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PRESSE
Abus du quatrième pouvoir ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 08 - 02 - 2010


HAKIM ARIF
Certains titres de la presse nationale ont même tiré dans le sens contraire. A tel point d’ailleurs que nous avons aujourd’hui des publications qui périssent, d’autres qui se perdent dans des combats personnels aussi inutiles que nocifs et d’autres encore qui se retrouvent devant les juges parce qu’elles n’ont tout simplement pas respecté la première de leurs obligations, payer les créanciers à temps. Exemple : les fondateurs du Journal sont aujourd’hui poursuivis non pas pour avoir diffamé ou publié de fausses informations. Leur affaire est plus banale que cela. Ils ont tout simplement contrevenu à la loi sur les entreprises. Eh oui, on a tendance à l’oublier, l’entreprise de presse est une entreprise comme les autres. Elle a des obligations légales et sociales. En plus, bien entendu, des obligations économiques. Pour les publications qui respectent la loi, cette situation introduit un biais au bon jeu de la concurrence puisque les entreprises de presse qui paient leur dû se retrouvent avec moins de ressources financières que celles qui n’en font rien. C’est déjà un grand handicap. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les «hors-la-loi» tomberont un jour ou l’autre dans le gouffre puisqu’ils sapent ce faisant leur crédibilité. Comment convaincre alors les lecteurs et les citoyens de la justesse des critiques quand on est soi-même coupable de plusieurs manquements légaux ? Difficile en effet. Dans leur évolution mouvementée, certaines publications ont pu avoir le dernier mot chaque fois qu’elles étaient confrontées à des tiers, justement parce qu’elles étaient légalement irréprochables. Elles peuvent ainsi parler déontologie, démocratie, éthique des affaires sans rougir et sans craindre le retour du balancier. Le pire dans cette histoire est que ce sont, la plupart du temps, les publications les moins respectueuses des réglementations qui critiquent le plus. Nous sommes en l’occurrence plus proches de stratégies business que de stratégies éditoriales pures. Les promoteurs de ce genre de publication ont profité d’une rente. Parfaitement, une rente. En faisant tout un tapage sur les droits de l’Homme et en critiquant souvent les décisions royales, elles se présentent sous le faux habit de victimes d’un «régime liberticide», ce qui leur ouvre les portes et le porte-monnaie d’ONG internationales souvent hostiles au Maroc. C’est un jeu dans lequel, ce qui est recherché n’est pas l’information du citoyen, mais le rapprochement avec les «décideurs des droits de l’Homme» à l’échelle mondiale. Il faut dire qu’en face, le gouvernement, censé faire respecter la loi à travers le ministère de la Justice, a pendant longtemps laissé faire. Si la loi est faite, c’est évidemment pour être respectée. Or, on lit de plus en plus souvent des commentaires qui portent atteinte directement à la personne du roi. Et nous savons que des publications avaient été condamnées pour beaucoup moins que cela. D’où l’incompréhension du public, mais aussi des professionnels de la presse. Y a-t-il des protégés, des intouchables ? Si oui, qui leur donne cette protection ? Qu’on soit clair à ce niveau. Notre objectif n’est pas de pousser à la chasse aux sorcières. Il faudrait plutôt clarifier le jeu et qu’on sache à quoi s’en tenir. De plus en plus de citoyens savent que des chroniqueurs deversent leur haine à travers leurs écrits alors que du temps de ce qu’eux-mêmes appellent aujourd’hui les années de plomb, ils étaient du «bon côté». Ils espéraient à l’époque accéder à des postes «mérités» pour les services qu’ils avaient rendus à l’Etat. Comme l’Etat ne leur a pas accordé la moindre importance, ils se sont retournés contre lui. Leur ressentiment d’aujourd’hui est humain certes, sauf que celui qui ne peut le dépasser ne doit pas faire du journalisme. C’est un métier où on doit tout de même laisser de côté ses propres sentiments. Depuis l’avènement de Mohammed VI, il y a eu un grand changement. C’est une réalité. Il y a eu également, cela aussi est une réalité, des tentatives de retour à la situation ante, et c’est ce qui explique tout ce remue-ménage dans la profession. Dix années après ce fourmillement, il est temps de changer. Et c’est heureux que des partis politiques pensent à organiser le dialogue national de la communication. Un débat utile qui devra aussi clarifier le rôle de chaque intervenant. Dans ce dossier, nous avons donné la parole à des professionnels qui marquent par leurs actions l’évolution du monde de la presse. Nous aurions aimé aussi présenter le point de vue du ministère de la Communication que nous avons contacté. En vain.
