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Fouad, un cambrioleur de haut vol
Publié dans La Gazette du Maroc le 10 - 11 - 2003


Dans le couloir de la mort
L'affaire de ce célèbre gang, qui a marqué les esprits dans la région de Fès, a éclaté au grand jour en 2001. Fouad et ses acolytes étaient des spécialistes du cambriolage dont les victimes ne se comptaient plus. Après avoir passé des années derrière les barreaux pour de multiples crimes, Fouad retrouve ses vieux amis décidés à frapper un grand coup pour décrocher ou alors changer de décor pour se faire oublier. Ce dernier casse a été l'ultime sortie du gang qui a étripé un vieux marocain de confession juive après lui avoir volé une grande quantité de bijoux jusque-là introuvables. Fouad s'en tire avec une condamnation à mort et le gang, privé de son chef, s'effrite. Récit d'une histoire de vol qui s'étale sur vingt ans.
“Fouad, celui qui a tué le juif”, les gens de Fès se racontent encore cette histoire qui, à travers les esprits, a gagné en versions toutes rocambolesques et parfois mêmes très biscornues. Un simple tour dans la ville, près d'un café, une simple question née de la curiosité pour voir tout un groupe de jeunes se presser autour de vous pour vous narrer la dernière version de l'affaire de Fouad, l'homme qui a “volé plus de cent personnes en un rien de temps”. La légende locale voudrait que ce personnage très haut en couleurs soit aussi la main la plus rapide dans le métier : “Fouad n'avait pas qu'une seule spécialité. Il faisait avec ce qu'il avait, ce que les circonstances lui proposaient. Il pouvait s'attaquer à une maison s'il sentait le coup tout comme il pouvait aller braquer une fille à la sortie du bain maure. Mais pour chaque cas de figure, il avait un style. La violence n'intervenait que dans les cas extrêmes”. Ce connaisseur qui semble avoir longuement réfléchi sur les technicités du cambrioleur, n'avait que 18 ans, mais le personnage du grand voleur de Fès l'a beaucoup intrigué, alors il a glané des informations, posé des questions, bref, il s'est fait sa propre idée sur un homme pas comme les autres. “Oui, je l'ai vu une fois passer devant le cinéma, ce sont les copains, plus âgés que moi qui m'ont dit : “regarde, voilà ton copain qui passe”. J'avoue qu'il ne m'avait pas impressionné. Il était comme n'importe quel type qui marchait dans la rue. Un jean un peu délavé, une chemise et un sachet en plastique à la main. Personne n'aurait un instant imaginé que ce bonhomme était capable de voler toute une ville en une année. Il marchait d'ailleurs la tête baissée, un peu vite et ne parlait à personne”. Dans le quartier, les femmes sont plus habiles à raconter les forfaits d'un jeune homme qu'elles ont connu à peine adolescent et qui avait la main leste et les gestes très étudiés.
“Je n'ai jamais vu un homme aussi rapide que lui et d'une audace avec ça ! Un jour dans le bus, il a causé à lui tout seul une émeute. Quatre personnes qui commençaient à hurler parce qu'elles n'avaient plus de portefeuilles. Le voleur est passé par là, avait mis la main dans toutes les poches, avait pris ce qu'il voulait et est descendu sans attirer l'attention. Je l'avais vu monter avec nous, alors j'ai mis ma main sur ma djellaba pour éviter qu'il ne me laisse sans le sous, mais lui savait à qui il fallait s'en prendre”. C'étaient alors les débuts du futur grand bandit qui s'était fait la main dans des vols à la tire à la petite semaine. La suite verra son bonhomme monter en grade et rouler sur d'autres plates-bandes.
