Une étude du Policy Center for the New South (PCNS), rendue publique mercredi 20 août, analyse les conséquences de la politique protectionniste des Etats-Unis sur le commerce international. Son auteur, Hung Tran, ancien cadre de l'Institute of International Finance (IIF) et du Fonds monétaire international (FMI), affirme que «le système commercial multilatéral fondé sur des règles, porté par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), se trouve sapé par le délaissement du principe de non-discrimination». Il note qu'en réaction, nombre de pays «resserrent leurs liens commerciaux par des ententes plurilatérales et régionales», conçues comme «des alternatives au multilatéralisme pour restructurer les relations commerciales internationales». Le rapport précise que les mesures américaines du 2 avril dernier ont entraîné une hausse brutale des droits de douane, passés de 2,4 % début 2025 à 18,3 % en août, niveau inégalé depuis 1934. Cette décision s'accompagne d'une «incertitude accrue en matière de politique commerciale». Malgré un moratoire de 90 jours assorti de négociations bilatérales et de quelques ajustements tarifaires, «le commerce mondial s'est scindé en deux régimes distincts»: d'un côté les échanges avec les Etats-Unis, frappés de barrières élevées, de l'autre les échanges entre pays tiers, qui demeurent globalement soumis à des conditions proches de celles antérieures. Face à cette dualité, l'étude constate que «les arrangements plurilatéraux gagnent en pertinence». Ils permettent à un groupe restreint de pays de négocier des règles précises faute de consensus universel. L'échec du Cycle de Doha et la paralysie persistante de l'Organe d'appel de l'OMC depuis 2017 ont donné plus de poids à cette formule. Sont cités l'Accord sur les marchés publics, les discussions sur la réglementation intérieure des services, l'Accord sur les subventions à la pêche ou encore celui sur la facilitation des investissements. Toutefois, l'auteur juge ces instruments «un substitut imparfait au multilatéralisme», incapables de traiter les questions réclamant «des réponses véritablement mondiales». ⸻ Prolifération des accords régionaux et nouvelles orientations des chaînes de valeur Parallèlement, l'étude note que «les accords régionaux de libre-échange connaissent une prolifération marquée». Ces accords, qui établissent des préférences tarifaires entre pays proches géographiquement et culturellement, sont renforcés par une tendance au «rapprochement des chaînes d'approvisionnement vers des économies voisines et alliées». Plusieurs exemples sont cités : l'Union européenne (UE), dont le commerce intra-régional atteint 65 % des échanges de ses membres ; l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), dont le produit intérieur brut a dépassé 4 000 milliards de dollars en 2024 ; l'Accord Etats-Unis-Mexique-Canada (USMCA) ; le Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) ; le Partenariat économique régional global (RCEP) ; et la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), décrite comme «le plus vaste accord de libre-échange régional au monde». Néanmoins, ces arrangements constituent «une dérogation au principe de non-discrimination de l'OMC» et accentuent «la fragmentation du système commercial mondial, le rendant plus complexe, moins transparent et plus coûteux, en particulier pour les pays en développement». Le rapport souligne que si les unions anciennes, telle l'UE, voient leur commerce intra-régional croître moins vite que leurs échanges extérieurs, les plus récentes comme la ZLECAF «offrent un potentiel notable, mais restent entravées par la diversité politique et ethnique et par des infrastructures fragiles». Hung Tran avance qu'il convient désormais «d'approfondir les accords régionaux de libre-échange existants» pour les faire évoluer vers des unions douanières, des marchés communs, voire des unions monétaires. À ce jour, le monde compte seize unions douanières, dont seule celle de l'UE est qualifiée de «complète», et six unions monétaires, telles que l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Zone monétaire commune (ZMC) en Afrique australe. Effets de diversion et tensions accrues sur les producteurs nationaux Le document met en évidence «d'importants effets de diversion et de déviation commerciales». Selon les estimations de l'OMC, «les importations américaines en provenance de Chine devraient chuter de 77 % en 2025». Pékin compense ce recul en intensifiant ses exportations vers d'autres régions : +6 % vers l'Europe et +25 % vers le Mexique et le Canada. Cette réorientation exerce «une pression concurrentielle intense sur les producteurs nationaux de nombreux pays», susceptibles de réagir par «de nouvelles mesures protectionnistes», avec le risque d'une escalade tarifaire mondiale. Enfin, l'auteur conclut que si «la diversion commerciale est manifeste», il demeure incertain «qu'un volume suffisant de nouveaux échanges puisse être généré pour soutenir une croissance vigoureuse du commerce». Le FMI prévoit d'ailleurs un ralentissement du commerce mondial des biens et services, dont le rythme passerait de 3,5 % en 2024 à 2,6 % cette année, puis 1,9 % en 2026. Les Etats, confrontés à ce bouleversement, devront «réorganiser leurs économies et rechercher de nouvelles opportunités pour soutenir leur croissance dans un environnement mondial de plus en plus incertain et difficile».