L'or subit ses plus grandes pertes hebdomadaires depuis six mois, porté par un regain d'appétit pour le risque et la hausse du dollar    Challenge N° 969 Du 16 au 22 mai 2025    Le Moyen-Orient : entre lumière et obscurité    Le FC Barcelone sacré champion de la Liga pour la 28e fois après une victoire décisive contre l'Espanyol    SAR la Princesse Lalla Hasnaa préside la 1ère session du Conseil d'Administration de la Fondation du Théâtre Royal de Rabat    Les prévisions du vendredi 16 mai    Akdital distingué dans le classement FT Africa's Growth Champions 2025    CAN U20. Le Maroc bat l'Egypte et va en finale    Orange Maroc mise sur la tech pour verdir l'industrie    Festival de Casablanca 2025 : entre hommages, créations et dialogues culturels    La Sûreté Nationale Marocaine célèbre son 69e anniversaire : un engagement constant au service de la sécurité nationale    Guterres pour "un soutien politique en faveur de la paix"    Le Nigeria compte lancer quatre nouveaux satellites de recherche et de sécurité    Incendies de forêts : forte régression des surfaces détruites en 2024, mais un été difficile attendu    En Jamaïque, des engrais marocains au cœur d'un désaccord institutionnel après un audit    La princesse Lalla Hasnaa préside le premier conseil de la fondation du théâtre royal de Rabat    Routes commerciales : Rabat s'arrime au corridor indo-américain [INTEGRAL]    Marsa Maroc crée "Ports4Impact" pour porter son engagement RSE    National "Amateurs"/J29 : Wydad Temara et Amal Tiznit promus en Botola DII !    CAN U20 : Le Maroc bat l'Egypte et se qualifie pour la finale    Parution : « Juste une dernière » de Wiam El Khattabi    Les Emirats investiront 1.400 milliards de dollars aux Etats-Unis sur 10 ans    69e anniversaire de la Sûreté nationale : Un engagement constant au service du citoyen    Compétitivité logistique : Les points clés du Logismed 2025    Standard Chartered s'installe au Maroc et ouvre un bureau de représentation à CFC    Revue de presse de ce jeudi 15 mai 2025    Sous le leadership de SM le Roi, le Maroc est un acteur « stratégique » pour la stabilité en Afrique    SAR la Princesse Lalla Hasnaa préside la 1ère session du Conseil d'Administration de la Fondation du Théâtre Royal de Rabat    Morocco wins three medals at World Cadet Taekwondo championships    Mazraoui : Une finale européenne pour sauver la saison    Les initiatives stratégiques lancées par le Maroc en faveur de l'Afrique présentées à Johannesburg    Maroc : Mehdi Bensaid prône l'élargissement de l'action de la HACA aux réseaux sociaux    Anniversaire de la création de la DGSN : 69 ans de dévouement au service de la patrie et des citoyens    Moroccan couple's baby trafficking case : Italian court upholds custody, disturbing revelations    Ancient cemeteries and rock art unearthed in Tangier reveal rich prehistoric past    Trafic de bébés du Maroc : La justice italienne maintient les détentions, vu les révélations    Décès d'un soldat marocain lors d'une mission onusienne    La Princesse Lalla Hasnaa préside la 1re session du Conseil d'Administration de la Fondation du Théâtre Royal de Rabat    France : Des messages islamophobes et néonazis dans le centre-ville et le campus d'Orléans    De Tanger à Pékin : le livre Ainsi j'ai connu la Chine révèle la profondeur des liens historiques entre le Maroc et la Chine    INSMAC: À Rabat, un institut pour former les talents de demain    L'Italie, invité d'honneur du 28è Festival de Fès des musiques sacrées du monde    Théâtre: Casablanca accueille la 3ème édition du Tournoi international d'improvisation    Chambre des Conseillers: Lahcen Haddad s'entretient avec le vice-Premier ministre, ministre de l'Energie de la République de Tanzanie    Deux parachutistes israéliens blessés au Maroc lors de l'exercice «African Lion»    African Lion-2025 : coopération satellitaire entre les forces armées royales et les forces spatiales américaines à Agadir    Massive Qatari Investments in the United States Surpass One Trillion Dollars During Trump's Visit to Doha    Découverte de trois nécropoles préhistoriques et de peintures rupestres sur la presqu'île de Tanger    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Imane Humaydane, une romancière libanaise virtuose de l'intime
Publié dans Le Soir Echos le 18 - 02 - 2013


