Tandis que le Mali rompt définitivement le dialogue avec les groupes armés du Nord, qu'il qualifie désormais de terroristes, l'Algérie tente de relancer une médiation dont elle a perdu le contrôle. Dans un contexte de brouille diplomatique avec Bamako, de perte d'influence régionale et de crispation sécuritaire face à la présence russe au Sahel, Alger semble opérer un retour contraint sur la scène africaine, motivé autant par l'inquiétude que par l'isolement. L'initiative du président algérien de proposer une nouvelle médiation entre le gouvernement malien et les ex-rebelles de l'Azawad intervient dans un climat de rupture politique consommée. Le processus issu de l'accord d'Alger de 2015, que Bamako a officiellement abandonné, est désormais caduc. Cette tentative de réactivation diplomatique en dit long sur l'inquiétude grandissante d'Alger face à la dégradation de la situation sécuritaire à ses frontières sud, notamment dans les régions de Kidal et de Gao, foyers d'instabilité chronique. En choisissant de tendre la main au régime de transition malien, malgré la détérioration des relations bilatérales, le pouvoir algérien cherche avant tout à contenir les retombées régionales de l'effondrement de l'accord d'Alger. La main tendue n'est pas l'expression d'une posture magnanime : elle traduit l'inconfort d'un voisin pris au piège de son propre immobilisme. Le refus algérien de la présence de paramilitaires russes dans la bande sahélienne illustre une contradiction de fond dans la diplomatie sécuritaire du régime. Officiellement, Alger demeure un allié traditionnel de Moscou, notamment dans le domaine militaire. Pourtant, la présence d'Africa Corps – successeur de Wagner – au Mali constitue un motif de crispation ouvertement exprimé par le chef de l'Etat algérien. Cette posture s'explique en partie par le dogme stratégique algérien : le monopole de la violence légitime doit être détenu exclusivement par l'Etat. L'irruption d'acteurs armés privés, même adossés à des Etats partenaires, est vécue comme une atteinte directe à la centralité du rôle des armées nationales dans l'ordre sécuritaire sahélien. Derrière cette posture de principe se dissimule toutefois une préoccupation plus politique : le recul de l'influence algérienne dans un Sahel redessiné par de nouveaux rapports de force. Lire aussi : Tebboune marginalisé à Rome : L'Algérie confrontée à ses propres impasses diplomatiques Une diplomatie en quête de rattrapage La multiplication récente des visites diplomatiques algériennes en Afrique subsaharienne – du Zimbabwe au Rwanda – trahit moins une stratégie cohérente qu'un réflexe de rattrapage. L'Algérie, longtemps absente de la scène continentale, notamment sous les derniers mandats de Bouteflika et durant la pandémie, tente de réinvestir un terrain diplomatique que le Maroc a su occuper avec agilité. Le regain d'activisme algérien – participation renforcée à l'Union africaine, relance de projets transsahariens, forums économiques – vise à conjurer une marginalisation grandissante. Mais cette réactivation s'opère sans vision transversale, ni articulation avec les nouvelles dynamiques géoéconomiques régionales. Le fossé s'est creusé entre un Maroc proactif, doté d'un réseau d'alliances économiques, culturelles et religieuses en Afrique, et une Algérie longtemps enfermée dans un tropisme bilatéral figé. Ce retour précipité d'Alger en Afrique subsaharienne s'inscrit aussi dans un climat de rivalité avec le Maroc. L'offensive diplomatique de Rabat ces deux dernières décennies – réintégration de l'Union africaine, percée économique dans les secteurs bancaires, miniers, agricoles, développement de l'axe religieux malékite – a mis Alger devant un fait accompli. La diplomatie algérienne, historiquement dominée par les équilibres militaires et la méfiance souverainiste, peine à s'adapter à la nouvelle géopolitique africaine marquée par la compétition des investissements, la projection des soft powers et l'agilité multilatérale. Certes, Alger dispose encore d'un atout notamment une rente gazière en voie de dilapidation pour masquer ses carences et échecs successifs. En plus, ces ressources ne suffisent plus à structurer une politique africaine crédible sans projet cohérent, ni mécanismes d'intégration, ni réformes internes susceptibles de crédibiliser son offre de partenariat. Tant que l'Algérie restera enfermée dans une diplomatie de réaction, jalonnée d'initiatives unilatérales peu suivies d'effet, elle ne parviendra pas à restaurer une influence durable sur le continent. Le regain d'intérêt affiché pour l'Afrique ne doit pas masquer une réalité plus profonde : le recul d'une diplomatie qui peine à articuler ses ambitions avec les exigences contemporaines de souveraineté partagée, d'interdépendance économique et de projection crédible à long terme.