jeu, on fait celui qui a marché dans la combine, on fait semblant d'être celui qui s'est fait avoir. Et on verra la suite. A vrai dire, il n'y a aucune méfiance dans ce que l'on avance là. De la réserve peut-être. Certainement de la retenue et de la prudence. Il s'agit là d'un homme qui a tué cinq personnes. Un être humain qui, à un moment de sa vie, a décidé d'ôter celle des autres. Le pourquoi du comment ? C'est ce que l'on essaiera de trouver au fil de la discussion et de l'enquête qui suivra. Il ne nous appartient pas de porter un quelconque jugement sur ce bonhomme ni d'avancer aucune certitude en dehors des faits que l'on vérifiera. Pour le reste, ce sera des déductions, des hypothèses. Alors nous nous gardons de personnaliser à outrance malgré l'impression laissée par Hmad. On n'échappera pas à l'attrait de la psychologie, mais sans vedettiser cet homme qui est jugé pour un crime qu'il a avoué. Il est aussi aisé pour nous de laisser cet homme face à son crime, sans entrer dans les interstices de son âme. Mais il est aussi impératif pour nous d'éviter d'en faire une star, de lui donner un soupçon de gloire, une heure de succès sur la base de l'apitoiement ou de la complaisance .
Premier coup dur
Hmad Ben Brahim Ben Si Mbarek, dit “Chliha”, probablement pour son origine berbère, vient d'Imouzzar Idda Ou Tanane dans la région d'Agadir. Le numéro d'écrou 21143, qui siège dans le quartier de la mort de la Prison centrale de Kénitra, est né en 1956. Le jour, le mois ? “Je ne sais pas. Je ne sais pas non plus si c'est la bonne date. A la compagne, vous savez, on vous donne une date comme ça et parfois même on vous colle un nom de famille sur votre visage”. Ce qu'il se rappelle bien, par contre, ce sont les belles prairies de sa région. Un beau paysage vert où le vent souffle un air revigorant, une brise de douceur et un calme inégalés : “c'était le paradis. La vie était calme et sans problèmes. Je travaillais dans les champs avec mon père qui me montrait comment suivre le bétail et comment le faire revenir sain et sauf”. Hmad est ce petit berger haut perché, un bâton de nomade sur l'épaule et une mélodie plein la tête. Il marche derrière les moutons et les brebis, lance une pierre vagabonde qui ricoche sur un gros cailloux et fait un son magique. Il lui répond avec un beau couplet berbère pour dire qu'il est heureux, que la vie est belle et que rien ne peut venir perturber cette idylle entre un gamin et une nature qui lui a ouvert les bras. L'enfance se passe comme dans un rêve en couleurs sur la crête d'une montagne avec l'océan qui pointe au loin et qui attise le désir de s'envoler vers d'autres horizons en compagnie de ce père qui retourne la terre, cette mère qui prépare un beau tajine du bled et ces frères qui s'empressent de prendre la meilleure loge devant le maître des lieux. “Mon père me manque beaucoup. Je ne l'ai plus revu depuis de longues années. Il vient de mourir, il y a à peine quelques mois. Je suis très triste à cause de cela. Je n'ai même pas pu lui dire un dernier mot. Il est parti avec cette brûlure dans le cœur à cause de ce que j'ai fait”. L'enfant grandit dans le sillage de ce père apparemment très aimant, très droit et affectueux. Hmad n'ira pas à l'école. A quoi bon quand il peut aider son père. “Non l'école c'était le dernier souci de la famille. Il a fallu aider mon père et la famille. L'école ? Je ne sais pas si cela aurait changé quelque chose ?” Nous n'avons pas non plus de réponse pour Hmad qui attend comme si nous avions la bonne réponse à cette grande interrogation qui le taraude, lui cause des soucis, l'empêche de dormir. L'école ? Comme si un pauvre hère d'Idda ou Tanane pouvait troquer le cailloux pour le cartable, le bâton de berger pour la craie qui prépare à une meilleure vie. Il n'est écrit nulle part que l'enfant