Quatre milliards de dirhams en chiffre d'affaires à l'export sur une période de cinq ans. Ce chiffre semble n'être que fantasme pour les professionnels de la filière du marbre, et pour un bon bout de temps. Depuis une année déjà, en effet, ces derniers se trouvent dans l'impasse. En cause : une circulaire de la primature...ou les «effets collatéraux» qu'elle a pu produire sur le secteur, comme le souligne Ayoub Kahlaoui, président de l'Association marocaine du marbre (AMM). Au-delà de l'absence de toute concertation sur sa conception, les marbriers reprochent à cette circulaire d'avoir plombé le développement de leurs activités. «Un texte qui a été promulgué dans un contexte marqué par une guerre autour de la filière du sable, où il fallait mettre de l'ordre, et avec laquelle nous n'avions rien à voir», martèle Kahlaoui. Mais à défaut de ne pas pouvoir s'y opposer, les profesionnels accusent le coup, multiplient les rencontres avec les cadres du ministère et de l'Equipement... mais piétinent sur la même situation. Les symptomes de cette sclérose ? Accès de plus en plus difficile à la matière première, blocage de toute nouvelle autorisation d'exploitation avec l'arrivée de cette nouvelle circulaire, et plusieurs irrégularités d'application. La première est de taille. Elle est relative au principe d'étude d'impact environnemental, imposé par la loi 12-03 pour plusieurs secteurs d'activités et repris par la circulaire de la primature. Il se trouve cependant que l'exploitation du marbre ne figure pas dans la liste des activités de l'industrie extractives assujetties à cette étude d'impact. Par voie de conséquence, la pilule de cette étude a bien du mal à passer chez les professionnels. Le pont de la discorde Autre grief, celui du pont à bascule désormais imposé par cette même circulaire sur tous les sites en exploitation, peu importe leur étendue. Pour les marbriers, cela rime avec des charges supplémentaires (400.000 dirhams pour l'installaton d'un pont), et surtout inutile puisque «l'estimation du poids des blocs de marbre se fait à 5% près», précise le prsident de la AMM. Ce dernier ajoute que cette obligation est surtout «lourde à appliquer pour une majorité de carrières, vu les faibles volumes extraits». Sur cet aspect, il faut savoir que la loi sur les carrières, actuellement en gestation dans les services du ministère de tutelle, imposerait le pont à bascule uniquement pour les carrières dont le volume d'extraction annuel dépasse 30.000 m3. Ce n'est pas tout. À ces points déjà bien handicapants pour le secteur, se greffent d'autres aspects liés toujours à la fameuse circulaire. C'est le cas, par exemple, pour la durée des autorisations d'exploitation. Celle-ci est fixée à 5 ans dans le texte de la primature. Une durée jugée trop courte par les professionnels, là où il faudrait un minimum de trois années pour atteindre la partie utile et exploitable des carrières, appelée «bonne masse» dans le jargon sectoriel. «Cette durée est trop courte. Nous ne pourrons pas rentabiliser les investissements opérés en amont. Pourtant, la future loi sur les carrières parle de 20 à 30 ans de durée d'autorisation pour les carrières associées à une industrie de transformation», défend Kahlaoui. Cela, sans parler d'autres contraintes. La ciruculaire impose en effet également de clôturer le site de la carrière en exploitation. Une clause que les professionnels jugent «inédite», et dont le coût peut s'avérer très loud pour les carrières étalées en superficies pouvant atteindre plusieurs millions de dirhams. Pis encore, l'exploitant ne peut plus extraire que les quantités prévues initialement à l'octroi de l'autorisation. «Nous ne pouvons donc pas adapter notre production en fonction de la demande, sous peine de fermeture définitive du site exploité», déplore le président de l'AMM. En résumé, c'est donc une législation qui semble bien en décalage les réalités du secteur. Résultats : les investissemens sont gelés, et l'on se tourne de plus en plus vers l'importation de pierre naturelle. Cette activité n'est plus l'apanage exclusif des commerçants et autres revendeurs de marbre. Même les industriels exploitant de carrières se sont greffés au filon de l'import pour compléter leur offre (60 à 70% de la consommation locale en marbre est importée). Une offre que l'accès limité à la matière première rend peu compétitive en termes de volumes, notamment sur les marchés internationaux. La guerre du marbre semble difficile à mener...