Polisse, troisième film de Maïwenn, concoure actuellement au 64e Festival de Cannes. Retour sur cet opus à l'effet coup de poing. Polisse, troisième film de Maïwenn, concoure actuellement au 64e Festival de Cannes. Retour sur cet opus à l'effet coup de poing. Le cinéma de Maïwenn nous avait accoutumé à regarder ce qui se passe dans la marge, du côté de l'underground et de la part d'ombre. Le bal des actrices , valse de comédiennes filmées entre réel et fiction, dévoilait la face cachée du septième art, sphère que l'actrice-réalisatrice connaît bien pour avoir débuté à l'âge de trois ans devant la caméra et qu'elle n'hésitait pas à explorer trois décennies plus tard, à 33 ans. Elle y incarnait une cinéaste nombriliste et odieuse. Pardonnez-moi , son premier long-métrage sorti sur les écrans de l'Hexagone en 2006, évoquait son rapport et son histoire douloureuse tissée de violence avec son père. Si Maïwen ne parvient pas à faire dire l'inavouable à ce père qui l'a battait, c'est son personnage, Violette, qui réalise cependant l'impossible : « Je suis moins courageuse que Violette. Dans la vie, je suis incapable de regarder mon père en face. (…) Puisque j'arrivais à en parler sans pleurer, je pensais que je supportais d'avoir été battue », confie-t-elle. Déjà, à travers le spectacle one-Maï-show , l'actrice mettait sa souffrance à nu, celle d'une fillette qui doit s'occuper de ses frères et sœurs, s'efforçant d'attirer l'attention de sa mère absente et également actrice : « Je ne sais pas ce que c'est de rentrer à la maison à la fin de la journée sans avoir fait les courses », poursuit-t-elle. Sa mère n'est autre que l'actrice franco- algérienne Catherine Belkhodja. On l'aura compris, cette réalisatrice, comme nombre d'autres grands cinéastes, est poursuivie par des obsessions, des fantasmes, des failles, qui remontent aujourd'hui à la surface pour devenir les thèmes récurrents de ses films. Nul mal à comprendre pourquoi, avec Polisse , son nouvel opus, elle choisit de se tourner vers l'enfance douloureuse, celle qui s'attache aux ténébreux, aux maudits, aux inconsolables. Loin du glamour et des paillettes de la Croisette, Polisse , troisième long métrage de l'imprévisible réalisatrice, nous plonge durant deux heures dans l'univers sombre et âpre de la Brigade de protection des mineurs (BPM). Présenté en compétition officielle au 64e Festival de Cannes sous drapeau français, le haut de l'affiche réunit Joey Starr, Naidra Ayadi, Karine Viard, Marina Foïs, Nicolas Duchauvelle. La cinéaste a également fait appel à des comédiens non-professionnels car « dès qu'il y a des inconnus, c'est magique. Les acteurs non professionnels ont des choses démentes, qu'aucun acteur ne peut reproduire». Afin d'être en totale immersion avec le propos de son film, la cinéaste a suivi un stage au sein d'une vraie brigade : « Le cinéma que j'aime faire est proche de la vérité et du documentaire, ce n'est pas pour autant que ce que je raconte est vrai. C'est une mise en scène sur le ton de la vérité. J'ai mis neuf mois à écrire le scénario. J'avais le rythme et le décor dans la tête, mais je ne savais pas comment mêler tout ça. Après six mois d'écriture seule, j'ai demandé à Emmanuelle Bercot de me rejoindre. Elle devait rester dix jours et elle n'est jamais repartie». Les thèmes évoqués sont véridiques et abordent la pédophilie, les drames intra-familiaux, mais aussi les fausses déclarations de viol. La réalisatrice déplore de plus, le peu de moyens accordés à ces flics pour enfants maltraités : « J'ai très vite compris qu'ils ont tous des raisons personnelles d'être à la brigade des mineur. Mais, ce qui m'a sidérée, c'est que cette brigade est la moins valorisée, y compris au sein de la police qui la regarde de haut… Je trouve aberrant qu'on donne davantage de moyens par exemple à la brigade des stupéfiants qu'à celle qui s'occupe de la protection des enfants». Dommage que les deux policiers qui ont poursuivi, le 27 octobre 2005, les deux mineurs, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, morts électrocutés dans un transformateur EDF, où ils s'étaient réfugiés après une course-poursuite, ne soient pas passés par la case Brigade de protection des mineurs dans leur vie de flics. Fouzia MAROUF (avec agences)