Les premiers coups de pioches sur le site du port Nador West Med ne sont pas pour 2010 et encore moins pour 2011. L'annulation de l'appel d'offres pour l'aménagement de cette nouvelle infrastructure portuaire nationale, dont le marché s'est fait écho la semaine dernière, vient d'être confirmée par l'Agence nationale des ports (ANP), via le ministère de l'Equipement et des transports. «Le processus de consultation relatif au projet de construction du port énergétique et divers de Nador West Med est momentanément suspendu, en attendant les résultats des études complémentaires qui sont en cours», déclare un responsable du ministère de Karim Ghellab. L'ouverture des plis programmée initialement pour le 28 septembre est reporté à une date ultérieur. Les soumissionnaires ont reçu au dernier moment un courrier de l'ANP les informant que le projet a été suspendu «momentanément». Contactée à ce sujet, l'Agence affirme qu'il n'y a rien d'alarmant et que cela ne remet aucunement en question le projet en lui même. Il s'agit en réalité d'un evolonté d'«approfondir le volet relatif aux études de faisabilité». Une éventualité que Les Echos quotidien avait déjà abordé en mai dernier. En effet, à l'époque, des experts maritimes avaient interpellé l'autorité portuaire quant au choix à faire au niveau de cette future infrastructure portuaire du Nord, censée accueillir de gigantesques tankers et navires de transbordement pétroliers. «L'annulation de l'appel d'offres ne fait que confirmer les hésitations des officiels quant à la configuration à donner au futur terminal pétrolier de Nador West Med», indique Najib Cherfaoui, expert maritime. Selon des sources proches du dossier, l'Agence penchait au départ pour l'idée de construire un port avec un bassin abrité par des digues (comme à Tanger-Med). Ce que des experts auraient déconseillé à l'agence car «ce serait une grossière erreur». «Cela suppose l'engagement de de plusieurs millions de dirhams sur des travaux qui, au final, ne serviraient pas à grand-chose», nous déclarait un expert à l'époque, qui a avancé comme arguments plusieurs preuves. D'abord, la composition géographique du site. Le flanc Ouest du Cap des Trois Fourches est idéal pour l'implantation du projet «Nador Med». Le site est en effet situé sur la route maritime Est-Ouest. C'est aussi la partie de la Méditerranée la moins gênée par le trafic incessant des navires, ce qui ramène à zéro les temps morts de navigation. Sans oublier que la zone d'établissement est totalement protégée des houles en provenance de l'Est de la Méditerranée et qui sont les plus dures et les plus menaçantes, ce qui réduit les périodes d'arrêt de travail. «Pourquoi construire un bassin abrité par des digues alors que le site est déjà protégé par la nature?», s'interrogeait notre source. L'idéal serait donc d'opter pour un aménagement portuaire bipolaire composé d'un couple de bouées SPM en off-shore pour la réception des grands tonnages, et d'un port à usage domestique -10 m de tirant d'eau- établi sur la frange littorale. Cette option serait moins coûteuse et facilement maniable. Ce choix d'infrastructures aurait été largement expliqué aux responsables de l'autorité portuaire qui ont en vraisemblablement tenu compte, vu la suite des événements. Approfondir les études pour éviter certaines erreurs stratégiques. Telle est la principale lecture faite, par les observateurs, de la décision de reporter l'appel d'offres pour l'aménagement du port Nador West Med. Rappelons qu'au départ, l'ambition du Maroc était de se doter d'une plateforme à Nador de «stockage de produits pétroliers pour approvisionner, non seulement le Maroc, mais également les pays de la région». L'idée était que les opérateurs et raffineurs mondiaux acheminent directement les cargaisons au Maroc, pour les stocker et les distribuer par la suite vers les pays clients. Le port devrait être fin prêt en 2015, mais au vu des derniers développements, la durée de réalisation du projet pourrait prendre plus de temps que prévu, à moins de mettre les bouchées doubles.