Chercheur en microécvonomie financière à l'Université Ibn-Tofail Alors que les cours mondiaux des matières premières s'orientent vers une baisse historique en 2026, nourrissant l'espoir d'un reflux durable de l'inflation, l'économie marocaine ne semble en capter que partiellement les bénéfices. Si la détente de certains produits de base allège la facture extérieure du Royaume, la rigidité de la transmission des prix et la structure oligopolistique de plusieurs marchés limitent fortement l'impact sur le pouvoir d'achat. À l'inverse, la flambée des engrais et des métaux précieux profite largement aux exportations et aux recettes publiques, accentuant un fossé déjà profond entre performances macroéconomiques et réalité quotidienne des Marocains. Pourquoi les prix ne baissent-ils pas au Maroc alors que l'inflation mondiale ralentit ? La perception d'un recul de l'inflation au Maroc est trompeuse. Même si le taux annoncé par le HCP tourne autour de 1%, ce chiffre reste positif et signale que les prix continuent de progresser, certes lentement, mais sans jamais revenir en arrière. L'inflation ressentie par les ménages ne dépend pas uniquement du rythme d'augmentation, mais également du niveau général des prix, qui demeure élevé depuis les chocs successifs de ces dernières années. En théorie, le retour à la normale au niveau international aurait dû s'accompagner d'une forme de déflation, c'est-à-dire une baisse effective des prix. Or, aucune variation négative de l'indice des prix à la consommation n'a été enregistrée. Les tarifs qui avaient pris l'ascenseur lors des tensions mondiales ne sont jamais redescendus, maintenant le coût de la vie à un niveau durablement élevé. Comment expliquez-vous le retard de transmission entre les baisses des cours des matières premières et les prix au Maroc ? C'est un phénomène d'asymétrie non linéaire. Lorsque le pétrole, le blé ou d'autres matières premières augmentent au niveau mondial, les prix intérieurs réagissent immédiatement. Mais lorsque ces mêmes produits baissent sur les marchés internationaux, l'effet n'est ni automatique ni proportionnel. L'impact se perd dans les chaînes d'intermédiation et l'ajustement de prix devient non linéaire. Cette asymétrie s'explique en grande partie par la structure des marchés marocains, souvent oligopolistiques, où quelques grands opérateurs dominent l'importation, la transformation ou la distribution. Le manque de concurrence, les ententes tacites entre groupes et la persistance de barrières à l'entrée empêchent l'arrivée de nouveaux acteurs qui pourraient exercer une pression concurrentielle sur les prix. Résultat, lorsque les cours mondiaux montent, les opérateurs répercutent la hausse pour préserver leurs marges, mais lorsque les prix baissent, rien ne les oblige à ajuster leurs tarifs à la baisse. Quels leviers permettraient-ils au Maroc d'améliorer la transmission des prix ? La situation actuelle est le résultat d'une libéralisation partielle. L'Etat a allégé la pression sur ses finances publiques en supprimant les subventions de la Caisse de compensation sur plusieurs produits, ce qui a exposé les ménages aux variations internationales. Mais cette ouverture n'a pas été accompagnée d'une véritable libéralisation de l'accès au marché. Les secteurs les plus stratégiques restent verrouillés, et les conditions administratives, réglementaires ou informelles découragent tout nouvel entrant. Cette configuration crée des frictions qui limitent le jeu concurrentiel. Deux voies s'offrent : soit réinstaurer le mécanisme de compensation, soit renforcer de manière ferme la régulation des pratiques anticoncurrentielles et garantir une ouverture réelle des marchés. Maryem Ouazzani / Les Inspirations ECO