Hmad aurait mieux tourné avec quelques leçons dans la besace. On s'aventure pourtant à lui dire que l'école l'aurait poussé à réfléchir peut-être avant de s'emballer et d'aller vers l'irréparable. Quoi que nous ayons dit, Hmad aurait acquiescé. Pour lui, un homme qui a de l'instruction est forcément meilleur et par conséquent un homme qui dit vrai. Soit. Mais nous n'en sommes pas si sûrs. L'école l'obsède. Il y reviendra encore et encore comme un moment d'arrêt, comme une entame pour un autre volet de sa vie, comme une pause qui fera défiler la suite des péripéties. Pour le moment Hmad n'y va pas, ne veut pas y aller, personne ne le lui demande. Il vit selon le rythme des saisons. Il épouse la couleur du ciel, vibre avec le vent, chante sous la pluie. Mais un beau jour l'enfant revient à la maison et ne trouve pas la même couleur de l'atmosphère, ce mélange de rouge et de vert qui l'accueille devant la porte, ce visage d'une bonne mère qui lui tape sur la tête et lui met un bout de pain dans la main. “Ma mère est morte alors que j'étais encore très jeune. Je ne savais comment le prendre. Reste que cela m'a fait terriblement mal.” Hmad ne sait plus où donner de la tête. Sa vie prend un coup, ses rêves s'écroulent, son ciel est désormais envahi de nuages noirs qui menacent d'une ondée forte et sans merci. “J' ai tenu le coup quelques années. Mais la vie est devenue très dure. Je me sentais continuellement mal, sans repères. Ma mère me manquait et j'avais peur”. Cette femme qui était constamment chez elle, qui ne mettait que rarement le nez dehors, avait ce pouvoir de le protéger de loin, de le rassurer, de lui garantir le repos de l'âme et la tranquillité de l'esprit. Elle est partie et ne reviendra pas et cela, le jeune Hmad l'avait bien assimilé. Il part donc à l'âge de 17 ans. Il tourne le dos au village parce qu'il ne se sent pas bien. Parce qu'il étouffe littéralement dans ce patelin qui n'a plus la même saveur pour lui. Il s'en va et ne veut plus revenir. Il débarque à Rabat. Tourne une page.
Hmad et Yamna
A Rabat, la vie prend de nouvelles tournures. Le berger devra désormais trouver un autre boulot pour vivre. Quoi faire ? Il ne sait que marcher derrière le bétail, lui jeter des pierres quand le troupeau fait des siennes, chanter au moment du repos et passer la sainte journée entre les beuglements des vaches et les chuchotements des bonnes femmes du bled. “J'avais tout de même appris quelques rudiments de maçonnerie. Je savais aider, participer à la construction d'un mur ou d'une clôture. Il a fallu me mettre dans le bain et apprendre sur le tas dans des chantier à Rabat”. Hmad trouve ce qu'il cherche. Un chantier. Il s'y installe, fait quelques connaissances et apprend le métier. A 17 ans, quand on ne sait ni lire ni écrire, il n'y a pas d'autre alternative. Hmad accepte le petit pécule qu'on lui donne à la fin de la semaine. Il lui est arrivé de travailler plus que les autres, de doubler le travail à la tâche et de se faire un peu d'argent qu'il désirait envoyer au bled. “Chez nous, on ne tourne pas le dos comme des traîtres. La famille est sacrée et je ne pouvais pas oublier mon père ni mes frères. Je leur envoyais un peu d'argent, ce que je pouvais”. Hmad continue à afficher la même dégaine du berbère un peu perdu dans la capitale. Un homme qui ne sortait jamais du périmètre où se trouvait le chantier et la guérite où il lui arrivait de préparer un bon tajine du bled avec quelques autres ouvriers en mal de repères. Il ne s'est pas fait beaucoup d'amis. Réservé, silencieux, il passe son dimanche à jouer aux cartes ou à écouter des chansons sur une radio avec des voisins de chantier. Est-ce qu'il lui est arrivé de se bagarrer, d'échanger quelques insultes avec l'un des ouvriers, de se mettre en rogne par dépit, colère ou simple ras-le-bol ? Apparemment