Des sources bien informées ont révélé à Hespress une intense mobilisation des services de contrôle de l'Autorité nationale des renseignements financiers (ANRF) et de la Direction générale des impôts (DGI), à la suite d'une vague d'achats rapides et massifs de lots de terrain dans de nouveaux lotissements situés en périphérie de Casablanca, notamment dans le ressort territorial de la province de Berrechid. Ces opérations immobilières ont été jugées suspectes, car elles ont été réalisées en dehors des canaux traditionnels de financement bancaire et des crédits immobiliers classiques. Selon les mêmes sources, plusieurs paiements effectués en espèces, certains atteignant voire dépassant le million de dirhams par lot, ont renforcé les soupçons des organes de contrôle financier. Ces derniers redoutent des tentatives de blanchiment de capitaux à travers des transactions immobilières, ainsi que des mouvements suspects de fonds non déclarés, dissimulés dans le cadre du processus de régularisation fiscale volontaire actuellement en vigueur au profit des personnes physiques, échappant ainsi à la vigilance de l'administration fiscale. Les services de l'ANRF, en coordination étroite avec la Direction générale des impôts, ont lancé des investigations approfondies autour de ces acquisitions douteuses. Parmi les acheteurs visés figurent des élus, anciens et actuels, ainsi que des promoteurs immobiliers puissants. Des déclarations de soupçon ont été transmises à la commission compétente, faisant état d'informations préoccupantes sur la mainmise de certains individus sur un nombre conséquent de lots, alimentant la colère des courtiers et des petits promoteurs immobiliers. Ces derniers se trouvent désormais confrontés à une envolée des prix imposée par les nouveaux propriétaires. Les listes d'achats, de réservations et d'avances révèlent une prédominance de noms de Marocains résidant à l'étranger et au Maroc, ainsi que de membres de leurs familles – épouses et enfants inclus. Les données recueillies soulignent que nombre de ces acquéreurs ne présentent aucun lien résidentiel ou professionnel avec les zones géographiques concernées, appartenant pour la plupart à d'autres villes marocaines, notamment situées dans le nord du Royaume. D'après les informations obtenues par Hespress, les enquêteurs ont constaté au cours de leurs investigations l'implication directe de lotisseurs, de grands promoteurs immobiliers et de notaires dans la cession de terrains à des individus soupçonnés, malgré leur absence d'activité économique déclarée ou de revenus significatifs justifiant les montants payés en espèces lors des étapes de réservation et d'avance. Ces professionnels, bien qu'assujettis aux obligations de la loi 43.05 relative à la lutte contre le blanchiment d'argent, ont manifestement failli à leur devoir de déclaration de soupçon en cas d'opérations suspectes. Les recherches en cours croisent également d'autres enquêtes parallèles, ayant mis en lumière des stratégies mises en place par des narcotrafiquants, lesquels exploitent leurs proches ou relations pour blanchir d'importantes sommes issues de leurs activités illicites. Ces fonds sont investis dans des actifs immobiliers figés via une succession d'achats, atteignant parfois un niveau de quasi-monopole dans certains lotissements résidentiels récents en périphérie de Casablanca, notamment dans des communes relevant des provinces de Berrechid et de Nouaceur. Par ailleurs, des rapports antérieurs, émis par les services des "affaires générales" des préfectures de la région Casablanca-Settat et adressés aux services centraux du ministère de l'Intérieur, contiennent des éléments précis sur l'implication de présidents de communes dans des pratiques spéculatives suspectes. Ces élus auraient contraint des lotisseurs à leur céder des terrains situés dans des emplacements stratégiques, avant de confier à des entreprises appartenant à des membres de leur famille la construction de bâtiments sur ces lots, lesquels sont ensuite mis sur le marché dans le cadre du programme de soutien direct au logement neuf. Mais les irrégularités ne se sont pas arrêtées là. Certains de ces élus se seraient également adonnés à la spéculation sur les désistements portant sur des réservations de terrains dans des lotissements, réussissant à percevoir des commissions allant de 100 000 à 200 000 dirhams par lot. Les mêmes sources rapportent que les services de la Direction générale des impôts sont récemment entrés en action, après avoir reçu de l'ANRF des informations concernant les activités douteuses de spéculateurs opérant dans les lotissements résidentiels. Cette mobilisation s'explique par la recrudescence des cas de fraude liés à l'évitement de l'impôt sur le revenu au titre des profits immobiliers (TPI), via l'utilisation détournée de bons de réservation dans plusieurs lotissements en périphérie de Casablanca. Il a ainsi été constaté que certains individus ont réservé des dizaines de terrains contre des avances représentant environ 3 % de la valeur des biens concernés. Par la suite, ces personnes ont signé des contrats de désistement avec de nouveaux acheteurs, récupérant leurs avances et engrangeant au passage des bénéfices significatifs. Cette pratique leur a permis de réaliser des profits parfois supérieurs à ceux des lotisseurs eux-mêmes, tout en échappant à l'imposition réglementaire.