La tempête Emilia, qui frappe le Maroc depuis le 13 décembre, a ravivé les inquiétudes autour de l'impact des aléas climatiques sur les exportations agricoles. Si les perturbations logistiques vers l'Europe restent temporaires et saisonnières, les tensions se concentrent désormais sur la production, notamment dans le Souss-Massa, principal bassin exportateur du Royaume. Depuis le 13 décembre, la tempête Emilia frappe le Maroc, provoquant d'importantes perturbations climatiques et logistiques. Dans la ville de Safi, les crues soudaines ont atteint un niveau dramatique, causant la mort de 37 personnes, tandis que les autorités ont déclenché des alertes météorologiques dans plusieurs régions du Royaume. Au-delà du bilan humain, la question de l'impact de la tempête Emilia sur les exportations agricoles marocaines, notamment les produits frais destinés à l'Europe, suscite de nombreuses interrogations. Exportations agricoles : des perturbations logistiques temporaires et saisonnières Sur le plan logistique, la tempête a entraîné, à partir de vendredi dernier, une suspension temporaire des rotations maritimes vers l'Europe pendant trois jours. Une situation confirmée par Mourad Erraguragui, vice-président de l'Association marocaine des transporteurs routiers intercontinentaux (AMTRI) dans une déclaration à la plateforme Fresh Plaza. Contactée à ce sujet, l'AMTRI indique toutefois aux Inspirations ECO que les retards observés ces derniers jours restent dans une norme saisonnière, rappelant que ce type de perturbations se produit chaque année en période hivernale, sans impact structurel durable sur les exportations. Dans une déclaration antérieure à Fresh Plaza, Erraguragui précisait que «les derniers navires ayant franchi le détroit avant l'émission de l'alerte ont rencontré de grandes difficultés. Cependant, nous constatons une amélioration progressive des conditions et les rotations maritimes reprennent graduellement». Les délais de transit à l'intérieur du Maroc n'ont, quant à eux, pas été affectés, selon le représentant des transporteurs. «En dehors des zones sinistrées, il n'y a pas eu de ralentissement majeur. Seules les liaisons internationales ont enregistré des retards pouvant atteindre 72 heures», précise-t-on. Vers une pénurie de produits frais à l'export ? Si la logistique tend à se normaliser, la situation est plus préoccupante sur le front de la production agricole, notamment dans la région du Souss-Massa, principal bassin de production de fruits et légumes exportables au Maroc. Bien que cette région n'ait pas été directement frappée par des phénomènes extrêmes, elle subit de plein fouet les effets indirects de la tempête Emilia : froid persistant, forte humidité et ralentissement des récoltes. Un responsable de l'Association marocaine des producteurs et exportateurs de fruits et légumes explique à Fresh Plaza qu'«il n'y a pas eu de manifestations violentes de la tempête à Agadir. En revanche, le froid et l'humidité retardent le développement des fruits et provoquent des problèmes phytosanitaires généralisés. Pour la tomate, par exemple, la croissance des jeunes plants est ralentie et les grappes prêtes n'atteignent pas leur maturité». Cette combinaison de ralentissement de la production et de retards logistiques ponctuels alimente les craintes d'une période de pénurie, notamment sur les marchés européens fortement dépendants des exportations marocaines de tomates et de légumes frais. «Nous nous dirigeons vers une période difficile. La situation n'est pas favorable», alerte le même responsable. Un constat d'autant plus préoccupant que la tempête Emilia intervient dans un contexte sectoriel déjà fragile. Avant même cet épisode climatique, les exportateurs faisaient face à un ralentissement des exportations, des marchés internationaux peu porteurs, des prix jugés insuffisamment attractifs et des contraintes phytosanitaires croissantes limitant les volumes. Un choc climatique révélateur des fragilités structurelles Si la tempête Emilia n'a pas paralysé durablement les exportations agricoles marocaines, elle agit comme un révélateur des vulnérabilités du secteur face aux aléas climatiques, de plus en plus fréquents. À court terme, les professionnels tablent sur une reprise progressive des flux exportateurs. À moyen terme, cet épisode relance le débat sur la résilience de l'agriculture marocaine, la sécurisation des chaînes logistiques et l'adaptation aux chocs climatiques dans un secteur stratégique pour l'économie nationale. En dépit de ces défis, le Royaume poursuit sa dynamique et enchaîne les records. Exportations agricoles : des records et des perspectives solides Malgré un contexte marqué par les aléas climatiques, le resserrement des marchés internationaux et les contraintes phytosanitaires, les exportations agricoles marocaines ont enregistré, ces derniers mois, plusieurs records historiques, confirmant la résilience et la compétitivité du secteur. Le Maroc a ainsi franchi un record saisonnier historique d'exportations de tomates, avec 745.000 à 767.000 tonnes expédiées sur la campagne 2024-2025, consolidant sa position parmi les trois premiers exportateurs mondiaux. Concernant les framboises, les exportations ont atteint un niveau inédit, dépassant 64.000 tonnes, portées par une forte demande européenne et des prix soutenus sur les marchés premium. Pour l'avocat, un nouveau record vers l'Allemagne a été enregistré, avec près de 19.600 tonnes exportées, confirmant la montée en puissance du Maroc sur ce segment à forte valeur ajoutée. Concernant les concombres, les volumes exportés ont franchi un plus haut historique, avec près de 28.000 tonnes expédiées entre mi-2024 et début 2025. Pour les carottes, le Maroc inscrit une cinquième année consécutive de record, avec environ 69.000 tonnes exportées, ce qui témoigne de la régularité de ses performances sur ce produit. Côté agrumes, enfin, les exportations d'oranges vers les Etats-Unis ont atteint un niveau sans précédent, avoisinant 20.000 tonnes sur les onze premiers mois de 2024. Autre record enregistré, celui des exportations agricoles vers l'Espagne : sur le seul premier trimestre 2025, leur valeur a atteint un record trimestriel, dépassant 480 millions d'euros. Plus globalement, sur la campagne 2024-2025, les exportations totales du Royaume, toutes destinations confondues, ont franchi le seuil des 1,6 million de tonnes, avec une hausse à deux chiffres sur un an. Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ECO