non. Il jure que pendant douze ans et demi, tout le temps qu'il a vécu à Rabat, soit en chantier, soit après avoir trouvé une chambre, il ne s'est jamais disputé avec qui que ce soit. A Rabat, il s'est fait petit et n'attendait que le moment d'aller faire un tour pendant les fêtes au bled. “Non, je ne me suis jamais battu. Je suis très calme. Je ne cherche pas les problèmes. Les gens se rendent vite compte que je suis inoffensif et finissent par ne plus faire attention à moi”. A le voir raconter cette période de sa vie, on croirait volontiers que le bonhomme n'avait jamais été confronté à quoi que ce soit qui puisse mettre sa patience à rude épreuve. Il n'y a pas non plus de nostalgie de cette époque et des chantiers. On devine bien que son unique souci était le patelin à Idda ou Tanane, où il faisait bon vivre. Après quelques années, il trouve une chambre à Yacoub El Mansour, à Rabat. C'était la même époque où son oncle avait trouvé une maison qui n'était pas bien loin de chez lui. “Je me disais que je n'étais plus seul. La famille s'est approchée. L'odeur du pays. Un visage connu. Presque un père.” L'oncle s'installe donc avec sa femme et ses enfants. Il en avait trois. Hmad leur rendait visite à chaque fin de semaine et parfois le soir après le travail pour regarder un peu la télévision et discuter avec son oncle. La femme de son oncle était plus jeune, une jeune femme que l'on disait belle, très aguicheuse, un peu coquine et coquette. Hmad ne dira jamais quels sentiments il ressentait pour elle, jamais non plus il n'évoquera sa beauté ni son corps. “C'était la femme de mon oncle, je la respectais et j'avais du plaisir à venir les voir”. Rien de plus. Pourtant c'est avec la même Yamna que la vie prendra un tournant sans retour. Une voie unique, un sens interdit. Un cul-de-sac. Qui était cette Yamna ? Quels étaient leurs rapports, lui le jeune du bled qui a gardé des liens très forts avec les siens, et elle, la belle, encore jeune, très jeune pour l'oncle et qui n'est pas sans rappeler des moments de la vie du jeune homme au douar, la nuit avec tous les autres adolescents qui rêvaient de nuits chaudes et câlines dans les bras d'une belle dulcinée ? Cette femme, bien en chair, à l'œil malin n'avait-elle pas de l'ascendant sur un jeune homme dans la force de l'âge et qui ne savait de l'amour, on l'imagine, que des moments volés avec une fille de joie ou une rencontre fortuite pour quelques dirhams à la hâte ? Que s'est-il passé entre Hmad et Yamna ? Avaient-ils une liaison derrière l'oncle un peu plus vieux et qui ne satisfaisait plus les ardeurs d'une jeune femme très portée sur la chose ? Selon Hmad, rien. Respect. “C'était la femme de son oncle”. Point barre. Pourtant Hmad dit aussi que Yamna était une femme pas bien, qui trompait son oncle. Cela, il en est certain. Il le savait pour l'avoir vue avec d'autres mecs. Vrai ou faux ? Impossible, là non plus, de savoir si Hmad disait la vérité ou si c'était par dépit qu'il accusait post-mortem une femme qu'il a peut-être aimée et qui peut-être un jour n' avait plus voulu de lui ? Hmad reste très sûr de ce qu'il dit. Rien, juste du respect. Mais l'un n'empêche pas l'autre. On peut bien filer l'amourette à la femme de son oncle et lui témoigner le plus grand respect. Pourquoi ne pas imaginer une relation passionnelle de son côté, lui, le jeune homme en mal d'amour, perdu dans la ville qui retrouve un beau visage du pays qui lui donne un sourire, un baiser et une belle et longue étreinte dans les après-midi à l'abri des regards ? On comprend bien que Hmad ne veuille pas parler de cette histoire si tant qu'elle ait réellement eu lieu. Qui lui en voudrait ? Toujours est-il qu'au bout de quelques années, le torchon brûle entre Yamna et Hmad. L'oncle, on l'imagine, n'y voit que du feu, ne comprend rien à rien.