Débat sur le rôle des médias dans la société
Vers un Livre blanc
Un débat national sur les médias et leur rôle dans la société marocaine est initié actuellement au sein du Parlement par les groupes parlementaires de l’Istiqlal, l’USFP et le PAM avec le soutien du PPS, du MP et du RNI. Fatiha Layadi, du PAM, explique les objectifs de cette initiative : «Nous voulons entamer un dialogue profond et serein tout en laissant de côté les petites choses du quotidien. L’objectif est d’assainir la relation entre la société et ses médias et non seulement entre l’Etat et les médias. Ce débat sera l’occasion de savoir si on veut un Code de la presse pour les cinq prochaines années ou bien un texte pour le long terme, plus ouvert et plus sérieux. Ce qu’on cherche aujourd’hui c’est que la presse dialogue avec la société». Les audiences au Parlement sur les médias devront se terminer en avril et déboucher sur un Livre blanc.
«L’anarchie règne dans la presse».
Noureddine Miftah, Secrétaire général de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ).
Entretien réalisé par Salaheddine Lemaizi
L’Observateur du Maroc. Quatre ans après la signature du contrat-programme entre la FMEJ et l’Etat, quel bilan en faites-vous ?
Noureddine Miftah. Si en 2005, douze entreprises de presse seulement ont pu bénéficier de subventions dans le cadre du contrat avec l’Etat, en 2010 se sont 66 bénéficiaires qui recevront des subventions. Sur le plan qualitatif le contrat a permis la mise à niveau des entreprises de presse au vrai sens du terme. Concernant les arriérés de la CNSS, estimés entre 800.000 DH et un million de DH chez certaines entreprises, cette situation a été assainie. On peut affirmer que la mise à niveau a été faite et que le secteur de la presse est l’un des plus respectueux de la loi au Maroc.
Pourtant, il y aurait encore des entreprises qui ne paieraient même pas la CNSS. Qu’en dites-vous ?
Pour nous, ne pas payer la CNSS ou les impôts, c’est du vol. Ceci dit, nous ne sommes pas des inspecteurs des impôts pour vérifier le respect de toutes ces règles. Mais nous constatons que les membres de notre Fédération se conforment aux accords contenus dans le contrat-programme. En général, l’entreprise de presse qui bénéficie d’une subvention doit engager une mise à niveau, sinon cet argent public n’aura servi à rien.
Le SNPM reproche toujours aux éditeurs de journaux de ne pas respecter les droits sociaux. Que lui répondriez-vous ?
Il suffit que le syndicat signale l’une ou l’autre entreprise membre du FMEJ qui ne respecte pas ses obligations sociales et nous agirons en conséquence. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que le SNPM est notre partenaire. La logique de conflit est inexistante et nous travaillons sur plusieurs dossiers qui dépassent même les volets socio-économiques, pour toucher la réforme du Code de la presse et le grand thème de la liberté d’expression.
La presse est-elle une bonne ou une mauvaise affaire ?
C’est relatif. Une entreprise de presse comprend deux volets. Le premier est économique où il est question des actionnaires et du profit, et le deuxième concerne le message. Le défi est d’arriver à concilier entre le message et l’entreprise qui porte ce message.
La mévente et la diminution des recettes publicitaires menaceraient l’existence même de certains titres. Y aurait-il d’autres problèmes cruciaux ?
La presse partisane ne vend pas et elle n’a pas (ou peu) de recettes publicitaires. Mais elle n’a pas disparu. Si cette presse était dans une logique de marché, la majorité des titres cesserait de paraître. D’ailleurs la majorité des problèmes sociaux des journalistes est relevée dans la presse partisane. Autre point qui pose problème, celui du salaire minimum pour les journalistes débutants. A ce sujet, il y a une concession de notre part, mais qui n’est pas facile à tenir pour les organes de presse régionaux à faible revenu.
Comment jugez-vous l’évolution du secteur de la presse au Maroc ?
Avec 700 titres, la presse a connu une inflation sans précédent, alors que la taille du lectorat n’a pas vraiment évolué depuis 20 ans. Cette explosion de titres n’est pas naturelle. Certains profitent de l’économie de rente dominante pour avoir de la publicité. L’autre aspect négatif de cette inflation est que certaines personnes qui créent des journaux n’ont des fois aucun rapport avec le journalisme.
Est-ce qu’il faut donc revoir le régime déclaratif de création de journaux ?