L'art du crime
On ne connaît pas grand chose sur le parcours initiatique d'un tel personnage. Il a tout fait pour laisser derrière lui une grande réputation de voleur, mais rien sur l'homme, le monsieur tout le monde qui peut se mettre à table avec vous pour siroter un thé, discuter et commenter le dernier but de Maradona. Non, rien de tel. Le vide et une vie dédiée au silence et au crime. En dehors de ça, la mémoire est rasée et le passé est muet.Fouad a eu une enfance tout ce qu'il y a d'ordinaire. L'école et ses déboires, la famille et ses problèmes, les coups sur le visages, les bagarres dans le derb, la volonté de faire autre chose que d'aller éculer les bancs de classe alors que la tête était ailleurs, dans la rue, devant une salle de cinéma bondée où il faisait bon glisser les doigts dans une poche avant d'aller se rincer l'œil devant un film rose, une sauce indienne ou un cocktail de Kung Fu bien dosé. Le cinéma était l'une des premières attractions du gamin Fouad. Il adorait aller voir les poursuites en bagnoles, les flics se faire rétamer, les nanas courir derrière des mâles insouciants, l'argent voler en l'air et les explosions qui rythmaient chaque minute d'un beau nanar asiatique de série Z. Avant d'aller faire la queue pour se payer un ticket, il fallait d'abord se procurer le fric. Pas une mince affaire vu que la famille était hors circuit, les copains fauchés comme du blé et l'entourage un peu besogneux pour permettre à un môme d'aller se faire plaisir en gaspillant deux dirhams à voir des images défiler devant les yeux. Fouad n'avait pas de temps à perdre, c'est devant le cinéma qu'il pouvait faire ses emplettes sans se soucier des regards curieux et malveillants. Il avait trouvé le moyen de ne jamais demander de l'aide à personne. Il avait deux mains, dix doigts comme tout le monde, à lui alors de faire preuve d'ingéniosité et de célérité.
“Il y a toujours un monde fou devant les salles de cinéma pour aller mater une fille à moitié nue ou un grande figure du cinéma indou. C'est là que les occasions ont été bonnes pour nous. On se pointait, on faisait la queue alors qu'on n'avait même pas un centime en poche. On se fait taper dessus par des mecs qui surveillaient les guichets, entre temps, il y avait quatre ou cinq copains au milieu de la foule qui travaillaient les gens au corps. Au bout d'une heure d'attente, on commence à voir des types hurler devant les guichets en disant qu'ils ont été volés. Nous à chaque fois qu'un coup est réussi on sortait du rang pour aller soi-disant souffler et revenir se mettre en arrière de la queue pour attendre encore un moment. On se fait trois, quatre pigeons, on arrive à la caisse, on sort le beau billet à peine sorti de la poche du voisin et on paie sa place. C'est comme ça qu'on procédait pendant des années avant que les choses ne changent”.
Les premières sorties
Les petites bricoles devant les cinémas ne nourissaient pas leur homme. Fouad décide très vite de se trouver d'autres occupations plus juteuses pour se faire facilement de plus grosses sommes sans se faire trop voir. A Fès, dans la médina, il fallait juste être très rapide pour subtiliser des sommes rondelettes aux riches négociants. C'est là qu'il ira faire son business pendant un moment. Les revendeurs circulaient avec de bons paquets de flousse en poche, les marchands n'étaient pas en reste,et de très grosses affaires se traitaient là devant les yeux hagards de jeunes désoeuvrés qui savaient qu'ils avaient flairé le bon filon. Mais il y avait le risque de se faire épingler pour aller moisir pendant au moins cinq ans dans une prison.