Bilan d'étape de l'action gouvernementale: L'opposition alerte sur les lacunes    Sommet des engrais de Nairobi: Bourita rencontre des chefs de délégation    Bilan mi-mandat: la majorité salue un « succès », l'opposition questionne son impact    L'Espagne déroule le tapis rouge à Abdellatif Hammouchi lors de l'anniversaire de la police nationale    L'ex-ambassadeur de Côte d'Ivoire au Maroc Idrissa Traoré décoré du Grand Cordon du Wissam Alaouite    La sécurité alimentaire, priorité stratégique de la politique africaine de SM le Roi    Mi-mandat gouvernemental : Aziz Akhannouch face à une opposition critique    « Douar Tour » : Bank Al-Maghrib et la Banque mondiale ciblent quatre régions    Moroccan Logistics Awards 2024 : quatre entreprises primées    Algérie : En précampagne électorale, Tebboune présente son bilan aux généraux de l'armée    OTAN : Cameron appelle les membres de l'Alliance à augmenter leurs dépenses militaires    Russie : Les forces nucléaires "toujours" prêtes au combat    Vendredi sera le 1er jour du mois Dou al-Qiida 1445    Demi-finale League Europa Conférence : El Kaâbi finaliste et premier buteur de la compétition    Coupes interclubs de la CAF : Le règne sans partage des Nord-Africains, Berkane dans le gotha    Adoption du projet de décret sur la carte d'handicapé par le Conseil de gouvernement    Tanger: cinq personnes interpellées pour trafic de drogue et de psychotropes    Températures prévues pour le vendredi 10 mai 2024    Moudawana : Vers l'égalité entre toutes les franges de la société    Sommet des engrais au Kenya : Les propositions du Maroc aux pays africains    Des légendes des échecs à Casablanca pour le centenaire de la Fédération internationale    Mehdi Sekkouri Alaoui reconduit à la tête de la FMPS jusqu'en 2027    Algérie : La FAF devant le TAS pour un impayé de 200 000 euros    Une première historique : le Maroc sera représenté dans quatre finales continentales    NASA : Un astéroïde "de la taille de la Pyramide de Gizeh" va s'approcher de la terre ce jeudi    Tindouf : l'anarchie sous le patronage du polisario et de l'Algérie    Le Maroc, rempart stratégique contre l'instabilité du Sahel    Action politique : exigence de l'amélioration et nécessité de s'élever    Le temps qu'il fera ce jeudi 9 mai 2024    Des courts métrages marocains à la troisième édition du festival international "Fimto Art" du Caire    Kamal, le héros de Samhini, dévoile sa passion pour le Maroc    La Côte d'Ivoire modernise sa douane    Gabon. Un Comité pour une nouvelle constitution    Free heritage days offer guided tours to discover Casablanca's rich history    Algerian president puts the Palestinian issue on an equal footing with the Sahara conflict    Algérie : Tebboune et Chengriha parle du Maroc comme principal menace    Corée du Sud : Un demandeur d'asile marocain dédommagé à 7 500 $ pour traitement inhumain    Festival Meknès de la fiction TV 2024 : La SNRT remporte les meilleurs Prix    Angola. Les commissions nationales africaines de l'UNESCO se réunissent    France : Epinay-sur-Seine célèbre le Maroc avec une Semaine Culturelle dédiée    Casablanca : découverte du Patrimoine Rural à l'Instituto Cervantes    San Francisco : Ghita Mezzour se réunit avec OpenAI    Formation dans le secteur du bâtiment: Lafarge Holcim et l'OFPPT signent un partenariat    Lever de rideau à Rabat sur le 29ème Salon international de l'édition et du livre    Marchés publics : le nouvel Observatoire aura du pain sur la planche !    Effets secondaires d'Astrazeneca : première réaction officielle du gouvernement    Avant dernier tour. Eliminatoires. Mondial féminin U17. 2024: MAROC-Algérie, horaire et chaine ?    Mawazine Rythmes du Monde 2024 : Un festival aux accents internationaux    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Chine : un autre regard sur «l'éléphant qui entre dans la pièce» [Par Eric Besson]
Publié dans Challenge le 05 - 02 - 2024

Dans sa chronique, Eric Besson remet en question le « China bashing » qui s'est développé dans les médias occidentaux en raison de convictions, d'ignorance ou en réaction à la propagande communiste.
« Par conviction, par ignorance ou en réaction à la propagande communiste, le ''China bashing'' s'est peu à peu imposé dans nombre de médias occidentaux ». Or, « non, le Parti communiste ne contrôle pas tout dans l'Empire du milieu. Non, la Chine n'est pas une immense prison à ciel ouvert. Non, la censure n'a pas lobotomisé les Chinois. Si le pays doit faire face à d'immenses problèmes aussi bien politiques, économiques, démographiques qu'environnementaux, les progrès qu'il réalise depuis une trentaine d'années sont stupéfiants et sautent aux yeux, y compris au fin fond des campagnes. » Pékin et Shangaï ? « Des villes qui offrent un réel confort de vie », « dotées d'infrastructures dernier cri, impeccables, beaucoup moins polluées qu'une décennie plus tôt, silencieuses (grâce aux véhicules électriques), totalement sûres », grâce à des caméras omniprésentes.
