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Afrobarometer décrit une couverture médicale en expansion au Maroc mais un accès aux soins entravé par la corruption, les déserts médicaux, les coûts et l'insuffisance des infrastructures
Sept Marocains sur dix (71 %) déclarent bénéficier d'une couverture médicale, dont plus de la moitié (56 %) par l'assurance maladie obligatoire (AMO), mais près de trois quarts (73 %) demeurent inquiets de ne pas pouvoir se soigner ou financer les traitements nécessaires, selon le rapport Afrobarometer Dispatch No. 1044. Malgré un taux de satisfaction élevé parmi les assurés (86 %), près d'un quart des non-assurés (23 %) expliquent leur situation par un coût jugé insoutenable. Plus d'un usager sur deux (52 %) ayant fréquenté un établissement public au cours des douze mois précédents déclare avoir eu du mal à obtenir les soins requis, et 37 % reconnaissent avoir dû verser un pot-de-vin ou offrir un cadeau pour être soignés. L'étude révèle également que 95 % des patients évoquent des délais d'attente excessifs, 85 % déplorent l'absence de personnel ou l'impossibilité de financer les traitements, 81 % dénoncent le manque de médicaments et 79 % l'état dégradé des infrastructures. En conséquence, 54 % des citoyens affirment avoir renoncé, eux ou un proche, à un médicament ou à un soin nécessaire au moins une fois dans l'année écoulée, tandis que 58 % estiment que le gouvernement échoue à améliorer les services de santé de base. Le rapport Afrobarometer Dispatch No. 1044 publié le 11 septembre, dévoile les perceptions des Marocains concernant l'accessibilité et la qualité des soins de santé. Cette enquête, menée par Global for Survey and Consulting en février 2024 auprès de 1 200 adultes représentatifs, affiche une marge d'erreur de ±3 points à un degré de confiance de 95 %. Elle révèle que, malgré une couverture médicale étendue, de nombreux citoyens nourrissent de profondes inquiétudes face aux difficultés financières, aux insuffisances des structures publiques, aux déserts médicaux et à l'efficacité des politiques sanitaires. Couverture médicale et inquiétudes sociales Le texte rappelle que l'Organisation mondiale de la santé définit la couverture sanitaire universelle (UHC) comme l'assurance pour toute personne de bénéficier d'un ensemble complet de services de santé, au moment et à l'endroit requis, sans se heurter à des difficultés économiques. Le document précise que «le Maroc œuvre à la mise en place de cette couverture depuis 2005, en élargissant progressivement l'assurance maladie obligatoire (AMO), afin de garantir une assurance de base subventionnée à l'ensemble des citoyens». Le document constate que «malgré des progrès notables sur de nombreux indicateurs, la mise en œuvre de soins de qualité demeure un défi en raison du manque de services en milieu rural, d'une pénurie de ressources humaines, d'un financement insuffisant et d'une répartition inefficace des moyens». Le rapport ajoute que, selon l'indice de couverture des services de l'Organisation mondiale de la santé, le Maroc a obtenu en 2021 une note de 69 sur 100, proche de la moyenne mondiale (68) et parmi les meilleures d'Afrique. L'étude souligne que «sept Marocains sur dix (71 %) déclarent bénéficier d'une couverture médicale». Parmi eux, la majorité (56 %) est affiliée à l'assurance maladie nationale, tandis que 19 % relèvent de compagnies privées, 14 % de régimes du secteur public et 11 % de structures communautaires. Le rapport note encore que «près de neuf assurés sur dix (86 %) se disent satisfaits de leur couverture». Cependant, pour les 29 % dépourvus d'assurance, le texte précise que «la principale raison avancée est le coût, cité par 23 % des répondants». D'autres évoquent la complexité de la procédure d'adhésion (17 %), l'ignorance de l'existence de tels régimes (13 %), ou encore l'absence de confiance dans les dispositifs proposés. Ces obstacles, selon les rédacteurs, pèsent plus lourdement sur les plus pauvres et sur les habitants des campagnes : «33 % des citoyens les plus défavorisés et 30 % des ruraux déclarent ne pas pouvoir s'offrir une couverture». Le rapport observe que «les inquiétudes liées aux dépenses de santé demeurent omniprésentes». Trois quarts des sondés (73 %) avouent redouter de ne pas pouvoir accéder à des soins ou les financer en cas de maladie : 45 % se disent «modérément inquiets», 28 % «très inquiets», 19 % «un peu inquiets» et seulement 8 % «pas du tout inquiets». Ces craintes se manifestent de manière différenciée selon le sexe, l'âge et le lieu de résidence. L'enquête relève que «les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer être très inquiètes (31 % contre 26 %), tout comme les