“C'était très dangereux. On pouvait se faire une belle somme d'un coup, mais le pire était que les flics soient là en civil prêts à te sauter dessus. Il fallait préparer le coup pendant des jours, étudier le terrain, pister la cible, essayer plusieurs fois comment courir en cas de pépin.” Fouad n'est pas du genre à détailler ses crimes, non, il préfère rester discret et laisse le résultat parler à la place de la technique. Pourtant, de l'avis de tous les anciens voleurs de la région, il était sacrément doué pour disparaître comme l'éclair. La légende non confirmée voudrait aussi qu'un jour il ait volé une grosse liasse alors que deux types étaient à l'intérieur d'une boutique en train de marchander. “On dit qu'il est arrivé avec une théière, habillé comme un garçon de café, il a servi le thé, il a embrassé la main de Lhaj, le propriétaire du magasin et est sorti doucement avec son plateau vide. Une demi-heure plus tard, les deux marchands de tissus étaient là en train de se bagarrer, s'accusant mutuellement de vol et de mensonge. Ce n'est que plus tard que le bruit avait couru dans le derb que c'était Fouad qui avait pris l'argent sans que personne ne s'en rende compte”. La suite est très drôle, on a cherché partout à savoir s'il avait fait le coup sans jamais découvrir la vérité. Motus et bouche cousue. Et quand les “amis” ont fait leur enquête, ils disent avoir découvert qu'il avait bossé pendant une semaine comme garçon de café pour ne pas éveiller les soupçons. Au retour de ce vol en finesse, il paraît qu'il a pris un détour d'une heure pour aller manger un coup et certainement faire disparaître l'argent. Arrivé au café, le propriétaire s'est mis à l'insulter. Sans répondre, sans rien dire au chef, il enlève sa blouse sale, la dépose sur le comptoir, se sert un verre d'eau, boit une gorgée, dit merci à l'homme qui l'insultait et lui tourne le dos. Le grand voleur était né et la légende allait grandir avec lui jusqu'à faire dire à plus d'un que c'était là le plus futé de tous les bandits de l'histoire de toute la région.
Quand le voleur se fait pincer
Il savait, lui, que sa légende était en train de se faire. Il savait aussi que c'était à la fois une bonne chose et une très mauvaise situation qu'il aura à gérer avec brio et sans coups de tête. “Quand un voleur devient célèbre, c'est le début de la fin. Il n'y a pas d'autres règles dans ce métier. Ou tu es discret ou tu finis très vite par te brûler les ailes.” L'heure de se faire piquer les os avait sonné pour l'as du vol. Lors d'un vol, il se fait attaquer lui-même par les membres de la famille, réussit à prendre la fuite, mais son acolyte qui l'attendait en bas de la maison sur une moto se fait prendre. Il dégoupillera tout ce qu'il savait à la police qui se met à la recherche de monsieur l'homme qui vole plus vite que son ombre.
Il se fait prendre comme un blanc bec et se voit, menottes aux mains aller droit là où il ne voulait jamais aller. La prison avait dicté sa loi. Tirer cinq années dans la fournaise d'une cellule avec d'autres détenus qui n'ont pas forcément de la sympathie pour les pickpockets de tous poils, n'était pas une mince affaire. Le bonhomme se savait condamné à purger sa peine dans la douleur vu que les voleurs passent pour la pire des races dans l'enceinte d'une prison. Finies les fuites étudiées, finie la frime, fini l'argent plein les poches, finies les sorties la nuit pour fêter un bon coup. Tout cela est désormais derrière lui. Il faut faire face à la racaille, à des criminels sans soucis, à des confrères jaloux… Le grand voleur fait tout de même ces années derrière les murs sombres de la prison et sort un beau jour pour aller retrouver la rue. Mais le souvenir de ce séjour restera à jamais gravé dans son esprit. Il n'oubliera jamais les dures nuits où il a dû faire très attention pour ne pas finir dans un sac-poubelle.Fouad sait désormais ce qui l'attend s'il venait encore une fois à se faire prendre. Dehors, il est inutile de chercher autre chose à faire. Il n'y a pas de boulot pour un jeune homme à peine dans la force de l'âge qui n'a fait que dérober les biens des autres durant des années sans avoir appris un seul métier. Il se remet aussi vite à piocher dans les poches des autres. On recommence avec le plus simple, ce que l'on maîtrise bien, le temps de se faire la main avant d'attaquer le plus dur, le vrai boulot, celui qui demande des nerfs d'acier.