Le mensonge de Yamna
Dans les histoires de famille, il est impossible de savoir réellement ce qui se passe, qui a raison et qui a tort. On ne peut que supposer selon les dires des uns et des autres que cette histoire était sous-tendue par des rapports pour le moins inexpliqués. Anguille sous roche ou véritable passion dont l'oncle a eu connaissance ? Dans le quartier à Yacoub El Mansour, les gens se rappellent malgré tout le temps écoulé depuis. On trouve encore des gens qui nous ont parlé de Hmad, du jeune homme qu'il était, de sa gentillesse et de ses visites chez l'oncle. On nous dit aussi beaucoup de bien de Yamna qui vivait comme beaucoup de gens comme elle, presque une grande majorité de berbères, sans ostentation, sans trop attirer les regards. Etait-elle belle ? Oui. Légère ? Non. Une femme qui trompait son mari avec d'autres comme l'affirme Hmad de derrière ses barreaux ? “Vous croyez qu'on peut savoir. C'était une femme comme toutes les autres. Sans histoires. Tromper son mari. Dieu seul sait. Et puis il ne faut pas parler comme ça des morts. Ce n'est pas bien”. Soit. Alors comment savoir si Hmad et Yamna filaient le grand amour jusqu'au jour où le drame a éclaté ? Qui va nous confirmer cette thèse ? Le frère, Ali, le plus jeune des fils de Si Mbarek et qui vit à Salé ? Ou alors l'autre frère, Mohamad, qui lui travaille à Rabat ? Ni l'un ni l'autre puisqu'on n'a pas pu les trouver, encore moins leur parler. L'un d'eux travaillait dans un café et on ne l'a pas trouvé ou alors il n'a pas voulu nous voir sachant qu'on avait demandé à parler au frère de Hmad qui est incarcéré à la Prison centrale de Kénitra. Légitime. Compréhensible. Pourquoi accepterait-il de nous parler d'un frère considéré au bled comme un homme qui a fait beaucoup de mal en tuant son oncle et sa famille. La honte ? La volonté d'oublier ? Bref, les frères sont aux abonnés absents. D'ailleurs leurs seuls liens avec Hmad restent les rares visites une fois chaque ramadan. Dans le quartier à Yacoub El Mansour, on trouvera bien un homme, la trentaine, qui nous dit que c'était fort probable : “les gens nous ont dit que le type a tué toute la famille parce que son oncle l'a surpris avec sa femme. D'autres ont raconté que c'était parce que la femme était une prostituée et que l'assassin était son amant. Il y a tant d'histoires à propos de ce crime. Moi, je ne sais pas. Mais il se peut que cet homme ait tué pour se venger d'une femme qui s'est foutue de lui”. Le jeune homme, qui est peut-être misogyne, n'avait pas un mot gentil pour la mémoire de Yamna qu'il n'a même pas connue ou alors vaguement quand il était un môme courant dans les ruelles. Quoi qu'il en soit voici la version de Hmad qui jure ses grands dieux que c'est là la vérité, la stricte vérité.