Lire aussi | La guerre des cerveaux a commencé [Par Eric Besson]
L'auteur de ces lignes n'est pas un porte-parole chinois mais un journaliste du journal Le Monde, Frédéric Lemaître, qui, comme l'indique le titre de l'ouvrage, a passé « Cinq ans dans la Chine de Xi Jinping » (Editions Tallandier, 2024) et en dresse un portrait étonnant. Le livre n'élude aucun des reproches ou griefs que les démocrates occidentaux, notamment, adressent à la Chine et à son pouvoir autoritaire, qu'il s'agisse de la censure, du statut des opposants, du sort des minorités ou du retour du culte de la personnalité. Mais le livre n'est pas centré sur ces questions et son originalité réside dans le parti-pris de l'auteur : il ne s'agit pas d'un essai géopolitique, même si Frédéric Lemaître est bien conscient du « basculement de la planète », provoqué par l'affirmation de la grande puissance chinoise : « La Chine est l'éléphant qui entre dans la pièce. Elle fascine et inquiète ». Sera-t-elle, en 2049, la puissance mondiale dominante comme l'avait prédit son Président, Xi Jinping ? Le journaliste du Monde avoue humblement qu'il n'en sait rien et ne hasarde même pas à un quelconque pronostic : « J'ignore si, demain, la Chine dominera le monde ou si elle va s'effondrer sous peu ». Ce qu'il nous propose est donc plutôt une « balade sur le pachyderme », truffée d'histoires de la vie quotidienne chinoise. Une balade d'accès facile, agréable à lire.
L'éléphant chinois se méfie du monde occidental, lui conteste son caractère démocratique, prétend bâtir avec les pays dit « non-alignés » ou du « Sud global » un nouvel ordre international. Sa lecture de l'histoire est donc diamétralement opposée à celle des Occidentaux. A l'image de l'héritage de Mao. Pour les Occidentaux, il incarne l'échec du développement et les millions de morts du « Grand Bond en avant » (1958-1962) puis de la « Révolution culturelle » (1966-1976). Pour les Chinois, nous dit l'auteur, il en va bien autrement : « Pour eux, Mao est surtout l'homme qui a rendu sa fierté à la Chine en la repositionnant comme une grande puissance mondiale ». Même les architectes étrangers et leurs « bâtiments bizarres » n'ont plus la cote dans la Chine de Xi Jinping. Il est vrai que le numéro 1 chinois rappelle régulièrement que l'art, en Chine, doit « diffuser les valeurs chinoises contemporaines, incarner la culture chinoise traditionnelle et refléter l'activité esthétique du peuple chinois ». Anecdote savoureuse rapportée par l'auteur : « chacun sait que Xi déteste le siège de CCTV, la télévision d'Etat, ces tours construites par l'architecte néerlandais Rem Koolhaas de 2004 à 2009 à l'est de la capitale et que les Chinois surnomment le « Grand Pantalon ». Ce bâtiment est devenu iconique, les Chinois adorent se faire prendre en photo devant lui, mais Xi refuse d'y mettre les pieds et quand il doit se rendre à CCTV, il opte pour des bureaux et des studios bien plus classiques à l'ouest de la ville ».
Lire aussi | Entre la Chine et la Russie, une «amitié sans limite» [Par Eric Besson]
La population chinoise, elle, ne rejetterait pas le monde occidental, ses valeurs ou son mode de vie mais ce serait plutôt « un lent désamour » : l'Occident « continue d'intéresser les Chinois mais ne les fait plus forcément rêver ». D'autant que la propagande chinoise fait son miel des « débats autour du Brexit en Grande-Bretagne, la violence par armes à feu aux Etats-Unis, les mouvements sociaux en France... ». Quelques éléments du soft power américain, par exemple les matchs de basket de la NBA ou les films d'Hollywood, au moins ceux qui ne sont pas censurés, continuent d'attirer les Chinois. Et certaines enseignes, comme Starbucks, KFC, Apple stores ou les marques de luxe française y sont aussi valorisées. Mais pour les automobiles, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour les voitures locales « désormais tout aussi performantes et moins chères ».
Les Chinois ont à présent « le culte de la modernité ». Ils sont fiers de leur application WeChat : « équivalent à la fois de Facebook, de WhatsApp et d'Amazon, elle est l'incontournable sésame pour communiquer, faire ses achats en ligne et payer toutes ses dépenses ». Un outil de contrôle social aussi : « il arrive à WeChat de bloquer les comptes des « mauvais citoyens » un jour ou deux. Sans raison ni préavis ». Ils sont aussi fiers de leurs trains à grande vitesse : « long de 42.000 kilomètres et en constant développement, le réseau chinois est d'ores et déjà le plus important au monde ». Des trains décrits comme « ponctuels, d'une propreté impeccable et peu onéreux ».
