La dette extérieure totale de l'Afrique devrait dépasser 1 300 milliards de dollars d'ici la fin de l'année 2025, selon le rapport semestriel de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank), qui observe un ralentissement de sa progression après une période d'augmentation rapide entre 2016 et 2022. Le Maroc, avec 5,9 % de l'encours continental, se situe parmi les premiers pays débiteurs du continent, derrière l'Afrique du Sud (13,1 %), l'Egypte (12,0 %) et le Nigéria (8,4 %). Une concentration des dettes aux effets systémiques Le document met en évidence une répartition inégale de l'endettement, concentré pour plus d'un tiers entre trois pays. Outre le Maroc, des niveaux élevés sont observés au Mozambique (5,4 %), au Soudan (5,2 %) et au Kenya (4,1 %), tandis qu'un ensemble de petites économies regroupées sous l'appellation «autres» concentre à lui seul plus de 30 % de la dette extérieure. Cette configuration engendre une vulnérabilité structurelle : «toute tension budgétaire dans l'un de ces pôles majeurs pourrait déclencher des réactions en chaîne sur l'ensemble du continent», avertit le rapport. Entre 2023 et 2029, la structure même de la dette extérieure africaine connaît des mutations notables, tant en volume qu'en nature. La nette décélération de l'endettement depuis 2022 découle d'un accès restreint aux marchés financiers mondiaux, d'un renchérissement du crédit et d'une attitude plus prudente des Etats, soucieux de préserver leur viabilité budgétaire dans un environnement marqué par la montée des charges d'intérêt. Un reflux progressif des tensions, malgré une soutenabilité incertaine Les projections font état d'un léger allègement des pressions liées au service de la dette à partir de 2025, sous l'effet conjugué d'une baisse des emprunts commerciaux, d'une meilleure maîtrise de l'inflation et de l'assouplissement monétaire attendu dans les grandes économies. Toutefois, le rapport alerte sur la persistance de signaux de fragilité : quatorze pays dépasseront le seuil critique de 180 % de dette rapportée aux exportations, tandis que vingt-cinq franchiront la barre des 20 % de service de la dette en proportion des recettes publiques. Par ailleurs, l'adéquation des réserves de change s'est sensiblement dégradée : vingt-six Etats ne satisferont pas au critère minimal du FMI d'un coussin équivalant à trois mois d'importations en 2025. «La contrainte extérieure demeure un fardeau majeur pour les économies les plus vulnérables», souligne le rapport, appelant à une maîtrise accrue des dépenses et à une mobilisation accrue des ressources intérieures. Une dette publique toujours élevée et disparate En dépit d'un ralentissement de la trajectoire ascendante, la dette publique centrale en Afrique devrait se stabiliser légèrement au-dessus de 55 % du produit intérieur brut (PIB) à l'horizon 2029, en baisse par rapport à un pic proche de 63 % atteint en 2020. L'analyse de viabilité repose désormais sur un arsenal d'indicateurs rigoureux, au premier rang desquels figurent les ratios dette/PIB et dette/exportations pour la solvabilité, et service de la dette/recettes et service de la dette/exportations pour la liquidité. Le rapport avertit que «plus de 60 % des pays africains dépasseront en 2025 le seuil de 50 % de dette publique par rapport au PIB», seuil de prudence défini par le Cadre de viabilité de la dette (DSF) du FMI et de la Banque mondiale. Des Etats tels que le Ghana, le Cap-Vert et le Soudan excéderont même les 100 %, accentuant les inquiétudes relatives à la soutenabilité de leur dette. En comparaison, le Maroc, bien que classé parmi les premiers débiteurs du continent, présente une position relativement contenue. Toutefois, sa forte exposition aux créanciers privés et sa dépendance aux marchés extérieurs l'obligent à faire preuve de vigilance. «Les Etats qui engageront des réformes substantielles — réduction des subventions, discipline budgétaire, mobilisation accrue de l'impôt — seront les mieux placés pour retrouver une trajectoire viable», conclut Afreximbank.