La certification halal marocaine est enfin prête (ici). Difficile, jusqu'ici, pour les entreprises marocaines d'exporter des produits halal faute de certification nationale. Philippe Charot, Français, co-fondateur et gérant de la société marrakchie «Agro-Food Industrie», a été parmi les premiers exportateurs marocains à vouloir se revendiquer halal sur les marchés étrangers. Il fabrique un produit très particulier : les petits pots bébé halal Vita Meal. Il raconte son périple. Yabiladi : Comment vous est venue l'idée de produire des petits pots halal pour bébé ? Philippe Charot : Initialement nous ne voulions pas produire des petits pots bébé halal, mais de la nourriture infantile classique. Et puis l'idée du halal est venue très vite et très simplement parce que ça n'existait pas. Il y avait seulement une entreprise en France qui faisait produire en Slovaquie ou en République Tchèque. Moins d'un an après, ils avaient fermé. Nous, notre ambition, dès le départ, c'était vraiment d'être les premiers fabriquants et surtout avec un label halal qui soit incontestable. D'où la légitimité du Maroc comme pays musulman. Pour l'instant on a réussi ; on est de très très loin numéro 1, nous avons simplement deux concurrents britanniques. Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour obtenir la certification halal marocaine ? Lorsque l'on a fait la démarche en 2008 pour obtenir une certification halal auprès du ministère des Habbous -parce que la France nous réclamait une certification halal - ils nous ont répondu «non, vous êtes une société marocaine, vous utilisez de la viande marocaine, votre production est forcément halal. On ne nous a jamais demandé de fournir de certification halal. Nous, on ne fournit pas de certification.» Avec beaucoup de lobbying, on a mis neuf mois, à peu près, pour avoir notre certificat halal. Ils ont donc fait une attestation pour nous qui n'existait pas à l'époque. Une fois certifié par le Maroc, comment votre produit a-t-il été reçu par les consommateurs en France ? Au début on considérait, un peut bêtement, que le Made in Morocco serait suffisant pour vendre nos produits halal en France. Ce n'était pas suffisant. Au contraire, nos produits tombaient dans le biais inverse des consommateurs : «ha ! moi je préfère un produit made in France que made in Morocco.» Surtout que le made in Morocco pour un Marocain, oui, peut être que ça peut avoir une signification, mais pour un Algérien, un Tunisien de France, cela ne valorise pas particulièrement le produit. D'où notre rapprochement auprès d'AVS [Association de certification de la viande halal indépendante française] pour nous faire certifier. Aujourd'hui, les auditeurs d'AVS surveillent toutes nos productions à destination de la France. Vous produisez au Maroc ; vos recettes pour les petits pots sont-elles dérivées des recettes marocaines ? Au départ, nous avions établis des recettes avec des consultants sous les nombreuses contraintes de la règlementation européenne pour la nourriture infantile. Nous voulions donner une connotation orientale avec des tajines, des couscous … Mais les distributeurs, en France, nous ont dit que les consommateurs, préfèrent la paella, le pot au feu … Nous avons donc développé des recettes beaucoup plus européennes qui représentent aujourd'hui plus de la moitié de nos produits. Même en Arabie Saoudite, Dubaï ou Alger, on a l'habitude d'importer des produits européens. La majeure partie de vos ventes se fait à l'exportation ; quels sont les pays destinataires ? Aujourd'hui notre premier marché c'est Arabie Saoudite, le deuxième l'Algérie et le troisième la France. L'Arabie Saoudite est particulièrement exigeante sur la traçabilité, l'étiquetage … Avoir pénétré ce marché nous ouvre les portes d'autres pays qui y voient un gage de qualité global. De la même façon, lorsque l'on respecte la règlementation européenne, toutes les autres législations étant copiées, avec plus ou moins de décalage, nous n'avons aucune difficulté à exporter ailleurs.