Tout commence en l'été 1994. Nous sommes en juillet. Il fait très chaud à Rabat. Hmad, comme à l'accoutumée, après le boulot, fait un détour par la maison de son oncle. Yamna est là. Elle vient de rentrer de voyage. Elle était en vacances au bled. Elle a vu la famille, s'est enquise des uns et des autres et a fait aussi un détour chez le père de Hmad, histoire de leur donner des nouvelles du fils et en rapporter pour calmer les inquiétudes permanentes de cet homme très nostalgique. “J'étais très heureux de savoir comment allait ma famille. Mais Yamna m'a presque tué en m'annonçant que mon père souffrait, que ma famille était maltraitée par un type influent dans le douar”. L'homme en question s'appelait Ben Sihmo. Yamna enchérit sur cette affaire, donne des détails, bref enflamme le cœur de Hmad qui décide d'aller voir lui-même à quoi était réduite sa famille. “Je suis parti avec 4.000 dhs en poche. Je me suis préparé au pire, je me disais que mon père était au plus bas et qu'il fallait que j'aide ma famille à s'en sortir”. Hmad arrive a Idda Ou Tanane en juillet 1994. Ben Sihmo est réellement un homme puissant et influent, mais il n'a rien fait à son père. La famille n'était pas prospère, d'ailleurs elle ne l'a jamais été, mais les choses n'étaient pas pires qu'elles ne l'étaient auparavant et cet homme cité par Yamna n'avait rien à voir dans cette histoire. “Je n'ai jamais rien compris pourquoi Yamna m'a menti à propos de cette histoire. J'ai passé des jours à réfléchir sur le pourquoi de la chose. Ce n'est que plus tard que j'ai réalisé que Yamna était en affaires avec Ben Sihmo et qu'elle se sentait roulée par lui. Alors, elle m'a excité contre lui pour que j'aille le tuer. Ceci, elle me l'a dit la première fois que je l'ai revue après mon retour du bled.” Yamna avait une affaire d'immobilier avec ce Ben Sihmo. On ne sait pas si ce dernier l'a roulée dans la farine, l'a grugée ou pas, toujours est-il que leurs affaires ont tourné court et le rapport sain qu'il y avait entre eux a dégénéré. Avait-elle une liaison avec Ben Sihmo que Hmad a découverte ? Etait-elle exploitée puis rejetée par Ben Sihmo ? Hmad dit qu'il n'y avait que cette histoire de sous. Il reste très évasif sur le reste. “A mon retour du bled, je n'avais plus que 20 dhs. Vous imaginez que cette femme m'a tout fait perdre pour une histoire bidon ou bien voulait-elle m'envoyer en prison? Bien sûr que je lui en voulais. Bien sûr que je brûlais d'envie de l'humilier, de la punir, mais c'était la femme de mon oncle. Comment m'y prendre ? Quoi faire?” Apparemment, le meurtre n'a pas encore germé dans la tête de Hmad. A ce moment-là il ne pensait qu'à la punir, peut-être en poussant son oncle à le faire lui-même ? “Il était faible devant Yamna. C'est elle qui faisait tout. Il ne pouvait rien. Il restait silencieux quand elle parlait. Même cette affaire d'argent avec Ben Sihmo, c'est elle qui s'en occupait et pas lui.” On l'aura compris, c'est Yamna qui portait le pantalon et c'est l'oncle qui avait les cornes. Hmad revient la voir une seconde fois pour savoir pourquoi elle lui avait fait cette entourloupe. Yamna lui répond de but en blanc ( et nous traduisons littéralement les dires de Hmad) : “si je te veux du bien, voici mon visage et voici le tien” (Ha wajhi ha wajhek). Pourquoi une telle rancœur, un tel ressentiment ? Comment pouvait-elle lui répondre cela s'il n'y avait pas entre eux un passif très lourd, une affaire qui sent le rance et qui n'est pas réglée. Peut-être que c'est lui Hmad qui a tourné le dos à Yamna après lui avoir fait croire qu'il l'aimait ? Peut-être que c'est lui qui était poursuivi par les avances de la femme de son oncle et qu'il s'est rendu compte de la gravité de ce qu'il avait fait ? Peut-être même qu'au-delà de cette affaire de Ben Sihmo et de la vengeance, elle menaçait de tout dire à l'oncle ? Quoi qu'il en soit, Hmad passe quelques jours noirs à réfléchir. Le meurtre n'est pas encore là. L'idée de la tuer n'avait pas encore pris corps. Le neuvième cercle des enfers avait ouvert ses portes et attendait que Hmad y pénètre. En attendant le bonhomme est dans tous ses états. Il fulmine, il gigote, ne tient pas en place. Il en veut à mort à Yamna et il doit s'expliquer.
