Jamal Bouzaidi, vice-procureur général près la Cour d'appel de Casablanca, a présenté, ce jeudi, de nouveaux éléments particulièrement révélateurs dans l'affaire dite de la "Villa Californie". Il a affirmé que le bien immobilier n'avait jamais été la propriété de Kacem Belmir, ancien député du Parti authenticité et modernité (PAM) actuellement placé en détention provisoire, avant qu'il ne soit prétendument vendu à Said Naciri, ex-président du Wydad de Casablanca. Dans une plaidoirie dense et détaillée, le magistrat a souligné que "la transaction liée à cette villa est entachée d'un ensemble d'actes délictueux touchant les contrats notariés : aucun prix n'a été réglé et les personnes qui se présentaient comme propriétaires n'avaient pas la capacité juridique de disposer du bien". Il a insisté : "Son transfert a été faussé dès l'origine. Ce qui naît de la falsification reste falsifié, et ces éléments confirment la commission de ce crime par les mis en cause". Évoquant les déclarations de Kacem Belmir, le représentant du ministère public a rapporté que ce dernier aurait affirmé qu'Haj Ahmed Ben Brahim, de nationalité malienne, lui avait demandé de lui indiquer un restaurant servant du couscous à Saïdia, avant de lui proposer de partager le repas à son domicile. Selon Belmir, c'est à cette occasion qu'"Ben Brahim lui aurait demandé de l'héberger dans la villa qu'il possédait à Casablanca". Le magistrat s'en étonne : "Comment pouvait-il savoir que Belmir disposait d'une villa à Casablanca, et encore moins connaître son emplacement ? Cela défie toute logique. Ce récit n'est pas crédible. Il sert uniquement à tenter de dissimuler des faits délictueux avérés". Le vice-procureur général est ensuite revenu sur l'acte notarié établi le 17 juillet 2017 entre Said Naciri et Kacem Belmir, un document qu'il qualifie sans détour de "contrat notarié falsifié". Il a relevé que, selon cet acte, le prix de vente de la villa à Said Naciri correspond exactement à celui auquel Abdenbi Bioui avait cédé le même bien à Kacem Belmir en 2013. "Que six années s'écoulent sans que la valeur de ce bien n'augmente est totalement invraisemblable, d'autant que l'immobilier a connu une forte croissance durant cette période, surtout dans un quartier aussi prisé". Selon Jamal Bouzaidi, ce contrat est frappé de "falsification morale", car le premier acte sur lequel il repose était lui-même fondé sur une procuration falsifiée : "Il est donc nécessairement falsifié à son tour. On pourrait encore discuter de la bonne foi de l'acquéreur, en l'occurrence Said Naciri, si ce n'était le fait qu'il est établi qu'il avait une connaissance complète de la falsification". Le magistrat a également rappelé que la villa avait été acquise par Naciri au nom de la société Prado, dans laquelle son fils est associé. Il a posé une question lourde de sens : "Comment se fait-il que pour la création d'une société dotée d'un capital de seulement 100.000 dirhams on fasse appel à un notaire, tandis que pour l'acquisition d'un bien immobilier d'une valeur de 1,65 milliard de centimes, on se contente d'un document ne portant qu'une seule signature ? Ce papier n'a aucune valeur devant la justice ni même entre les parties puisqu'il n'est pas dûment signé". La liste des éléments troublants ne s'arrête pas là. Le parquet a souligné qu'aucun document n'atteste du dépôt du prix réel de la vente supposée sur le compte du vendeur, et que les chèques utilisés provenaient d'une société dont Naciri était juridiquement détaché depuis 2007. D'après le vice-procureur général, "Naciri est poursuivi pour falsification et usage de chèques parce qu'il savait parfaitement qu'ils avaient perdu toute valeur, la société ayant cessé son activité depuis des années, et son propriétaire légitime ayant confirmé la démission de Naciri". Autre anomalie relevée, le siège de la société Prado est domicilié à la même adresse que la villa elle-même, alors même que cette société n'était censée en devenir propriétaire qu'après sa création le 15 novembre 2017. Jamal Bouzaidi a par ailleurs évoqué une série de déclarations indiquant clairement que "la Villa California" n'a jamais appartenu à Kacem Belmir. Il a notamment jugé incohérent que "la personne hébergée par simple charité puisse se permettre de meubler la villa avec des tapis iraniens fournis par l'intermédiaire de Naciri". Il faisait référence au témoignage d'un vendeur de tapis iraniens, participant à un salon international à Casablanca et n'ayant pas réussi à écouler sa marchandise, auquel Naciri aurait dit connaître quelqu'un cherchant à meubler une villa avec des tapis. En conclusion de sa plaidoirie, le parquet a demandé à la formation présidée par le juge Ali Tarchi de reconnaître les prévenus coupables des faits qui leur sont reprochés, de confisquer les fonds issus des crimes liés aux stupéfiants et de détruire les documents dont la falsification, matérielle ou morale, serait établie par la cour. Il a affirmé que "les actes sont constitués dans toutes leurs composantes à l'encontre des prévenus".