Aujourd’hui, face à l’anarchie qui règne dans le secteur, j’ose faire une autocritique de certaines de mes positions que j’avais à ce sujet durant les quinze dernières années. A l’époque de l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri, on tenait mordicus au régime déclaratif dans la presse pour des raisons de liberté d’expression. Maintenant, je serais d’avis d’imposer plutôt des critères intellectuels pour le lancement d’un nouveau titre de presse. C’est ce que demandera d’ailleurs la FMEJ lors de la reprise des négociations sur le code de la presse. Espérons maintenant que le dialogue national en cours permettra de mettre de l’ordre dans le monde de la presse.
«Protéger socialement le journaliste, c’est protéger l’éthique et la qualité dans le journalisme».
Younès Moujahid, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM)
L’Observateur du Maroc. Quel état des lieux faites-vous quant au respect des droits sociaux dans les entreprises de presse ?
Younès Moujahid. D’abord il faut distinguer la presse partisane de la presse privée. Je dis bien «privée» et non pas «indépendante». Cette presse privée se divise elle aussi entre une presse prospère et une autre qui ne l’est pas. Donc l’hétérogénéité est le trait dominant dans le secteur. Dans la presse partisane, le salaire peut ne pas dépasser les 8000 DH (brut) mais les garanties sociales sont élevées. A contrario, une partie de la presse privée peut se permettre des salaires élevés mais sans réelle protection sociale.
Dans quelle mesure les entreprises de presse respectent-elles les droits sociaux de leurs employés ?
On note un recul chez plusieurs entreprises de presse marocaine comme les étrangères installées au Maroc. Ainsi, plusieurs membres de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) ne respectent pas leurs engagements sociaux tels les cotisations à la CNSS, le 13e mois ou encore les cotisations à la CIMR. Il y a ceux qui ne respectent même pas les clauses de la convention collective. La procédure de la carte de presse a dévoilé une autre aberration, celle des entreprises qui ne déclarent pas à la CNSS les salaires réels des journalistes. Tout cela est inacceptable.
Et que comptez-vous faire devant cette situation ?
Nous avons envoyé des lettres à la FMEJ pour signaler les dépassements de certains de ses membres. D’ailleurs à l’occasion des négociations pour le renouvellement du contrat-programme entre la FMEJ et l’Etat, représenté par le ministère de la Communication, nous allons poser bien des questions sur la réalité de l’entreprise de presse, ses engagements et son avenir. Une réunion avec la Fédération est prévue prochainement pour traiter de toutes ces questions-là.
Le secteur de la presse est en pleine ébullition. Comment préserver les droits des journalistes dans ce contexte ?
L’instabilité dans le métier est désormais la règle. Un journaliste peut changer de support plusieurs fois dans l’année. A cela s’ajoute la précarité. Alors que le Code du travail stipule clairement qu’un employé doit être titularisé six mois après son embauche, on retrouve des journalistes en période de stage pendant trois ans. Ceci se passe même à la SNRT et à 2M. Ce qu’ignorent certains patrons de presse c’est que la protection des droits sociaux des journalistes permet de protéger le journalisme, l’éthique et la qualité dans notre métier.