La nuit du crime
Ils sont tous à la maison. Il est 9 heures du soir. Une belle nuit d'été, un peu chaude. Le quartier n'est pas animé comme à l'accoutumée. Des gens dans les parages et des gamins qui jouent. Alentour, c'est calme. Quand il arrive devant la porte de chez son oncle, personne ne le voit entrer. Il entre, et trouve la famille réunie : le père, la mère et leurs trois enfants. On le reçoit sans chaleur et on lui demande s'il veut boire quelque chose. Hmad est très excité. Il ne tient pas en place.D'entrée de jeu, il entame le sujet des 4.000 dhs qu'il a perdus suite au mensonge de Yamna devant son oncle qu'il prend à témoin encore une fois. Mais l'oncle est effacé, il ne dit rien, tourne les yeux, cherche l'appui de sa femme qui se met “à m'insulter. Elle m'a tout sorti sur ma famille, sur moi et toute la haine qu'elle avait dans le cœur. Elle injurie ma mère aussi et c'est là que tout a commencé”.
L'oncle n'arrive pas à calmer le jeu. Sa femme débite un chapelet d'injures à son neveu devant lui et se permet d'y passer toute sa famille. Hmad éclate de rage devant “cette traînée qui salit ma famille et son mari qui est incapable de faire quoi que ce soit”. J'ai sorti un couteau et je me suis avancé vers Yamna. Là, je l'ai poignardée avec force. A partir de ce moment, je ne savais plus rien de ce qui se passait autour de moi. J'étais un autre. Hmad est un autre. Cela voulait dire qu'il s'est dédoublé, qu'un autre est sorti de lui-même ? Hmad est pris dans le tourbillon de la colère et de la vengeance. Il assène des coups à Yamna qui s'écroule devant ses enfants et son mari. Tout s'est très vite passé. L'oncle n'a pas eu le temps de réagir, de s'interposer entre le neveu et la femme. Le coup fatal est parti, Yamna gît sur le sol dans une mare de sang avec Hmad debout comme un mutant qui n'a plus aucun contrôle sur soi ni aucune conscience de ce qui se fait devant lui. Ses mains l'ont trahi. Le sang qui a giclé de la blessure et qui coule sur ses chaussures, a fait le reste. Le sang. L'odeur du sang. Celle de la vengeance assouvie, de cette femme qui est là inerte et sans vie. Les cris des enfants qui assistent impuissants à la mise à mort de leur mère et cet oncle qui se lève et vient pour sauver sa femme déjà dans les limbes de l'au-delà. L'oncle empoigne Hmad pour le frapper, un autre coup s'en va, touche l'oncle qui crie, hurle et s'effondre comme une vieille masse incapable de tenir sur des jambes en coton rendues encore plus flasques par la peur et l'horreur de la scène. Hmad voit son oncle s'écrouler comme un vieux donjon bouffé par la rouille des jours et la vie avec une femme que, peut-être, il savait insatisfaite. Les enfants hurlent, crient à la mort, mais il n'y a personne pour les entendre. Ils sont désormais face à cet homme, ce cousin qui était un membre de la famille, très discret, très gentil et qui est là, un couteau à la main avec les deux corps du père et de la mère, sans vie. Le plus âgé avait 17 ans, il saute sur Hmad mais reçoit un coup fatal. Hmad ne réagit plus à rien. Un silence indescriptible a envahi sa tête, les images tournent tantôt au ralenti sans voix, tantôt à une vitesse vertigineuse. La machine infernale est lancée et elle est en train d'accomplir son travail de faucheuse. Plus rien ne peut l'arrêter puisqu'elle n'a plus de gouvernail, encore moins un être capable d'arrêter la vapeur. Les murs tournent, les deux gosses hurlent, supplient, pleurent, mais Hmad sait qu'il ne devra pas en rester là. Le moment de conscience intermittent qui nous fait voir lorsque nous sommes au fin fond du
trou qu'il y a certaines règles à suivre,certaines mesures à prendre. Les deux enfants sont des témoins, ils l'ont vu, s'il les épargne, ils vont tout dire. Il sait qu'il est cuit. Pas le choix. Les tuer aussi, en finir avec toute la famille. Couper court au doute. Un crime sans traces avec un tueur fou qui a décimé une famille désormais sans traces. Hmad les empoigne et les larde de coups de couteau.