Des mois passent alors que le bonhomme voyage, change de décor, profite du temps perdu, gaspille son oseille, se fait plaisir. Dans l'entourage, on a cru que le gars s'était un peu calmé après la prison. C'est d'ailleurs là le dessein de Fouad : se faire oublier, endormir les gens, passer pour celui que la prison avait cassé en deux. Il traîne ses guenilles dans les parages sans trop faire de vagues, jusqu'au jour où l'on parle d'un autre crime où le grand bandit figure en tête de liste. On le recherche, on lui court derrière, on le piste et on finit par l'alpaguer.
Jusqu'au-boutiste
Encore une lourde peine où il doit une fois de plus en découdre avec le sort. Fouad n'avait pas encore la trentaine et presque la moitié de son existence aura été vécue derrière les barreaux. Il sortira amer, coléreux, changé radicalement. Dehors, la réputation est faite. Le bonhomme sait désormais qu'il n'a plus de place dans la ville. Pourtant il ne sait pas où aller. “Si j'étais à sa place, je ne serais jamais revenu à Fès. J'aurai fui tout ce monde et toutes les connaissances qui pouvaient un jour me faire replonger. Lui a choisi de revenir là où tout le monde le pointait du doigt. Curieux qu'il n'ait pas choisi une ville plus grande pour se faire enterrer loin des langues malveillantes”. Ce que cette ancienne connaissance oublie de dire, c'est que Fouad était un dur à cuire, un coriace, un mec très près de lui-même qui calcule tout et ne laisse rien au hasard. Il aurait pu fuir, disparaître, frapper ailleurs, se faire de beaux casses loin des yeux curieux, loin de la police qui désormais l'a bien fiché, mais il n'a pas voulu tourner le dos à un terrain de chasse qu'il maîtrisait fort bien malgré les petits faux pas. Sans oublier que la prison lui a fait voir d'autres facettes de son métier de voleur. Il a rencontré d'autres mains rapides,il a échangé des points de vue sur l'art de faire des casses, il a en somme peaufiné son savoir-faire. Fouad est de retour, et cette fois pour faire un malheur. Il savait lui que c'était la bonne, ou les gens casquent ou c'est lui qui raque.De retour en ville, il ira voir un ancien copain qu'il avait perdu de vue. Il lui demandera de le seconder dans une grosse affaire. Il s'agissait d'une maison qu'il fallait dévaliser. Les deux acolytes se présentent devant la maison. Fouad monte, ouvre son sac, sort une lampe de poche et commence à fouiller. Tout va bien jusqu'au moment où une main vient le prendre au col. Il sait qu'il est cuit, il sait qu'il doit s'en sortir. Les images de la prison défilent, les nuits noires sans soutien, la promiscuité, la faim, la saleté, le manque de soleil, de fêtes, de femmes… Fouad perd le nord, assène un coup à son assaillant et dévale l'escalier. Dehors son pote n'est plus là, il doit alors courir. Il cavale comme un damné, passe d'une ruelle à l'autre, esquive les passants, se fraye un chemin dans la foule, entre dans un café, s'enferme dans les toilettes, sort au bout d'une minute, se remet à courir, prend à gauche, une ruelle étroite, atterrit dans une impasse, rebrousse chemin, court à droite et finit par trouver refuge dans une fabrique désaffectée où il se cache pendant un moment. Entre temps, les policiers avaient cuisiné son acolyte qui finit par tout avouer. L'un s'en tire avec deux ans avec sursis, Fouad, lui, replonge pour sept ans.