citadins par rapport aux ruraux (34 % contre 26 %)». Elle ajoute que «l'intensité de l'anxiété croît avec l'âge, de 25 % chez les 18-35 ans à 32 % chez les plus de 56 ans». Enfin, concernant le rôle de l'Etat, les rédacteurs constatent que «près de la moitié des citoyens (48 %) estiment que le gouvernement doit garantir un accès universel à des soins adéquats, même si cela implique une hausse des impôts». Toutefois, 37 % rejettent cette option et 12 % s'abstiennent de se prononcer. L'étude note que «le soutien à la couverture universelle est plus marqué chez les hommes (50 % contre 45 % chez les femmes), dans les campagnes (52 % contre 40 % en ville), chez les diplômés du supérieur (53 %) et les plus aisés (57 %)». Dysfonctionnements dans les établissements publics et perception des politiques L'expérience concrète des Marocains avec le système de santé publique occupe une place centrale dans le rapport. Les enquêteurs ont constaté qu'«une clinique ou un dispensaire, public ou privé, se trouvait dans 89 % des zones de recensement». Néanmoins, la proximité géographique ne garantit pas l'accès effectif aux soins. Le texte précise que «42 % des répondants affirment avoir eu un contact avec un hôpital ou une clinique publique au cours des douze mois précédant l'enquête». Parmi eux, plus de la moitié (52 %) déclarent avoir rencontré des difficultés pour obtenir les services requis, dont 9 % qui parlent de difficultés «très grandes». La proportion de ceux qui jugent l'accès aisé progresse avec le niveau d'éducation et le revenu : «seuls 28 % des personnes sans scolarité trouvent les soins accessibles, contre 59 % de celles ayant suivi des études supérieures». Un chiffre particulièrement préoccupant ressort de l'étude : «37 % des usagers déclarent avoir dû verser un pot-de-vin, offrir un présent ou rendre un service pour obtenir les soins nécessaires». Les problèmes rencontrés sont généralisés. Le rapport indique que «95 % des usagers citent des temps d'attente excessifs, 85 % se plaignent de l'absence de personnel médical, 85 % dénoncent des coûts prohibitifs, 81 % évoquent un manque de médicaments ou de matériel, et 79 % soulignent le mauvais état des infrastructures». Ces insuffisances ont des conséquences concrètes : «plus de la moitié des répondants (54 %) déclarent avoir dû, eux-mêmes ou un membre de leur famille, se passer de médicaments ou de soins au moins une fois durant l'année écoulée». Le texte relève que cette privation, après un recul entre 2015 et 2021, a de nouveau atteint en 2024 des niveaux comparables à ceux enregistrés une décennie plus tôt. La santé figure d'ailleurs au cinquième rang des préoccupations majeures exprimées par les citoyens. Selon l'enquête, «34 % des sondés placent l'amélioration des soins parmi les trois priorités du gouvernement». Elle se situe derrière le chômage (60 %), la sécheresse (50 %), la hausse du coût de la vie (50 %) et l'éducation (38 %), mais devant la pauvreté (12 %), l'insécurité (7 %) et la corruption (6 %). L'évaluation de l'action gouvernementale demeure sévère : «58 % des Marocains jugent que le gouvernement gère mal l'amélioration des services de santé de base, contre 42 % qui considèrent qu'il s'en acquitte correctement». L'enquête révèle des écarts sensibles selon le niveau d'éducation et le statut économique : «47 % des diplômés du supérieur se montrent relativement satisfaits, contre 37 % à 40 % des moins instruits». De même, «les plus pauvres sont douze points de moins que les plus aisés à juger favorablement l'action publique (34 % contre 46 %)». La confiance dans le ministère de la Santé est mitigée. Le rapport observe que «58 % des citoyens disent lui faire confiance en partie ou beaucoup, tandis que 42 % expriment peu ou pas de confiance». Enfin, l'étude interroge la perception de la vaccination des enfants. Elle montre qu'«une large majorité (74 %) estime que les parents doivent être obligés de faire vacciner leurs enfants contre des maladies telles que la rougeole ou la polio». Seul un quart des sondés considère que cette décision doit rester libre. Les taux de soutien sont légèrement supérieurs en zone urbaine (77 %) qu'en zone rurale (72 %), et plus élevés parmi les tranches d'âge supérieures (76 % à 77 %) que chez les jeunes adultes (70 %). Le rapport conclut que, même si la couverture médicale s'étend, «les lacunes du système – difficultés d'accès, corruption, coûts prohibitifs, manque de ressources humaines et pénuries – entretiennent une inquiétude généralisée dans la population». Le document estime que «remédier à ces carences, au-delà de l'amélioration de l'état de santé de la population, permettrait aussi au gouvernement de regagner l'approbation du public».