Bien que les articles 20 et 21 du Code de la famille établissent un cadre légal rigoureux pour le mariage des mineurs, considéré comme une exception soumise à l'autorisation du juge, les données de 2024 confirment la persistance du phénomène et en révèlent la complexité sociale. C'est ce que constate le CSPJ dans son dernier rapport. En 2024, les demandes d'autorisation de mariage de mineurs ont en effet enregistré une baisse de 17,02 % par rapport à 2023. Alors que les demandes concernant les filles ont diminué de 17,5 %, celles concernant les garçons ont, au contraire, augmenté de 33,68 %. Répartition géographique Cinq circonscriptions judiciaires concentrent 55,6 % des demandes en cours de traitement: Marrakech, Fès, Kénitra, El Jadida et Béni Mellal, nous apprend le rapport du CSPJ. La circonscription judiciaire d'Errachidia arrive en tête en matière de taux d'acceptation des demandes, avec 81,01 %, tandis que Settat affiche le taux le plus faible, avec 20,1 %. Le rapport du CSPJ montre une disproportion frappante : Les demandes de mariage impliquant des filles représentent 98,50 % du total avec 16.730 dossiers, contre 255 demandes seulement pour les garçons (1,50 %). Alors que les demandes acceptées concernent 10 570 filles (63,18 % des demandes traitées), celles concernant les garçons sont au nombre de 121 soit 47,45 %. Des chiffres qui confirment que le mariage des mineurs reste avant tout une problématique féminine, liée à des dynamiques sociales, économiques et culturelles complexes. L'âge, un facteur déterminant Le rapport révèle que la majorité des dossiers concerne des mineurs âgés de plus de 17 ans, avec 10 984 demandes, soit 65,56 % du total. Parmi ces requêtes, 7 828 ont été acceptées, soit 70,55 % des demandes traitées. Autrement dit, plus les jeunes filles s'approchent de la majorité légale, plus les juges semblent enclins à accorder l'autorisation. Autre constat marquant du rapport : la quasi-totalité des demandeurs n'exerce aucune activité professionnelle. Cette catégorie représente 96,47 % des dossiers soit 16 386 sur 16 985 demandes. La non-scolarisation est également un facteur déterminant comme le note le CSPJ. Les mineurs non scolarisés « font l'objet » de 15 503 demandes, soit 92,53 % du total. Les candidats au mariage scolarisés ne représentent cependant que 5,28 % (885 demandes), et les jeunes ayant quitté l'école 2,19 % (367 demandes). Côté décisions, les juges ont répondu favorablement à 64,26 % des demandes de non scolarisés, contre 48,36 % pour les élèves et 43,09 % pour les décrocheurs. Un phénomène rural Autre révélation du rapport 2024 du conseil : le mariage précoce est plutôt un phénomène rural. Les campagnes marocaines concentrent ainsi 13 091 demandes, soit 78,13 % du total, contre 3 664 en milieu urbain (21,87 %). Paradoxalement, le taux d'acceptation reste plus élevé en ville (87,52 %) qu'à la campagne (79,65 %). Une disparité qui révèle des approches judiciaires différentes selon les contextes, mais aussi des réalités économiques et sociales marquées par les inégales territoriales. Les chiffres du CSPJ le confirment : La loi seule ne peut éradiquer le mariage des mineurs. Derrière les statistiques se cachent des déterminants puissants : pauvreté, analphabétisme, inégalités territoriales et normes culturelles persistantes. D'après le rapport du CSPJ, la lutte contre cette pratique requiert une action publique coordonnée : Garantir l'enseignement obligatoire des filles, lutter contre le décrochage scolaire, renforcer la sensibilisation aux droits de l'enfant et combattre la précarité rurale.