Les dirigeants chinois entendent « faire de la Chine un pays aussi, voire plus, innovant que les grands pays occidentaux ». Résultat : selon un rapport australien, « la Chine domine 37 secteurs sur 44 technologies clés, loin devant les Etats-Unis qui dominent les 7 autres ». La Chine avance d'autant plus vite que ses chercheurs ne sont pas entravés par une régulation contraignante ou des règles de prudence que de nombreux pays occidentaux s'efforcent de respecter : « rien n'est plus étranger à la Chine que le principe de précaution. Dans l'empire du milieu, on innove d'abord, on régule après ». Cette foi dans le progrès technique, qui conduit le Président chinois à s'entourer de nombreux ingénieurs et techniciens, conduit l'auteur à affirmer : « Mao régnait sur une nation de paysans miséreux. Deng Xiaoping les a transformés en ouvriers et petits-bourgeois. Xi, lui, veut faire de leurs enfants un peuple d'ingénieurs ».
Lire aussi | Dans la tête de Xi Jinping, le «Président de tout» [Par Eric Besson]
Malgré les difficultés et turbulences actuelles, le décollage économique et social de la Chine, mesuré sur les deux dernières décennies, est incontestable. Qu'on en juge : « Au début du XXIe siècle, un Chinois n'était pas plus riche qu'un Sri-Lankais. Le produit intérieur brut (PIB) chinois par habitant était inférieur à 1000 dollars (889 euros), trente-six fois moindre que son équivalent américain (36.334 dollars). En 2022, le premier atteint 12.500 dollars et l'écart n'est plus que de un à six. Autre comparaison édifiante : lorsque la Chine a adhéré à l'OMC, en 2001, son poids économique était comparable à celui de la France. Aujourd'hui elle pèse davantage que l'ensemble de la zone euro et pourrait, selon certaines estimations, dépasser les Etats-Unis avant la fin de la décennie. Et l'espérance de vie, qui n'était que de 35 ans en 1949, a plus que doublé, atteignant aujourd'hui 77 ans. Davantage qu'aux Etats-Unis ».
« L'Airpocalypse c'est fini ». Selon Frédéric Lemaître, il faut en finir avec l'image de villes terriblement polluées, à l'air irrespirable, qui colle à la Chine et à ses principales agglomérations, Pékin et Shangaï notamment. La pollution, nous dit-il, a nettement diminué, les centres-villes sont moins denses et dotés de nombreux espaces verts, la biodiversité est mieux protégée, les zones humides restaurées, les rivières beaucoup plus propres etc. Plus connu : la Chine est devenue championne des énergies renouvelables : elle a « investi 495 milliards de dollars dans les énergies renouvelables en 2022, ce qui représente 55% des investissements mondiaux réalisés dans ces secteurs ». La Chine est-elle pour autant devenue le nouveau paradis vert ? Non. Son talon d'Achille reste le charbon : « le problème est que, championne des énergies vertes, la Chine reste « accro au charbon » ». De ce fait, elle reste très fort émettrice de dioxyde de carbone ; mais « Pékin s'est engagée à atteindre le pic d'émission avant 2030 et à parvenir à la neutralité carbone avant 2060. Le chemin qui lui reste à parcourir est considérable ».
Autre affirmation à contre-courant alors que « nombre d'Occidentaux voient la Chine comme une immense prison dont les habitants rêvent de s'échapper » : selon l'auteur, « rien n'est plus faux. La plupart des Chinois sont en fait satisfaits de leur sort ». Un indice parmi d'autres : « chaque année, des centaines de milliers de Chinois entreprennent des études supérieures à l'étranger ». « Une migration dont se félicite le Parti communiste » chinois. Or, « l'immense majorité, qu'ils soient étudiants ou touristes, rentre désormais au pays. Par choix ». « Sans nécessairement approuver l'ensemble de la politique menée par le Parti communiste, ils estiment que, tout compte fait, les avantages l'emportent sur les inconvénients ». De façon cohérente, « leur opinion est étroitement corrélée à leurs conditions de vie matérielle ». Plus marquant encore : selon une étude réalisée par l'European Council of Foreign Relations début 2023, « 77% des Chinois interrogés (en ligne) pensent que leur pays est « une vraie démocratie » et que cette dernière est supérieure aux modèles politiques américains et européens ».
Que cela plaise ou non, l'éléphant chinois « est dans la pièce » de la scène internationale, et pour longtemps. Et comme l'écrivit mon parrain, Alexandre Vialatte, dans l'une de ses chroniques : « L'Eléphant est irréfutable ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.