Certains romans ont le pouvoir de poursuivre dans notre mémoire un trajet secret, patient et obstiné. Ils nous accompagnent dans une méditation songeuse longtemps après la dernière page tournée. C'est ainsi que j'ai conservé à l'esprit le charme inquiet du nouveau roman de la Libanaise Imane Humaydane D'autres vies (Verticales, 2013, traduit de l'arabe par Nathalie Bontemps) au point de m'y replonger pour en vérifier la séduction. La bonne surprise était intacte. C'est un livre qui résiste parfaitement à la relecture tant sa ligne mélodique affirme sa justesse. L'exil est le lampion mélancolique de ce roman nocturne qui fore avec une sincérité non exhibitionniste des blessures secrètes. Le roman d'Imane Humaydane répand un parfum de femme libre de se penser elle-même à travers les douceurs amères et les stupeurs du retour. Venant du Kenya où elle est mariée sans amour, Myriam, revenue à Beyrouth est donc attendue à Mombassa tandis que Wafa lui enjoint presque de ne pas se réinstaller au pays natal : « Cherche un autre endroit, tu ne pourrais pas vivre ici. La vie ici est écœurante, comme tu vois. Le pays est scindé entre assassins et... assassins. Et on est pris en otage, c'est immonde ». L'amertume née de la guerre civile subie avec tous ses outrages résonne dans D'autres vies comme un tocsin. Or, Myriam a conservé pour son pays un attachement viscéral. Au Kenya, elle allait chercher à la poste des colis de livres envoyés de Beyrouth. D'autres vies nous procure cette même impatience pour ce qui vient du Liban. A Beyrouth, Myriam est hantée par le souvenir de Georges, l'homme qui ne la rejoignit jamais en Australie. L'errance semble devenue l'autre nom de Myriam, la couleur insaisissable de son destin. Imane Humaydane nous promène avec une virtuosité musicienne dans les humeurs et la colère intime de Myriam dont les refus sont devenus les refuges. On est requis dans ce livre par l'entêtement si loyal à tâcher de redéfinir la place de chacune et de chacun dans le déchirement qu'éprouve l'héroïne. Son frère a été tué au début de l'année 1978 : « Un obus explosa, et ses éclats s'éparpillèrent jusqu'au balcon du premier étage de notre maison à Zuqaq el-Balat (...) Deux jours après l'enterrement, les jeunes du quartier trouvèrent des lambeaux de ses membres accrochés aux branches de quelques arbres du voisinage, calcinés par l'explosion. » Cet affreux souvenir est au cœur de ce roman tel une hantise nimbant tous les instants du retour de Myriam tandis que les habitants de la ville veulent se persuader que la guerre est finie. Myriam peut-elle accepter les propos du journaliste lui assurant qu'à « Beyrouth, tout commence en drame et se termine en caricature » ? Ce que le roman d'Imane Humaydane dessine fébrilement, c'est, tout au contraire, une véritable répulsion pour la caricature comme condition de l'existence et imposition d'identité. La romancière interroge sans répit le dessein mystérieux des âmes et des corps. Myriam dialogue avec les vivants dans une subliminale fidélité à ses morts. D'autres vies est le roman sans condescendance d'un voyage en soi-même et au Liban comme si la narratrice caressait, autant que tel amant, un cèdre qui ne cède pas sous l'orage des souffrances et dans la brume des atermoiements amoureux. Ici, la pensée de l'amour participe d'un amour de la pensée. Au final c'est bien des tourments d'une liberté de femme que la romancière qui vit elle-même entre Beyrouth et Paris nous aura fait les témoins non point médusés mais absolument conquis. Ce qu'il y a de futile dans l'amour, le philosophe Günther Anders l'observait dans Aimer hier, notes pour une histoire du sentiment (New-York 1947-1949), un ouvrage qui vient d'être traduit de l'allemand par Isabelle Kalinowski aux éditions Fage. Il écrivait : « Que nous le déplorions ou non, le monde étant ce qu'il est, la vie privée, de nos jours, ne peut être au centre de notre vie ; elle ne doit donc pas nous gâcher la vie ». Ce qui fait tout le prix du roman d'Imane Humaydane, c'est précisément l'effort de ne pas se gâcher la vie qui court dans son récit comme un oiseau dont le chant ne sera audible qu'après la traversée des cercles de l'égoïsme et de l'altruisme qui jouent si souvent à se méprendre l'un sur l'autre tandis que brûlent au dehors et en dedans les feux jamais éteints de la violence humaine. Pourquoi d'autres vies est-il un roman qui résiste à l'oubli ? Peut-être parce que Imane Humaydane sait créer des personnages qui ne sont pas figés dans des certitudes mortifères. Myriam affronte sa fragilité avec la fraîche insolence de qui désire regarder la vie dans les yeux pour parvenir à se comprendre et à comprendre autrui. Il n'est pas indifférent, évidemment, que la romancière ait par ailleurs consacré son travail d'anthropologue aux récits de disparus pendant la guerre civile libanaise. Avec D'autres vies, elle nous pose à tous la question du manque, de pourquoi et comment nous risquons de nous détourner du bonheur comme du malheur d'autrui en nous contentant de nous taire sur nous-mêmes et sur les autres.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.