Tentative de coup d'état au Bénin: La Cedeao annonce déployer des militaires    Coupe Arabe 2025 : Syrie et Palestine qualifiées, Tunisie et Qatar éliminés    Interview avec Erige Sehiri : « Recevoir l'Etoile d'Or à Marrakech, c'est une émotion que je n'oublierai jamais »    Programme du jour : Lions d'europe et Coupe arabe au menu    UNESCO: Un nuevo episodio en India en la batalla argelina contra Marruecos por el caftán    Morocco's Atlas Lions aim for victory against Saudi Arabia to top Arab Cup group    Morocco challenges Algeria's cultural claims at UNESCO over caftan heritage dispute    Coupe arabe : la Palestine et la Syrie qualifiées pour les quarts    Agroalimentaire: Une délégation économique indienne visite la région Souss-Massa    Akhannouch: Plusieurs zones industrielles ont été créées dans la région Drâa-Tafilalet    Tourisme et artisanat: Accélération des chantiers à Drâa-Tafilalet    Ouverture de la 28e édition du Salon international d'hiver des produits agricoles tropicaux de Chine à Hainan    Soulèvement de 1952 :Quand les Marocains se révoltaient contre l'assassinat de Farhat Hachad    Royaume-Uni : Zelensky lundi à Londres pour discuter du projet d'accord de paix américain    Emirats: des chercheurs développent une technologie améliorant les tests de médicaments anticancéreux    RHN Maroc - Espagne : Après la politique, l'embellie économique    Akhannouch : Le gouvernement engagé à consolider la justice sociale au niveau des régions    Chiens errants : Plus de 100.000 attaques en 2024 et 33 morts de la rage    Ronaldo : Le Maroc joue un "football merveilleux" ces dernières années    Tarik Sektioui : "nous viserons la victoire face à l'Arabie Saoudite afin d'assurer notre qualification pour les quarts"    Athlétisme : Dans sa troisième édition, franc succès du Semi-Marathon de Tamansourt    Botola D2 / J11 (acte 1) : Le RBM s'enfonce, le MCO déroule, le SCCM s'effondre    F1: Lando Norris champion du monde grâce à sa 3e place à Abou Dhabi    Les ouléma, appelés à renouveler leurs visions et assumer leurs rôles mobilisateurs    El Guerguerat : Lancement de trois projets d'envergure pour créer un hub logistique    Marché obligataire: les taux poursuivent leur mouvement haussier    Les températures attendues ce dimanche 7 décembre 2025    Dakhla / CHUI Mohammed VI : Une infrastructure au service de la souveraineté sanitaire africaine    M'diq-Fnideq: Un camion percute deux bâtiments faisant 4 morts et 8 blessés    Le temps qu'il fera ce dimanche 7 décembre 2025    Libérons notre potentiel à l'export    Casablanca : le Festival des Talents de retour pour une 2e édition    Le BMDAV assure, tel que stipulé par la loi, la perception et la répartition des droits d'auteur et des droits voisins    MAGAZINE : Karim Bennani, rétro n'est pas de trop    Clôture du FIFM : une 22e édition record, portée par le public et une sélection exigeante    UNESCO : Un nouvel épisode en Inde dans la bataille algérienne contre le Maroc sur le caftan    L'Etoile d'Or du Festival de Marrakech décernée à Promis le Ciel d'Erige Sehiri    Chambre des conseillers : Les projets de loi relatifs au système électoral approuvés à l'unanimité    Bourse de Casablanca: les banques contribuent de 32% à la croissance des revenus globaux    SM le Roi félicite le Président finlandais à l'occasion de la fête nationale de son pays    L'ambassadrice de Chine au Maroc adresse une lettre aux amis marocains : les faits et la vérité sur la question de Taiwan    AMO : Couverture d'environ 88% de la population    Maroc : L'Institut supérieur des sciences de la sécurité inauguré à Ifrane    Marrakech International Film Festival 2025 honors Guillermo Del Toro with Golden Star Award    FAO: Baisse des prix mondiaux des produits alimentaires en novembre    Afrique du Nord et Proche-Orient : une plongée inquiétante dans la fournaise    Réunion de haut-niveau Maroc–Espagne : quatorze accords pour structurer une coopération d'impact    GenZ Maroc : Un total de 55 années de prison pour les participants aux émeutes d'Aït Ourir    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Imane Humaydane, une romancière libanaise virtuose de l'intime
Publié dans Le Soir Echos le 18 - 02 - 2013


