Le Maroc rebat les cartes du paysage hôtelier. Désormais, les étoiles ne s'arrachent plus au mérite supposé, mais à la suite d'un protocole rigoureux et uniformisé, dicté par l'arrêté n° 985-24, publié au Bulletin officiel le 27 mai 2025. Fruit de plus d'une décennie de concertations, notamment sous l'impulsion de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH), ce texte redessine en profondeur les règles du jeu, avec une précision quasi millimétrée, et impose aux hôteliers une course contre la montre de 24 mois pour se mettre en conformité. Une réforme attendue Ce nouveau dispositif – qui remplace celui de 2003 – établit une grille de lecture précise de ce que doit être un hôtel au Maroc aujourd'hui. Sur les 4725 structures recensées à travers le pays, certaines peuvent déjà postuler à un reclassement immédiat après auto-évaluation. D'autres devront revoir leurs installations, leurs services – et leurs ambitions. Le ministère du Tourisme et celui de l'Intérieur, co-auteurs du texte, espèrent ainsi propulser l'offre marocaine au diapason des standards internationaux les plus élevés. Des normes obligatoires La réforme repose sur une double logique : des normes obligatoires (désignées "A"), qui doivent être remplies à 100 %, et des normes complémentaires ("B"), validées à condition de franchir le seuil de 70 % des points cumulés. Parmi les critères impératifs, la sécurité fait office de pilier. Les hôtels de plus de 30 unités doivent disposer de parkings sécurisés et vidéosurveillés. L'entrée principale doit être dotée d'un portique de contrôle, avec système de vidéosurveillance fonctionnel. L'éclairage nocturne, l'accessibilité des infrastructures et la visibilité de l'enseigne sont également strictement encadrés. Côté services, l'expérience client devient un levier de différenciation : accueil en plusieurs langues, personnel identifiable et en uniforme, gestion des bagages dès l'arrivée, bagagerie sécurisée, et communication fluide sur les tarifs, politiques de réservation et d'annulation. La digitalisation fait une entrée remarquée dans les obligations : la réservation en ligne doit être accessible en moins de cinq clics, avec paiement électronique sécurisé et confirmation dans un délai de 24 heures. Le téléphone, quant à lui, doit être opérationnel 24h/24 et décroché en moins de cinq sonneries. Normes complémentaires Les établissements sont incités à aller plus loin. Les normes complémentaires offrent un terrain d'expression aux plus ambitieux : systèmes automatisés de check-in/check-out, domotique dans les chambres, services à la carte ou sur mesure, salons dédiés aux enfants, espaces bien-être, bornes interactives, service de conciergerie digital, menus traduits en plusieurs langues, etc. La propreté et l'entretien ne sont pas en reste. Des exigences strictes concernent les façades, les espaces verts, les sols, les murs, les vitres ou encore les tapisseries. L'ensemble doit refléter un haut degré de soin, de régularité et de conformité esthétique. Le "client mystère", nouvel arbitre de l'excellence Mais la grande nouveauté de la réforme tient dans les visites mystères, introduites comme un outil permanent de contrôle qualité. À intervalles aléatoires, des évaluateurs mandatés visiteront les hôtels incognito, en suivant une grille d'observation stricte : qualité de l'accueil, fluidité de la réservation, propreté des chambres, réactivité du service, respect des engagements affichés. Un hôtel peut désormais perdre ou gagner une étoile à l'issue de ces audits silencieux. Inspirée du secteur du luxe et de la grande distribution, cette méthode d'évaluation à l'aveugle entend couper court aux dérives et encourager une culture d'excellence continue, loin des effets de vitrine. A noter que la classification des établissements ne sera plus accordée de manière définitive, mais réévaluée régulièrement : tous les 7 ans pour les nouveaux établissements, puis tous les 5 ans. Derrière ce durcissement des règles, une volonté affichée : faire du Maroc une destination premium, avec une offre hôtelière alignée sur les attentes des voyageurs internationaux les plus exigeants. L'Etat a déjà commencé à soutenir cette transition à travers les dispositifs Go Siyaha et Cap Hospitality. Nouveau produit pour les investisseurs Par ailleurs, une nouveauté importante a été introduite pour les hôtels 5* et Luxe : les Résidences Immobilières Adossées (RIA). Ce nouveau concept permet aux investisseurs de construire des villas adossées à leur hôtel qu'ils peuvent vendre à des particuliers,tout en en assurant la gestionau profit d'une clientèle haut de gamme souhaitant vivre une expérience plus privative.Une nouvelle solutionque met en place le gouvernement pour encourager encore plus l'investissement dans le secteur touristique. Le dispositif réglementaire sera très prochainement enrichi par de nouveaux arrêtés complémentaires qui viendront structurer trois segments clés de l'hébergement touristique : les bivouacs, l'hébergement chez l'habitant, et l'hébergement alternatifqui englobe des concepts innovants (conteneurs, cabanes, etc..).