La guerre de Gaza met à l'épreuve la reprise des relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv, lesquelles demeurent remarquablement stables, souligne Carnegie Endowment dans un papier. L'expansion des frappes israéliennes au-delà de Gaza a nourrit une réprobation intense au sein de l'opinion publique marocaine où de nombreuses voix exhortent le gouvernement à réviser ce rapprochement. L'analyste Sarah Yerkes observe que «fin octobre 2023, le Maroc a temporairement fermé le bureau de liaison israélien à Rabat et suspendu les vols directs vers Tel-Aviv, mais les relations économiques et militaires ont poursuivi leur cours, parfois avec un accroissement notable.» À la suite de l'attaque israélienne contre le Qatar, Mme Yerkes précise que le ton de Rabat, bien que plus marqué que par le passé, demeure mesuré comparé aux déclarations vigoureuses émises par d'autres capitales arabes. Mme Yerkes souligne que les liens Rabat-Tel Aviv s'explique par les priorités stratégiques marocaines. Elle indique que «la reprise des relations avec Israël a procuré au Maroc des avantages économiques, des accords d'armement et des coopérations techniques, tout en préservant le lien avec Washington.» Elle rappelle également que «le royaume chérifien ne se considère pas partie aux accords d'Abraham mais la reprise des relations et la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara occidental en décembre 2020 étaient des annonces majeures» Cette décision, prise dans les derniers jours du premier mandat de Donald Trump, a conduit plusieurs pays européens et africains à s'aligner sur la position marocaine. «Rompre avec Tel-Aviv pourrait affecter le soutien américain au plan d'autonomie,» croit-elle savoir. Mme Yerkes insiste sur le fait que «le partenariat avec Washington dépasse largement la seule question du Sahara.» Elle rappelle que «le Maroc a été le premier Etat à reconnaître l'indépendance des Etats-Unis en 1777, demeure un allié stratégique hors OTAN et accueille le premier accord de libre-échange américain sur le continent africain.» Elle conclut que «malgré les manifestations croissantes au Maroc, les bénéfices tirés de la reprise des relations et de l'alliance avec Washington l'emportent pour l'heure.» Enjeux régionaux et menace pour la stabilité Carnegie Endowment for International Peace relève qu'«Israël a, depuis le 7 octobre, porté atteinte à la souveraineté de l'Iran, du Liban, des territoires palestiniens occupés, de la Syrie, du Yémen et désormais du Qatar.» M. Muasher observe que ces actions, conjuguées aux déclarations israéliennes sur l'annexion de la Cisjordanie, posent une question fondamentale : «Israël cherche-t-il la paix ou l'annexion ? Les deux sont incompatibles.» Selon M. Muasher, «la proclamation de M. Netanyahou en faveur d'un Grand Israël ne saurait être interprétée comme un simple propos rhétorique». La coalition israélienne actuelle poursuit l'objectif de «soumettre les territoires occupés et expulser autant de Palestiniens que possible.» La situation humanitaire est qualifiée d'«insoutenable à Gaza et de plus en plus critique en Cisjordanie, où les colons opèrent sous le regard de l'armée israélienne.» Fermeté du Maroc face aux déclarations et pratiques israéliennes Le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a mis en garde contre «les propos concernant l'occupation de Gaza et la déportation des Palestiniens sont dangereuses et inacceptables, [qui] doivent être traitées avec la fermeté et la rigueur nécessaires.» Dans une déclaration à l'issue d'une retraite de haut niveau sur l'avenir des relations euro-méditerranéennes, M. Bourita a précisé que «le danger de ces propos affecte les civils à Gaza et touche également la stabilité des pays voisins et celle de la région.» Le chef de la diplomatie marocaine a ajouté que «la position de Rabat, sous la conduite du roi Mohammed VI, président du Comité Al Qods, consiste en une condamnation ferme et un rejet catégorique de ces déclarations provocatrices», rappelant qu'elles constituent non seulement «une violation du droit international et humanitaire, mais également une atteinte aux fondements de la stabilité régionale.» M. Bourita a enfin souligné que «le recours à la famine et le ciblage de civils, y compris les journalistes et les innocents, interpelle la conscience humaine avant d'interpeller le droit international», et réaffirme l'engagement du Maroc à ce que «la solution à deux Etats demeure la seule perspective viable pour un Etat palestinien aux frontières de 1967, avec Al Qods-Est pour capitale».