Certains romans ont le pouvoir de poursuivre dans notre mémoire un trajet secret, patient et obstiné. Ils nous accompagnent dans une méditation songeuse longtemps après la dernière page tournée. C'est ainsi que j'ai conservé à l'esprit le charme inquiet du nouveau roman de la Libanaise Imane Humaydane D'autres vies (Verticales, 2013, traduit de l'arabe par Nathalie Bontemps) au point de m'y replonger pour en vérifier la séduction. La bonne surprise était intacte. C'est un livre qui résiste parfaitement à la relecture tant sa ligne mélodique affirme sa justesse. L'exil est le lampion mélancolique de ce roman nocturne qui fore avec une sincérité non exhibitionniste des blessures secrètes. Le roman d'Imane Humaydane répand un parfum de femme libre de se penser elle-même à travers les douceurs amères et les stupeurs du retour. Venant du Kenya où elle est mariée sans amour, Myriam, revenue à Beyrouth est donc attendue à Mombassa tandis que Wafa lui enjoint presque de ne pas se réinstaller au pays natal : « Cherche un autre endroit, tu ne pourrais pas vivre ici. La vie ici est écœurante, comme tu vois. Le pays est scindé entre assassins et... assassins. Et on est pris en otage, c'est immonde ». L'amertume née de la guerre civile subie avec tous ses outrages résonne dans D'autres vies comme un tocsin. Or, Myriam a conservé pour son pays un attachement viscéral. Au Kenya, elle allait chercher à la poste des colis de livres envoyés de Beyrouth. D'autres vies nous procure cette même impatience pour ce qui vient du Liban. A Beyrouth, Myriam est hantée par le souvenir de Georges, l'homme qui ne la rejoignit jamais en Australie. L'errance semble devenue l'autre nom de Myriam, la couleur insaisissable de son destin. Imane Humaydane nous promène avec une virtuosité musicienne dans les humeurs et la colère intime de Myriam dont les refus sont devenus les refuges. On est requis dans ce livre par l'entêtement si loyal à tâcher de redéfinir la place de chacune et de chacun dans le déchirement qu'éprouve l'héroïne. Son frère a été tué au début de l'année 1978 : « Un obus explosa, et ses éclats s'éparpillèrent jusqu'au balcon du premier étage de notre maison à Zuqaq el-Balat (...) Deux jours après l'enterrement, les jeunes du quartier trouvèrent des lambeaux de ses membres accrochés aux branches de quelques arbres du voisinage, calcinés par l'explosion. » Cet affreux souvenir est au cœur de ce roman tel une hantise nimbant tous les instants du retour de Myriam tandis que les habitants de la ville veulent se persuader que la guerre est finie. Myriam peut-elle accepter les propos du journaliste lui assurant qu'à « Beyrouth, tout commence en drame et se termine en caricature » ? Ce que le roman d'Imane Humaydane dessine fébrilement, c'est, tout au contraire, une véritable répulsion pour la caricature comme condition de l'existence et imposition d'identité. La romancière interroge sans répit le dessein mystérieux des âmes et des corps. Myriam dialogue avec les vivants dans une subliminale fidélité à ses morts. D'autres vies est le roman sans condescendance d'un voyage en soi-même et au Liban comme si la narratrice caressait, autant que tel amant, un cèdre qui ne cède pas sous l'orage des souffrances et dans la brume des atermoiements amoureux. Ici, la pensée de l'amour participe d'un amour de la pensée. Au final c'est bien des tourments d'une liberté de femme que la romancière qui vit elle-même entre Beyrouth et Paris nous aura fait les témoins non point médusés mais absolument conquis. Ce qu'il y a de futile dans l'amour, le philosophe Günther Anders l'observait dans Aimer hier, notes pour une histoire du sentiment (New-York 1947-1949), un ouvrage qui vient d'être traduit de l'allemand par Isabelle Kalinowski aux éditions Fage. Il écrivait : « Que nous le déplorions ou non, le monde étant ce qu'il est, la vie privée, de nos jours, ne peut être au centre de notre vie ; elle ne doit donc pas nous gâcher la vie ». Ce qui fait tout le prix du roman d'Imane Humaydane, c'est précisément l'effort de ne pas se gâcher la vie qui court dans son récit comme un oiseau dont le chant ne sera audible qu'après la traversée des cercles de l'égoïsme et de l'altruisme qui jouent si souvent à se méprendre l'un sur l'autre tandis que brûlent au dehors et en dedans les feux jamais éteints de la violence humaine. Pourquoi d'autres vies est-il un roman qui résiste à l'oubli ? Peut-être parce que Imane Humaydane sait créer des personnages qui ne sont pas figés dans des certitudes mortifères. Myriam affronte sa fragilité avec la fraîche insolence de qui désire regarder la vie dans les yeux pour parvenir à se comprendre et à comprendre autrui. Il n'est pas indifférent, évidemment, que la romancière ait par ailleurs consacré son travail d'anthropologue aux récits de disparus pendant la guerre civile libanaise. Avec D'autres vies, elle nous pose à tous la question du manque, de pourquoi et comment nous risquons de nous détourner du bonheur comme du malheur d'autrui en nous contentant de nous taire sur nous-mêmes et sur les autres.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.