La légende est morte
A l'âge de 42 ans, Fouad aura donc passé 22 années en prison. Il n'est pas devenu le gros richard dont il rêvait. Il n'est pas à l'abri des autres. Il n'a pas accompli le souhait de ne jamais se faire piétiner. Il est là, vieilli par la prison, le teint brûlé à la froideur des murs, le visage cassé, émacié, le regard torve et le corps éreinté. 22 longues années à traîner derrière soi avec leur lot de crasse, de pleurs, de cris, de haine et de peur. Comment faire pour retrouver un autre chemin ? Y a-t-il une autre route à suivre dehors ? Fouad ne sait rien faire d'autre. Il a beau se creuser la cervelle, rien ne ressort. Il se met à l'abri pendant des mois et revient à la charge. Cette fois, il a repéré le coup de sa vie. Cette fois c'est la bonne. Fouad pourrait oublier toutes les affres d'hier. Il va enfin se faire assez de blé pour aller vivre loin de cette ville qui l'a plongé au plus bas dans la vie. Il a la haine de tout le monde. Il sait que les gens ne l'aiment pas. Il sait que le simple fait d'avoir séjourné 22 ans en prison fait dresser les cheveux aux gens. Alors le temps presse. Encore un dernier coup, et après, à lui la belle vie, à lui les nuits arrosées, à lui les femmes, les voyages, les voitures et tout le bazar.
Fouad avait bien étudié son coup. Dans la ville, tout près d'un grand hôtel, vit un vieillard de 81 ans. Fouad fait son enquête : il apprend que le vieux bonhomme avait de l'argent, qu'il a toujours été riche et qu'il n'était pas bien entouré. Presque sans famille, c'était le coup idéal à frapper avant de raccrocher ou alors de changer de vie. Il étudie toutes les possibilités et surtout s'attaque aux difficultés qu'il fallait régler en premier. Il sait désormais qu'il faut le faire dans la nuit, qu'il faut surveiller les lieux pour ne pas se faire voir et surtout avoir d'autres complices pour faire vite. La nuit, il se pointe avec deux amis qui l'attendent en bas. L'un surveille les parages, l'autre doit se charger du transport en cas de fuite. Quand il monte, la maison du vieillard est plongée dans une obscurité totale. Fouad allume sa lampe de poche, se met à fouiller dans la maison et tombe sur des bijoux. Plein de bijoux qu'il met dans son sac, mais il ne se contentera pas d'un tel butin, non, il voulait prendre plus surtout que le vol se déroulait très bien.Il fait d'autres tours dans la maison, tombe sur des pièces qui l'intéressent. Ils se met à les fourrer dans son sac quand l'une d'elles tombe et fait un bruit de tous les diables dans la nuit noire. Le vieux bonhomme qui se faisait voler, se réveille apeuré et se met à hurler. C'est là que Fouad doit réagir. Il lui assène un coup de couteau qui le fait taire. Le bonhomme se vide de son sang, alors que son voleur finit de ramasser son butin. Les amis ameutés par le cri se volatilisent quand leur chef sort de la maison. Il doit encore courir, courir à n'en plus finir avant d'être enfin loin du danger. Des jours passent, l'affaire éclate, les langues se délient. On tombe sur Fouad qui faisait mine de ne rien savoir. On le cuisine, il dit tout et fait plonger ses deux amis. Le jour du procès à Fès, la salle était pleine à craquer de toutes les victimes du grand voleur. On lui a détaillé devant le juge plus de 59 crimes en dehors du meurtre avec préméditation. Les voix s'élèvent, les femmes racontent comment elles ont été volées, les hommes crient devant le juge que cet homme était le plus grand bandit du monde et qu'il n'y avait pas un endroit dans la ville où il n'avait pas fait de victime.
Fouad est là en train d'écouter les voix qui le plongent dans l'abîme sans fond de la vie. Quand la voix du juge prononce le verdict, Fouad n'esquisse même pas un geste. Condamné à mort, lui et son complice. Fouad se retourne, jette un dernier regard à la salle et baisse la tête. C'était son dernier coup d'oeil d'homme libre. Désormais, la vie s'écoule autrement dans la prison centrale de Kénitra où sa légende fait encore jaser plus d'un.


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