La Minurso a été conçue en 1991 comme l'instrument de mise en œuvre du Plan de règlement alors adopté, avec un mandat centré sur la supervision du cessez-le-feu et sur l'organisation d'un référendum. La réalité est que le mandat de cette mission est devenu obsolète dans ses fondements, étant donné que le référendum n'est plus à l'ordre du jour et que le cessez-le-feu a été violé par le polisario. Mais le secrétaire général des Nations unies tient à son maintien, car, estime-t-il, elle reste pour l'ONU une source d'informations précieuse. Elle est le symbole visible de la volonté de l'ONU «de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au conflit du Sahara». Depuis 2002, le Conseil de sécurité s'est stabilisé sur une formule constante appelant à une solution politique réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable, fondée sur le compromis. Dans ce langage, l'option référendaire est devenue caduque et le plan marocain d'autonomie s'est progressivement imposé comme la base crédible et sérieuse la plus conforme à ces critères. L'idée d'une mission de l'ONU qui aurait pour tâche d'assister les parties à la négociation d'un statut d'autonomie au Sahara marocain constituerait indéniablement un tournant. Elle reviendrait à substituer à la logique du référendum, théoriquement au cœur de la Minurso, une logique de négociation encadrée par l'ONU sur l'autonomie. Son mandat serait limité à la seule facilitation de ce processus. Il est donc essentiel de rappeler que la création éventuelle d'une mission nouvelle aurait pour objet d'accompagner une décision préalable du Conseil de sécurité validant l'autonomie comme cadre de règlement. En apparence, cela correspond à la position d'un grand nombre de pays, qui estiment que le plan marocain d'autonomie est la seule base sérieuse et crédible de règlement. Pour le Maroc, ce serait la confirmation visible d'une transition, passant du simple énoncé d'une «solution politique» à sa traduction dans les faits par une autonomie institutionnalisée. Le signal politique est fort et consacre l'échec de la thèse des adversaires de notre intégrité territoriale. Cependant, plusieurs niveaux de lecture s'imposent. Risques Les risques inhérents à ce type d'exercice ne sont pas négligeables. La création d'une mission d'assistance serait indéniablement une intrusion potentielle dans des questions relevant de la souveraineté exclusive du Royaume et impliquerait un droit de regard sur des domaines internes hautement sensibles. Autant de sujets que le Maroc entend traiter dans un cadre constitutionnel national maîtrisé. Confier à une mission onusienne un mandat, fût-il de facilitation, qui porte sur un domaine régalien pourrait être perçu comme une mise sous tutelle procédurale. D'autre part, le risque d'une prolifération bureaucratique est bien réel. Comme pour toute mission onusienne, la tentation existe de bâtir une véritable galaxie de structures parallèles en multipliant sous-comités, groupes de travail et mécanismes divers, au prix d'un alourdissement des procédures. Il n'est pas non plus exclu que le responsable de la mission se prenne à se rêver en haut-commissaire tout-puissant de l'ONU, quitte à outrepasser les limites de son mandat. L'exemple de Christopher Ross reste à cet égard éclairant : à l'étroit dans son rôle de simple facilitateur, il avait cherché à s'attribuer des compétences que son mandat ne lui conférait pas. Staffan de Mistura, dans son exposé devant le Conseil de sécurité en octobre 2024, a estimé que le plan marocain d'autonomie avait créé «une attente, peut-être même un droit, de mieux comprendre ce que ce plan implique». Un «droit», selon lui, pour «les populations concernées», pour le Conseil de sécurité et, a-t-il cru pouvoir ajouter, «pour les pays qui ont exprimé leur soutien à l'initiative». On le voit, le risque existe, lorsqu'un mandat limité est confié à une mission onusienne, que certains de ses responsables soient tentés d'en élargir l'interprétation. Une telle évolution conduit à une extension implicite des prérogatives au-delà de ce qui a été consenti, créant ainsi une source de malentendu et de tension. Enfin, il n'est pas sûr, au moment où le président Trump entend diminuer le budget alloué aux opérations de maintien de la paix, que les Etats-Unis, principal pourvoyeur de fonds, soient disposés à consentir à une création nouvelle. Pourquoi une nouvelle mission ? Deux options peuvent être envisagées quant au cadre des négociations : – Soit elles seront menées sous la houlette et la supervision de l'ONU ; – Soit elles auront lieu sous l'égide de co-parrains, les Etats-Unis et la France par exemple. Dans le premier cas, la nécessité de créer une nouvelle mission n'est pas évidente, alors que l'envoyé personnel du secrétaire général dispose déjà du mandat politique pour superviser les négociations, en coordination avec les parties et sous l'égide du conseil de sécurité. Au besoin, l'ONU peut lui apporter le soutien administratif nécessaire et lui adjoindre une équipe restreinte. Car, de quoi s'agit-il exactement ? Le Maroc a présenté une proposition d'autonomie, et ce sera l'objet exclusif des négociations. La création de la Minurso avait suivi l'adoption du Plan de règlement de 1991 et le mandat qui lui avait été confié s'insérait dans le cadre de la mise en œuvre du Plan (supervision du cessez-le-feu, organisation d'un référendum). La démarche avait du sens, dès lors que le Maroc, en toute logique, ne pouvait pas assumer ces deux missions. Aujourd'hui, en revanche, il peut parfaitement recevoir les observations ou suggestions de l'autre partie – ou des autres parties – et y répondre. Les parties ont seulement besoin d'un modérateur neutre. De Mistura pourrait parfaitement se voir confier cette tâche par le conseil de sécurité selon des termes de référence clairs et limitativement déterminés. Un tel choix permettrait au Maroc de rester dans un cadre maîtrisé et resserré, évitant toute dérive. Ce serait l'assurance que le processus demeure sous un contrôle politique rigoureux, sans risque de débordement. Dans la deuxième hypothèse, ce seront les co-parrains qui serviront de facilitateurs. Le Maroc a longtemps pâti des agissements de certains cadres de la composante politique de la Minurso, qui avaient tendance à se comporter comme en terrain conquis. La Mission a tout fait pour élargir son mandat. Elle continue du reste à protester, se plaignant de l'absence «d'accès à des interlocuteurs locaux à l'ouest du mur de sable», et de l'obligation qui est faite à ses personnels de respecter la loi marocaine (plaques d'immatriculation des véhicules, cachets sur les passeports). Plusieurs voix au Maroc se sont régulièrement élevées pour réclamer le «départ» de la Minurso. Il est donc légitime de s'interroger sur l'utilité réelle d'une nouvelle mission, qui pourrait reproduire les mêmes problèmes. À ce stade, l'attitude la plus sage consisterait à laisser la Minurso mourir de sa belle mort, sans lui prévoir de successeur.