L'instance centrale de la prévention de la corruption a été installée mardi dernier par le Premier ministre. Cette nouvelle institution a pour mission de réfléchir et d'insuffler un nouveau départ à la lutte contre la corruption. Le Maroc a rétrogradé ces dernières années dans l'indice mondial de la corruption. Ce fléau freine l'investissement, contrecarre la construction de l'Etat de droit, sape la confiance des citoyens et des Etrangers. C'est un phénomène éthiquement condamnable, qui est réellement un écueil limitant le développement. Encore faut-il séparer la grande corruption de la petite. La première concerne le milieu des affaires, elle a trait aux marchés publics et à leur transparence, mais aussi à différents passe-droits, qui perpétuent des poches rentières. Cette corruption est économiquement coûteuse. La dépense publique s'en trouve inefficiente à plus d'un titre. Globalement l'Administration paye tout, plus cher que le privé, ce qui est anormal. D'un autre côté, la qualité du service fait laisse souvent à désirer. Un stade qui a coûté treize milliards et qui n'est pas aux normes, des ponts qui tombent à la première pluie entravant la circulation à l'intérieur des villes, des chaussées en permanence rénovées, tels sont les résultats de cette gabegie innommable. La petite corruption, c'est celle dite de proximité. Le policier du rond-point, le gendarme, l'employé de l'Etat civil, celui de la poste ou du tribunal. Elle est la plus insidieuse parce qu'elle touche l'ensemble des citoyens et qu'elle contribue à l'Etat de non droit et à l'incivisme. Les citoyens victimes, sont en fait les corrupteurs. L'existence de la corruption les incite à violer allégrement la loi, à refuser de respecter la queue devant un guichet, à écarter toutes règles de vie commune. C'est l'une des raisons de ce comportement anarchique en société. La nouvelle instance a donc du pain sur la planche. Elle doit bien évidemment décortiquer les procédures et en proposer de nouvelles. A commencer par la législation, qui met au même niveau corrupteur et corrompu, ce qui empêche toute dénonciation après coup. Il faut absolument changer la loi, pour protéger le dénonciateur, qui a dû débourser pour avoir un droit. Le travail le plus difficile est d'ordre culturel. Convaincre le citoyen qu'il ne faut pas rechercher les passe-droits, qu'il faut respecter les règles et qu'il faut assumer la responsabilité de ses actes, le cas échéant, voilà l'enjeu. Car s'il y a des corrompus, et qu'il faut sévir contre eux, il y a aussi énormément de corrupteurs, qui en ont fait un mode de vie. Ce sont des citoyens ordinaires à qui il faut inculquer les règles éthiques. C'est donc une action globale que l'on attend d'une instance qui ne manque pas de compétences pour s'acquitter de sa tâche.