Un homme, cinq cadavres
Cela fait plus d'une demi-heure qu'il patauge dans le sang des siens. Le regard torve et les mains tremblantes. Hmad doit finir le travail. Il doit laisser derrière lui une maison transformée en abattoir. Ni vu, ni connu. Hmad a assez de raison pour savoir qu'il doit filer en douce, fermer la porte et ressortir lavé de tout soupçon. “Est-ce que quelqu'un m'a vu en arrivant ? Non. Je suis sûr que non. Et si jamais les voisins, un œil indiscret, une vieille personne scotchée à sa fenêtre ou un môme qui joue et que je n'ai pas vu' ? Comment savoir ? Il jette un dernier coup d'œil. Le massacre est total. Pas âme qui vive. Du sang et le corps de Yamna enfin terrassée, mise à terre, humiliée. Prend-il le temps de se laver les mains, de s'essuyer le front de la sueur, de se faire un peu présentable au cas où quelqu'un le croise ? Il ne sait plus. Toujours est-il qu'il est sorti comme il est venu presque incognito. Une bonne heure d'enfer où la mort a laissé éclater sa furie. Une heure qui a mis fin à la vie d'une famille. Une heure pour qu'un autre homme se révèle et que son coup d'éclat fasse un réel désastre. “J'étais parti et j'attendais. Entre temps, les gens ont découvert ce qui s'est passé et ont averti la police. On a cherché qui venait chez eux, quels étaient leurs amis, la famille et les policiers sont venus me trouver”. Là, c'est un Hmad coriace qui affronte les policiers. Il n'a rien vu. Ce n'est pas lui. Il ira même jusqu'à pleurer les morts. Il veut sauver sa peau. Il joue avec les policiers et essaie de gagner du temps. Hmad, le dur, l'homme qui a tué cinq personnes, est désormais paré à toute éventualité. Rien à faire, l'enquête piétine. Il ne dira rien. La police fait son boulot et le maintient dans le collimateur. Lui, fait semblant de vivre comme si de rien n'était. Au bout de six jours. Tout éclate. Hmad perd son armure. Il dégoupille tout. Aveux complets et en détails. Hmad s'écroule à son tour. Désormais, c'est le gentil bonhomme qui reprend le dessus. Ce Hmad timide, effacé, discret, silencieux, presque bon. Une semaine de folie passagère où il a acompli le pire qu'un homme puisse faire. Une semaine et puis on retrouve qui nous sommes et on tente d'oublier le crime, le sang, les visages tordus des morts, les hurlements. Mais rien n'y fait. La conscience est à jamais altérée. Il y a bien eu cette semaine et cette nuit où Yamna est tombée. Avec à la clef une peine de mort qu'il traîne en fardeau avec les cinq morts.
Le regret ? Oui. Hmad regrette amèrement. Il en pleure. Il est rongé par ces visages qu'il n'a jamais voulu voir comme ça mais qui sont là à hanter ses nuits depuis 19 ans qu'il a déjà purgés. Lui aussi aurait voulu que cette nuit n'ait jamais existé et se dit prêt à payer. “J'ai fait quelque chose d'horrible. Je regrette tout. Je n'aurais jamais dû en arriver là.” Depuis ce jour de la condamnation, Hmad a retrouvé l'enfant en lui, ce docile gamin qui rase les murs et ne fait pas de remous autour de lui. Aujourd'hui, il a presque reconstruit la Prison centrale de Kénitra. C'est un maçon confirmé qui fait du bon boulot. Le quartier B, celui des condamnés à mort, il l'a presque tout rénové moyennant un petit pécule avec quoi il vit : “surtout que plus personne ne se souvient de moi ni ne vient me voir. Sans ce boulot, je mourrais de faim”. Il a aussi travaillé dans le réfectoire et quelques ailes de la prison. La direction lui a donné de quoi vivre et à chaque fois qu'il y a du boulot, c'est à lui qu'on fait appel. On l'apprécie beaucoup dans la prison et on essaye de lui faire oublier cette nuit, mais lui reste persuadé qu'il devrait sortir maintenant, retrouver l'air libre, la cohue du monde, les gens, la vie quoi. “J'ai passé 19 ans. J'ai payé ma dette à la société. Là, en ce moment, rien ne me sauverait qu'une grâce ou une remise de peine pour garder l'espo


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