Quelques mois après la projection publique des frères Lumière à Paris en décembre 1895, le Maghreb va, à son tour, connaitre le cinéma. Le Maroc est le premier pays à se familiariser avec cette nouvelle invention susceptible de procurer des images en mouvement. Le photographe et projectionniste Gabriel Veyre va jouer un rôle déterminant quant à l'organisation d'une première projection au palais royal de Fès en 1897 sous le regard apostrophé du jeune sultan Moulay Abdelaziz, féru des gadgets et nouvelles inventions. Veyre, durant tout son séjour au palais, va tourner les premiers films sur la famille royale enthousiasmée par cette première sans précédent. Plus tard, le sultan ordonna des projections publiques au profit de la population avoisinante du palais de la capitale. Cependant, en matière de tournage, c'est l'Algérie qui accueillit les premières caméras. Les chasseurs de vues débarquèrent d'abord dans ce pays "sécurisé" depuis 1830 et qui s'érige déjà en territoire français et que les colons considèrent comme sien. La ville de Tlemcen offrit en 1896 des paysages exotiques, tant au niveau de l'architecture, des citoyens, des costumes, que des habitudes. D'ailleurs, les chasseurs de vues vont mettre longtemps à s'aventurer au Maroc, un terrain inconnu et hostile jusqu'alors. Les statistiques vont confirmer cette méfiance. Sur les 1800 films enregistrés dans le monde entier et référencés dans le catalogue des frères Lumière, 60 titres sont consacrés au Maghreb, parmi lesquels très peu de titres concernent le Maroc. L'empire chérifien était encore un territoire mystérieux et clos. A part les vues de Figuigue saisies par l'opérateur Félix Mesguich en 1905, zone frontalière avec l'Algérie, aucune caméra de chasseurs d'images ne s'y était risquée avant 1907, car à cette date précise, vont éclater les événements de Casablanca, filmées cette fois par Mesguich à partir d'un avion militaire. Quant à la Tunisie, elle a connu également sa première. C'est le premier pays maghrébin et arabe à avoir produit et réalisé des films de la part de citoyens tunisiens. Cela se passa en 1921 déjà, quand Samama Chakly, un correspondant tunisien des frères Lumière à Tunis tourna "Zohra" attribuant le rôle principal à sa fille Heydé. Ce film n'est que très rarement évoqué par les historiens car très peu connu. On cite plutôt le plus souvent "La fille de Carthage" (Ain Al Ghazal), réalisé par le même cinéaste en 1924 avec l'incontournable et ravissante Heydé. Et pourtant le rôle de la Tunisie en matière de cinéma arabe, pays pionnier dans la matière, va être éclipsé, au profit du cinéma égyptien, devenu prolifique dès ses débuts en 1927, quant va s'établir une véritable industrie au lieu de se restreindre à des cas historiques, certes, mais isolés.