Les services de l'Inspection générale des finances (IGF) ont récemment accéléré une vaste enquête qu'ils avaient ouverte sur les retards de paiement des créances dues à des entreprises privées, dans le cadre de marchés publics passés au profit d'établissements et d'entreprises publics, a appris Hespress de sources bien informées. Cette enquête intervient dans un contexte de fortes suspicions autour de la perception de «commissions» par certains fonctionnaires en échange de l'accélération du traitement des dossiers. Les inspecteurs se basent, dans leurs investigations en cours, sur des rapports et des plaintes déposées par des entrepreneurs lésés, afin d'examiner des cas de lenteurs délibérées de la part de responsables chargés du règlement et de la facturation, qui ont entraîné de graves difficultés financières pour plusieurs entreprises, allant parfois jusqu'à leur arrêt total d'activité. Selon ces mêmes sources, les inspecteurs des finances ont sollicité les services des achats, de la facturation et des paiements au sein d'un certain nombre d'entités publiques, afin d'obtenir les documents et pièces justificatives relatifs à des marchés publics suspectés d'avoir fait l'objet d'actes d'extorsion de la part de certains responsables avant le traitement de leur règlement. Les investigations ont ainsi révélé l'accumulation d'un volume considérable de marchés restés en attente depuis plusieurs mois. Les soupçons des inspecteurs se sont renforcés à la suite de l'audit de données relatives à des marchés de montants significatifs, pour lesquels les services concernés ont tardé à traiter les factures, ce qui a accentué la détérioration de la situation financière des entreprises concernées, notamment en raison de leurs engagements bancaires, de la nécessité de couvrir des chèques, ou encore d'honorer des traites envers leurs fournisseurs. Les mêmes sources soulignent également que ces opérations de contrôle croisent des enquêtes administratives internes menées parallèlement par certains établissements et entreprises publics impliqués dans des affaires présumées de « chantage » exercé sur des entreprises, en échange d'un visa favorable pour le paiement des prestations réalisées dans le cadre de marchés publics. Ces enquêtes internes portent en particulier sur les écarts constatés entre la situation financière réelle de certains fonctionnaires publics, responsables des services de paiement et de facturation, et le montant de leurs salaires et indemnités mensuelles. Les investigations ont permis d'établir que plusieurs d'entre eux ont accumulé, au fil des années, des fortunes conséquentes, sous forme de biens immobiliers et mobiliers, souvent enregistrés au nom de leurs enfants, épouses ou proches. Ces enquêtes parallèles devraient déboucher sur des sanctions administratives et juridiques, avec la transmission des dossiers des fonctionnaires concernés aux autorités judiciaires compétentes. Il convient de rappeler que le non-respect des délais de paiement dans les transactions commerciales figure parmi les principales entraves qui menacent la pérennité des très petites, petites et moyennes entreprises, tout en affaiblissant leur compétitivité sur le marché national. Les retards dans le règlement de leurs créances, qu'ils proviennent de grandes entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, engendrent de graves difficultés de trésorerie pour ces structures, dont le capital est souvent limité, ce qui compromet leur capacité à couvrir leurs dépenses courantes. Il est à noter que des données antérieures, publiées par l'Observatoire des TPME « Inforisk », ont révélé que le problème des délais de paiement est à l'origine de 40 % des faillites enregistrées au sein des entreprises marocaines, et qu'il a provoqué la cessation définitive d'activité de près de 3.600 d'entre elles. Par ailleurs, les sources de Hespress ont indiqué que les inspecteurs ont constaté, lors de l'examen des documents relatifs aux marchés publics, que plusieurs ordonnateurs et responsables publics n'avaient pas respecté les procédures réglementaires encadrant l'exécution et le règlement des prestations, notamment dans les marchés conclus avec des entreprises faisant l'objet de procédures de traitement des difficultés économiques. Cette situation s'inscrit dans le cadre d'une volonté de protéger les intérêts des maîtres d'ouvrage, notamment dans le cas des marchés divisés en tranches. Les cahiers des charges consultés précisaient que le paiement de chaque tranche était conditionné par la fourniture de documents bien définis, tels que les procès-verbaux de réception provisoire et définitive, ainsi que les « ordres de service ». Pourtant, ces documents ont été, dans certains cas « exceptionnels », volontairement ignorés, dans le but de renflouer les caisses de certaines entreprises « privilégiées».