Journalistes marocains
Les précaires de la plume
Mouna Izddine
La presse. Un métier pourtant considéré comme noble par essence, car lourd de symboles et chargé d’attentes : porte-fanion de la liberté d’expression, tribune libre et populaire, celle par laquelle sont lancés les débats, dévoilés les scandales politico-financiers, dénoncées les injustices sociales ou révélées les merveilles de l’art et de la culture. La presse, vecteur d’information, «forgeron» de l’opinion publique et, au-delà, pilier indispensable de tout édifice démocratique. On comprend dès lors le qualificatif de «4e pouvoir» (aux côtés des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) conféré depuis Alexis de Tocqueville à un média capable de faire trembler les plus hautes sphères de gouvernance. Comme en cette mémorable année 1972, où deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, contraindront un certain Richard Nixon à quitter la Maison Blanche en exposant au grand jour le scandale du Watergate…
C’est dire si au Maroc nous sommes loin de cette image d’Epinal, idéal d’abnégation et d’intégrité. «Les journalistes ne sont plus ce qu’ils étaient. A mon époque, au lendemain de l’indépendance, la presse marocaine était un acteur médiatique engagé politiquement, qui ne se contentait pas de critiquer le régime et de bousculer les tabous sociaux, mais se posait également en tant que force de proposition. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les journalistes, dans leur majorité, caressent les gouvernants et les décideurs dans le sens du poil. Et, pour avoir eu affaire à eux, la plupart travaillent uniquement par téléphone et par e-mail, sans prendre la peine de se déplacer pour couvrir les évènements ou rencontrer les protagonistes de leurs articles. Tout ce qui les intéresse, c’est le sensationnalisme et plus celui-ci est vil, plus ils pensent vendre. Ce n’est pas du journalisme d’investigation, c’est une presse fainéante et opportuniste, peu soucieuse de la qualité et de la véracité de l’information. Peut-être bien qu’après tout, les journalistes actuels ne sont que le reflet de la jeunesse marocaine d’aujourd’hui : apolitique, sans idéaux et obsédée par le seul gain matériel. «Toute nation n’a que la presse qu’elle mérite». Ainsi s’exprime Hassan, 60 ans, médecin et ex-militant de gauche. Une «bonne» presse marocaine aurait-elle ainsi existé, avant de perdre tout son lustre d’antan ? Probablement, mais il serait grand temps d’arrêter avec cette nostalgie infertile, comme de briser une autre image, dénigrante celle-là. Le journaliste marocain des années 2000 n’est pas celui des sixties ou des seventies. Il n’est certes plus aussi «militant» que ses prédécesseurs, pas plus qu’il ne passe ses nuits à se faire payer des tournées dans les bars des bas fonds de la ville en échange d’un papier élogieux sur le dernier des corrupteurs. La donne a changé, tout simplement. La presse partisane pure et dure, autrefois seule chaire contestataire, a cédé la place à une presse indépendante, diverse en contenu et féconde en titres, naviguant entre actualité politique, débats de société, bien-être physique et moral individuel, et soucis collectifs, de la gestion urbaine à la flambée des prix en passant par l’insécurité dans les villes. En somme, le reflet d’une société marocaine en évolution, blasée certes de la chose politique, mais surfant sur la tendance «cocooning» universelle, de plus en plus quémandeuse de tout ce qui peut contribuer à améliorer son quotidien, sa qualité et son cadre de vie et celui de ses enfants. Dans sa quête d’identité et de modèle, prise entre le souci d’informer des lecteurs avertis sans les ennuyer ni se répéter (sachant que nombre de tabous sociaux ont été levés par elle) dans un paysage médiatique de plus en plus concurrentiel (entre nouveaux titres, télés et radios), la presse marocaine «gaffe» parfois. Cumulant les procès pour diffamation. Mais combien de fois peut-elle être véritablement accusée de mauvaise foi ? Beaucoup de journalistes reconnaissent dans ce sens travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de leur clavier, s’autocensurant de peur de franchir les fameuses «lignes rouges», des limites par ailleurs floues et mouvantes, et de se retrouver du jour au lendemain derrière les barreaux : «Quoi qu’on en dise, beaucoup de jeunes journalistes dans ce pays ont choisi ce métier par amour, car s’il est vrai que le journalisme mène à tout, rares sont parmi nous à être des carriéristes et on ne devient pas riche avec ses écrits dans notre pays» estime un confrère. Malheureusement, ajoute-t-il, «la passion, aussi forte soit-elle, ne suffit pas, quand le retour sur investissement est faible voire nul. Comment voulez-vous faire de l’investigation ou traiter vos sujets en profondeur quand vous êtes dans une rédaction en sous-effectif, qu’on attend de vous une production industrielle, et que souvent, vous êtes dépourvu de la protection sociale la plus basique et qu’on vous augmente au compte-gouttes ? Pire, que vous risquez la prison pour vos opinions !». Comment espérer en effet que dans ces conditions de travail, les journalistes marocains se consacrent pleinement et honnêtement à une profession que d’aucuns dénomment à juste titre «Mihnat Al Mataâib» (littéralement «Le métier des galères»): «Plusieurs journalistes ont peur, ils préfèrent gagner un salaire sans protection plutôt que d’être virés. Cependant cette attitude est fausse. Si un journaliste est dans son droit et qu'il poursuit l'organe de presse devant un tribunal, il aura gain de cause. Personne ne vient chez nous, donc on ne peut pas nous accuser de ne pas défendre les journalistes. L’avenir de la presse dans l’international se dessine vers moins de protection sociale, plus de stagiaires, plus de sous-traitance, plus de free-lance. C'est pour ça que le syndicalisme et la solidarité dans notre métier s’avèrent plus que jamais nécessaires», commente à ce sujet le président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), Younès Moujahid. Précarité et déficit d’image sont en somme les deux grands maux dont souffre la profession de journaliste au Maroc. Mais ne serait-il pas justement plus judicieux d’accompagner cette presse indépendante balbutiante dans son cheminement vers la maturité par un cadre législatif clair et strict, en sanctionnant les auteurs d’infraction à la loi du travail et en octroyant aux journalistes un statut social décent, plutôt que de s’abattre sur elle par des procès-fleuves et des amendes exorbitantes ?
