Après une année d'euphorie boursière et de détente monétaire, le mois de novembre marque un temps d'arrêt sur les marchés financiers marocains. Correction du MASI, arbitrages de liquidité et tensions sur les maturités courtes rappellent que le cycle reste porteur, mais qu'il entre dans une phase plus sélective, sur fond d'indicateurs économiques globalement solides. Après plusieurs mois d'ascension quasi ininterrompue, le marché financier a marqué une pause nette en novembre 2025. Non pas un retournement de cycle, mais un ajustement brutal, révélateur des arbitrages en cours dans un environnement devenu plus exigeant. Dans sa note Strategy – Novembre 2025, BMCE Capital Global Research (BKGR) analyse cette correction comme un moment charnière, où les investisseurs réévaluent simultanément le risque, la liquidité et les perspectives de rendement. L'indice MASI, après avoir franchi un sommet historique au-delà de 20.000 points en début de mois, a clôturé novembre à 18.603,59 points, enregistrant une baisse mensuelle de 5,26%. Cette contre-performance, l'une des plus marquées de l'année, ramène néanmoins la performance annuelle à un niveau toujours exceptionnel de +25,93%. Pour BKGR, cette correction s'inscrit avant tout dans une logique de prises de bénéfices sur les grandes capitalisations, après une phase de hausse rapide et largement anticipée par le marché. Liquidité, IPO et réallocation des flux Au-delà du simple mouvement technique, BKGR met en lumière un phénomène plus structurel : la migration partielle des flux institutionnels, notamment des OPCVM vers les OPCI, qui a contribué à assécher temporairement la liquidité disponible sur le marché actions. À cela s'ajoute l'arbitrage opéré par certains investisseurs en amont des introductions en bourse de Cash Plus et surtout de SGTM, appelant des réallocations tactiques de portefeuilles. Cette phase de respiration ne remet toutefois pas en cause les fondamentaux. Les résultats des sociétés cotées demeurent bien orientés, avec une progression de 5,6% des revenus agrégés, à 246,4 milliards de dirhams sur les neuf premiers mois de 2025. Pour BKGR, cette dynamique bénéficiaire constitue un socle solide pour la poursuite du cycle boursier, au-delà des ajustements de court terme. Marché obligataire : des taux sous contrôle, mais sous tension à court terme Sur le marché des taux, le diagnostic est plus nuancé. Portée par une désinflation confirmée et le maintien d'une politique monétaire accommodante de Bank Al-Maghrib, la courbe des taux primaire poursuit son aplatissement, avec une réallocation progressive des investisseurs vers les maturités courtes. Cette évolution traduit une recherche de sécurité dans un contexte où la visibilité à moyen terme reste mesurée. En novembre, le Trésor a levé 15,9 milliards de dirhams, soit 151,5% du montant initialement annoncé, confirmant une stratégie de financement proactive visant à sécuriser la trésorerie avant la clôture de l'exercice. Cette intensité des levées, combinée à la faiblesse des tombées attendues en décembre, entretient néanmoins un biais haussier sur les taux à court terme, selon BKGR. Dans ce contexte, les maturités intermédiaires apparaissent comme le meilleur compromis entre rendement et maîtrise du risque. Une économie réelle plus robuste que ne le suggère la volatilité financière Ce contraste entre nervosité financière et solidité macroéconomique constitue l'un des enseignements majeurs de la note de BKGR. Sur le plan économique, le Maroc affiche une croissance estimée à 4,6% en 2025, soutenue par la vigueur de la demande interne et la contribution positive des secteurs non agricoles. Le deuxième trimestre a marqué une accélération significative, avec une croissance de 5,5%, contre 3% un an auparavant. Cette dynamique se reflète dans plusieurs indicateurs avancés. Les ventes de ciment progressent de 10,6% à fin octobre, tandis que les ventes automobiles bondissent de 35,3% sur la même période, traduisant un cycle d'investissement et de consommation particulièrement actif. Inflation maîtrisée, déséquilibres externes persistants L'un des points de soutien majeurs reste la maîtrise de l'inflation. En octobre 2025, l'indice des prix à la consommation affiche une hausse annuelle limitée à +0,1%, son plus bas niveau depuis mars 2021. Cette désinflation conforte l'orientation monétaire actuelle et soutient les conditions de financement de l'économie. En revanche, les équilibres externes demeurent sous pression. Le déficit commercial s'est creusé à 297 milliards de dirhams à fin octobre, en hausse de 19,6% sur un an, sous l'effet d'une progression marquée des importations de produits finis et d'équipements. Le déficit budgétaire atteint quant à lui -55,5 milliards de dirhams, contre -40,5 milliards un an plus tôt, illustrant l'ampleur de l'effort public engagé. Un cycle toujours porteur, mais plus sélectif Au final, la lecture proposée par BKGR met en évidence une économie et des marchés entrés dans une phase de maturité du cycle. La croissance reste solide, les fondamentaux des entreprises cotées sont robustes, mais l'environnement financier impose désormais davantage de sélectivité, de discipline et de gestion active du risque. La correction de novembre apparaît moins comme un signal d'alerte que comme une transition vers un régime de marché plus exigeant, où la qualité des bilans, la visibilité des cash-flows et la profondeur du marché des taux joueront un rôle central. Sanae Raqui / Les Inspirations ECO