Le secteur a connu une hausse équilibrée des dépôts et des crédits depuis juin 2013. Le déficit entre les deux composantes se stabilise donc à 45 Mds de dirhams, niveau inchangé sur une année. Ce chiffre global cache néanmoins des disparités entre les établissements de crédits. Faut-il s'en inquiéter ? Face aux conservateurs, les modernistes répondent non ! Les dépôts bancaires ont évolué entre juin 2013 et juin 2014 de 4%, un rythme supérieur à celui enregistré entre 2012 et 2013 (3%). En face, les crédits ont augmenté avec un rythme similaire contre 3% entre 2012 et 2013 et 14% sur la période 2006-2012. Cette relative accalmie conduit à un déficit entre dépôts et crédits qui se stabilise autour de 45 Mds de dirhams d'une année à l'autre. A noter que ce différentiel était positif de 103 Mds de dirhams en 2006, avant le déclenchement progressif de la crise de liquidité que l'on connaît. Ce déficit doit bien être comblé par les banques, et c'est pour cette raison qu'on les voit rivaliser d'ingéniosité pour trouver des ressources sur les marchés financiers, lesquels serviront également à répondre aux besoins réglementaires liés à Bâle III et, avant lui, à ce qui est communément appelé les règles avancées de Bâle II. Dans les faits, certaines banques ont choisi de moins se financer par des produits monétaires de court terme, en atteste la baisse de 0,5% des encours de certificats de dépôts, et de moins solliciter les produits de dettes subordonnées qui ont vu leurs encours baisser de 11% à 21,3 Mds de dirhams. Cela s'est fait au profit de dettes classiques, à l'image de celle émise par BMCE Bank et qui a porté sur 300 millions de dollars. La dette classique et les augmentations de capital en numéraire devront d'ailleurs devenir les modes de financement les plus prisés, car ils permettent de respecter le très contraignant ratio de liquidité (LCR) introduit par la réglementation Bâle. Amélioration du ratio de transformation La publication des comptes des banques cotées est l'occasion de suivre de manière semestrielle l'évolution de leur ratio de transformation. Pour rappel, ce ratio était en moyenne de 91% à fin juin 2013, selon la Banque centrale. Il est de 106% à fin juin 2014, alors qu'il atteignait 76% en 2006. Les 106% constatés à fin juin restent tout de même inférieurs aux 108% relevés à fin décembre 2013. Il y a donc détente sur les six derniers mois, mais «aggravation» sur une base semestrielle. Concrètement, un ratio de transformation de 106% signifie que les crédits représentent à fin juin 106% des dépôts des banques. Un chiffre tendu certes, mais qui signifie que les établissements de crédit font leur travail en allant chercher des ressources supplémentaires pour financer l'économie. Comme chaque semestre, il est possible de se pencher sur les ratios individuels des banques cotées pour mesurer les disparités. Afin d'avoir une base de comparaison normalisée, nous allons nous intéresser aux créances sur la clientèle rapportées aux dettes envers la clientèle, en excluant les opérations de financement entre banques. Ainsi, pour Attijariwafa bank, ce ratio était de 105% en 2013, 109% en 2012 et il représente 101,5% à fin juin 2014. La BCP a un ratio de transformation encore plus détendu que celui d'Attijariwafa bank. Il est de 93%, alors qu'il était de 95% en 2013 et ne dépassait pas 91% en 2012. BMCE a, pour sa part, un ratio de 97% à fin juin, en amélioration par rapport à 2013. Pour des banques de tailles intermédiaires comme CIH Bank, le ratio est de 145%, mais en deçà des 154% de 2012. BMCI a, quant à elle, un ratio de 127% contre 121% en 2013. Enfin, Crédit du Maroc affiche un ratio de transformation de 99% ce semestre, alors qu'il touchait la barre des 100% en 2013. La double lecture des banquiers Comme signalé, c'est le rôle premier des banques que de distribuer des crédits et faire de la transformation. Vu la structure de leurs passifs (majoritairement constitués de dépôts à vue), les marges restent confortables. Autre certitude, la vitesse de transformation constatée en 2013 et qui a été modérée pendant ce premier semestre, continue de se faire au prix d'une prise de risque parfois démesurée, avec un coût du risque qui ne cesse d'augmenter. En somme, une situation toujours tendue, mais maîtrisable. D'autres sont plus optimistes et voient dans cette lecture une limitation à la capacité du système. Ils appellent, à l'image du président d'Attijariwafa bank, à libérer ce potentiel. Leur argument est que le coût du risque reste faible par rapport à la capacité bénéficiaire de l'ensemble et que le contentieux demeure tout de même maîtrisé, rapporté à l'encours des créances. Mohamed El Kettani appelle «à comparer ces chiffres à ceux des banques européennes ou les ratios de transformation dépassent les 160% en général». Une situation due à la diversité et à la profondeur des sources de financement du secteur bancaire dans ces économies qui réduisent leur dépendance aux dépôts. Cette année, de prime abord, et grâce à l'atténuation continue des conditions de liquidité, la tendance serait à la stabilisation de ce ratio dans le secteur. Néanmoins, la baisse des taux sur le marché interbancaire devrait quand même pousser les opérateurs à continuer à diversifier leurs sources de financement par rapport aux dépôts classiques. Il sera donc question d'arbitrages serrés, mais nous sommes encore loin d'un modèle qui ne repose pas sur les dépôts représentant encore plus de 60% des passifs bancaires.