La technologie redessine aujourd'hui les contours de la compétition mondiale et impose aux économies émergentes d'accélérer leur mutation. Le Maroc a choisi de faire du numérique l'un des piliers de sa stratégie de croissance, combinant attraction des capitaux étrangers, amélioration de la compétitivité interne et réformes structurelles destinées à moderniser son tissu économique. Les résultats enregistrés en 2024 traduisent une dynamique encourageante. Selon l'Office des Changes, les flux nets d'investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 17,23 milliards de dirhams, en progression de 55,4 % sur un an. La CNUCED confirme cette tendance dans son World Investment Report 2025, en estimant les IDE entrants au Maroc à 1,64 milliard de dollars (16,4 milliards de dirhams), soit une hausse de 55 %. Cette performance consolide la position du Royaume parmi les principales destinations africaines de capitaux productifs. Les flux bilatéraux témoignent aussi de l'intérêt croissant de partenaires étrangers. Les investissements en provenance de la Suisse, par exemple, sont passés de 69,3 millions de francs suisses en 2023 à 113,3 millions en 2024, soit une progression de 63,5 %, selon le rapport économique publié par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). L'économie numérique constitue déjà un atout reconnu. Selon le cabinet Kearney, le Maroc figure au 28e rang mondial dans l'outsourcing et occupe la 2e position en Afrique. Cette place traduit l'attractivité du pays pour les entreprises internationales de services technologiques. Pourtant, rapportées au PIB, les entrées nettes d'IDE ne représentaient que 0,8 % en 2023, selon la Banque mondiale, soulignant la nécessité d'augmenter la part des capitaux orientés vers le numérique et d'assurer des retombées locales en termes d'emplois, de compétences et de transferts de technologies. Lire aussi : Casablanca Finance City renforce son rôle dans les marchés carbone à la Climate Week NYC La stratégie nationale Maroc Digital 2030, présentée en septembre 2024, entend précisément répondre à cette ambition. Dotée d'un budget de 11 milliards de dirhams pour la période 2024–2026, elle prévoit la création de 240 000 emplois directs dans l'outsourcing et les services digitaux, une contribution de 100 milliards de dirhams au PIB, et l'essor d'un vivier de start-ups passant de 380 en 2022 à 3 000 en 2030. L'intelligence artificielle est placée au cœur du dispositif, aux côtés du développement d'un cloud souverain et de l'amélioration de la connectivité. Effets d'entraînement sur le tissu entrepreneurial L'implantation de grands acteurs internationaux du numérique agit comme un catalyseur pour les entreprises marocaines. Les petites et moyennes structures sont incitées à moderniser leurs processus de gestion, de marketing ou de logistique afin de rester compétitives dans les chaînes de valeur mondiales. En parallèle, l'Etat accélère la digitalisation des services publics, simplifie les démarches administratives et améliore l'efficacité des institutions, renforçant ainsi un climat des affaires propice aux investissements. Le développement du numérique ne repose pas uniquement sur des ambitions stratégiques. Il exige des infrastructures solides : réseaux très haut débit, centres de données, plateformes souveraines de traitement et de stockage. Le capital humain demeure un autre défi majeur : la formation d'ingénieurs spécialisés en intelligence artificielle, cybersécurité ou data sciences doit s'intensifier, alors même que la fuite des talents vers l'étranger reste un risque. La clarté du cadre réglementaire et la protection des données constituent également des conditions essentielles pour attirer la confiance des investisseurs. Enfin, la création de synergies entre capitaux étrangers, universités, start-ups et fournisseurs locaux sera déterminante pour transformer les flux financiers en effets d'entraînement durables. Une récente évaluation de l'OCDE rappelle à cet égard que la qualité des investissements prime sur leur volume. Les projets les plus structurants sont ceux qui intègrent innovation, partenariats locaux et retombées sociales tangibles. La remontée des flux d'IDE en Afrique – évalués à 97 milliards de dollars en 2024 soit 970 milliards de dirhams par la CNUCED – traduit l'intérêt croissant des investisseurs pour le continent. Le Maroc, grâce à sa stabilité macroéconomique, à ses accords de libre-échange, notamment avec l'Union européenne, et à sa position géographique stratégique, se distingue comme l'une des portes d'entrée privilégiées vers ces marchés en expansion. L'enjeu, pour le numérique, dépasse la simple attraction de capitaux. Il s'agit de transformer cet élan en véritable moteur de compétitivité, de bâtir une souveraineté technologique et d'inscrire l'économie dans les grandes chaînes de valeur mondiales. Plus qu'un secteur de niche, le numérique est appelé à devenir l'ossature d'un modèle de croissance capable d'assurer au pays une place affirmée dans la compétition internationale.