«Je ne m’attends à rien des parlementaire»
Rachid Niny, directeur de publication d’Al Massae.
L’Observateur du Maroc. On vous présente comme un modèle de success story dans la presse au Maroc. La presse est-elle une bonne affaire ?
Rachid Niny. La réponse à cette question dépend de la stratégie et des missions choisies par les responsables de l’organe de presse. Ainsi, la réponse diffèrera selon qu’il s’agisse d’un journal à vocation commerciale ou rédactionnelle, ou d’un journal qui se veut au service d’un lobby politique ou économique.
La presse est une aventure qui nécessite, en plus de la déontologie, du professionnalisme et d’un capital matériel, un autre capital tout aussi important qui est celui de l’indépendance. A cela s’ajoute, bien sûr, la crédibilité. Ces deux éléments permettent de durer dans ce métier, une chose que même l’argent ne permet pas. L’exemple parfait en la matière, c’est celui d’Al Massae qui, avec un capital de départ dérisoire, qui n’atteignait même pas les 900.000 DH, a réussi à être rentable dès ses trois premiers mois de parution. Et dès la première année, il est devenu le premier quotidien de la place.
Avez-vous pu concilier entre le développement de vos publications et le respect des droits sociaux de vos journalistes ?
Dès le départ, le respect des engagements sociaux était indiscutable. La preuve en est que tous les droits sociaux (CNSS, CIMR, mutuelle et AMO) de tous nos employés sont garantis. Pour les salaires, les journalistes d’Al Massae sont parmi les plus choyés du secteur. ?a commence à partir de 7000 DH pour atteindre les 30.000 DH.
Vous avez travaillé dans la presse partisane comme dans la presse privée. Laquelle des deux respecte le plus les droits de ses employés ?
Il est difficile de généraliser car dans notre secteur il y a de tout. Reste que la presse partisane est l’une des presses les plus arriérées au Maroc et qui respecte le moins le code du travail. Al Bayane, Al Alam ou Al Ittihad Al Ichtiraki par exemple ont des problèmes avec leurs journalistes, tels les retards dans le paiement des salaires ou l’absence de couverture CNSS. Et c’est là tout le paradoxe. Alors que les partis qui éditent ces journaux se présentent comme des défenseurs du peuple, ils ne respectent même pas leurs propres employés. Cela montre à quel point les partis sont hypocrites et qu’ils nous servent un discours qu’eux mêmes n’appliquent pas. La dernière trouvaille de ces partis c’est qu’ils veulent nous donner des leçons et nous trouver des solutions pour notre secteur.
Vous faites allusion au débat initié par les groupes parlementaires de l’Istiqlal, l’USFP et le PAM avec le soutien du PPS, du MP et du RNI qui commence ce jeudi ?
Absolument. Les principaux problèmes de la presse au Maroc concernent leur presse, la presse partisane. Le ministre de la Communication nous fait la morale alors que les journaux de son parti vivent des problèmes énormes et ils sont toujours en grève.
? votre avis, ce débat national sur le rôle et l'avenir des médias dans la société marocaine ne sert donc à rien ?
Je ne m’attends à rien de la part d’élus qui ne sont même pas présents lors du vote des lois importantes pour la vie des Marocains comme la loi des finances ou le code de la presse. Ils ne sont pas disponibles pour trouver des solutions pour le secteur qui nous concerne. Le grand problème ce sont nos parlementaires. Ils devraient organiser une journée pour trouver des solutions à leur absentéisme et à celui des ministres. Après, ils pourront discuter de l’état de la presse.
Vous avez bénéficié de la subvention prévue dans le contrat-programme entre l’Etat et les éditeurs, mais vous continuez à être insatisfait…
Vu les impôts qu’on paie et les charges (papier, imprimerie et distribution), la subvention ne représente rien. Au lieu de nous donner de l’argent, il suffit que l’Etat nous réserve un traitement qui prenne en considération les spécificités de notre secteur, comme c’est le cas à l’étranger. La presse n’est pas comparable aux autres secteurs de l’économie. Nous ne vendons pas une vulgaire marchandise. Les journaux forment l’opinion publique et contribuent à informer et à cultiver les gens. Donc, le taux d’impôt doit prendre en considération ces particularités.
