Le 4 septembre 2025, les autorités maliennes ont saisi la Cour internationale de Justice pour dénoncer ce qu'elles qualifient d'« agression flagrante » de la part de l'Algérie. Au cœur du litige, l'abattage par l'armée algérienne, début avril, d'un drone militaire malien qui survolait la région de Tin Zaouatène, à la frontière entre les deux pays. Alors qu'Alger affirme que l'engin avait violé son espace aérien, Bamako soutient qu'il évoluait bien dans son propre ciel, dans le cadre d'une mission de surveillance contre les groupes armés actifs dans le nord malien. Les positions sont inconciliables, et la tension palpable. La portée de cet incident dépasse de loin les aspects techniques ou militaires. Le recours à la CIJ par Bamako est un acte fort, qui traduit une volonté assumée de déplacer le conflit sur le terrain du droit international, et de mettre en cause directement l'Algérie devant une juridiction mondiale. Le Mali reproche à son voisin non seulement d'avoir détruit un appareil militaire sans justification légale, mais aussi de chercher à entraver ses efforts de lutte contre le terrorisme. En filigrane, le discours malien dénonce ce qu'il perçoit comme une collusion persistante entre certaines factions armées opérant dans le nord du pays et les autorités algériennes, accusées de leur offrir un sanctuaire ou du moins une tolérance diplomatique. L'Algérie, quant à elle, reste officiellement silencieuse depuis le dépôt de la requête. Des sources proches du ministère de la Défense ont cependant fait savoir que des preuves radar viendraient corroborer la version algérienne. Selon elles, le drone aurait bel et bien franchi la frontière, justifiant ainsi une riposte immédiate. Quoi qu'il en soit, ce silence institutionnel ne masque pas l'embarras d'Alger, qui voit son rôle d'arbitre et de puissance régionale mis à mal. L'affaire fragilise un peu plus l'image d'un pays qui s'était toujours présenté comme médiateur incontournable dans les crises sahéliennes, et notamment dans celle du Mali, depuis l'accord de paix signé en 2015 sous ses auspices. Une rupture profonde aux résonances régionales L'affaire du drone s'inscrit dans un climat de défiance croissante entre les deux pays. Depuis le retrait unilatéral de Bamako de l'accord d'Alger en 2024, les signaux d'un désalignement profond se sont multipliés. Les échanges diplomatiques ont cessé, les espaces aériens ont été mutuellement fermés, et les liens entre le Mali et les autres Etats du Sahel gouvernés par des juntes militaires, notamment le Niger et le Burkina Faso, se sont resserrés au détriment d'un dialogue avec Alger, désormais perçu comme hostile ou du moins partisan. Ce durcissement intervient alors que les équilibres régionaux sont en pleine reconfiguration. Le recours à la justice internationale par Bamako peut être lu comme un désaveu retentissant de la diplomatie algérienne, mais aussi comme un tournant stratégique, celui d'un pouvoir militaire malien qui entend désormais affirmer sa souveraineté sur la scène internationale, sans dépendre d'une médiation régionale jugée inefficace, voire nuisible. Il s'agit aussi, pour le Mali, de placer ses griefs dans un cadre juridique universel, dans l'espoir de sortir du huis clos sahélien et d'obtenir une reconnaissance institutionnelle de ses droits. La décision de la CIJ, lorsqu'elle sera rendue, aura probablement une portée symbolique plus que coercitive. Mais elle n'en sera pas moins décisive pour l'évolution des relations algéro-maliennes, et plus largement pour le climat de confiance entre les Etats de la région. En se tournant vers La Haye, le Mali choisit d'en finir avec les compromis ambigus et les arrangements discrets. C'est un signal adressé non seulement à l'Algérie, mais à tous les partenaires du Sahel : désormais, la souveraineté ne se négociera plus à huis clos.