La semaine dernière, vous avez cédé le quotidien Le Soir échos et le magazine Nejma. Votre stratégie de développement n’a donc pas été concluante ?
Il faut savoir que le groupe a connu plusieurs changements dans son tour de table. Des actionnaires l’ont quitté pour créer leur propre support. Anouzla a créé Al Jarida Al Oula, Bouachrire a fondé Akhbar Al Yaoum [devenu Akhbar Al Yaoum Al Maghribiya après son interdiction] et Samir Chaouki dirige Les Echos quotidiens. Ma vision ainsi que celle des autres actionnaires, c’est de se focaliser sur Al Massae qui est la locomotive. Il y aura des parutions, mais qui seront des dérivés du quotidien en format magazine avec des thèmes. Pour les projets qu’on a créés, ils ne sont pas perdus, ils continuent à exister.
«Le processus initié par le contrat-programme reste perfectible».
Abdelouahhab Errami, Professeur à l’Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC)
L’Observateur du Maroc. Le secteur de la presse marocaine est passé d’une domination de la presse partisane à une presse «privée» ou «indépendante». Quelles sont les différences entre ces deux presses sur le plan de la gestion ?
Abdelouahhab Errami. La presse non partisane dite «indépendante» met, elle, plutôt l’accent sur le rendement, lequel doit se justifier en définitive par davantage de ventes.
Pour les partis politiques, la presse est le moyen le plus sûr de consolider les rangs des militants et maintenir vivace l’idéologie partisane tout en la faisant partager avec les citoyens en vue de s’assurer leur enrôlement idéologique.
Dès lors, la gestion de la presse des partis est de type familial, paternaliste et qui plus est, consacre l’immobilité des journalistes, tandis que le mode de gestion dans la presse indépendante est de type entrepreneurial, enclin à embaucher des journalistes que seul le professionnalisme peut gratifier aux yeux de leurs patrons.
En 2005, le ministère de la Communication et la FMEJ ont signé un contrat-programme, quel bilan peut-on en faire, quatre après ? La mise à niveau a-t-elle été réalisée ?
Le bilan est mitigé. Je pense, par ailleurs, que le processus initié par le contrat-programme reste perfectible, en ce sens que l’aide de l’Etat à la presse est tributaire de la mise à niveau des organes de presse qui doivent, conséquemment selon les termes du contrat, accéder au statut d’entreprise.
Je pense, d’autre part, que l’aspect le plus critiquable dans le processus de mise à niveau des entreprises de presse au Maroc concerne le recrutement de journalistes professionnels ainsi que l’élaboration, à leur profit, d’un programme de formation à court et moyen termes.
La convention collective signée entre le ministère de la Communication, la FMEJ et le SNPM, a-t-elle permis d’améliorer les conditions matérielles des journalistes marocains ?
Les salaires des journalistes de la presse écrite au Maroc ont connu une nette amélioration ces dernières années, mais de manière inégale entre, d’une part, la presse des partis politiques et la presse indépendante et, d’autre part, entre les organes arabophones et francophones. En somme, la répartition de la plus-value, quand elle existe, profite moins aux journalistes qu’aux patrons. Ceci sape la confiance entre les deux parties. Pour y remédier, il faut instaurer un climat de confiance dans les entreprises de presse et rationaliser la masse salariale. Cela signifie qu’il devient maintenant impératif d’opter pour une vraie démocratie des salaires qui mette en avant une méritocratie évaluable, reposant sur des critères objectifs de rendement.
Le journaliste marocain - tous médias confondus - souffre-t-il de précarité?
La précarité existe. Elle est liée aux contingences du métier. Des journalistes préfèrent parfois exercer, sans prétentions salariales majeures, dans un organe stable, pérenne et moins regardant sur la qualité des produits que dans un autre très exigeant au plan éditorial mais qui court le danger de disparaître sans préavis pour une raison ou une autre.
Quelles sont vos attentes par rapport au débat lancé ce jeudi à Rabat au sujet des médias au Maroc ?
Mes attentes pour les médias marocains en général peuvent se résumer en plus de professionnalisme, plus d’adhésion à la déontologie, plus de liberté et de moyens de travail et, bien entendu, plus de facilité d’accès à l’information.


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