La confrontation autour du rachat de Warner Bros. Discovery (WBD) entre dans une phase décisive, marquée par une surenchère financière et juridique qui illustre l'ampleur des enjeux industriels à Hollywood. En l'espace de quelques heures, Paramount et Netflix ont affiné leurs positions respectives, chacun cherchant à rassurer actionnaires et régulateurs sur la solidité de son offre, alors que l'issue de ce bras de fer pourrait redessiner durablement le paysage mondial du divertissement. Lundi, Paramount a annoncé une modification substantielle de son offre publique d'achat hostile sur Warner Bros. Discovery, évaluée à 108 milliards de dollars. Pour répondre aux réserves exprimées par le conseil d'administration de WBD, le groupe a introduit un élément central : une garantie personnelle « irrévocable » de Larry Ellison, à hauteur de 40,4 milliards de dollars, couvrant une partie du financement en fonds propres ainsi que d'éventuelles réclamations en dommages et intérêts contre Paramount.
Cette annonce intervient après que WBD a qualifié les garanties financières initiales de Paramount d'« illusoires », en raison du recours à un trust familial susceptible, selon le conseil, d'être modifié de manière imprévisible. Désormais, Paramount affirme que Larry Ellison s'engage personnellement, et que le trust familial Ellison ne pourra ni être révoqué ni transférer ses actifs de façon défavorable durant la période de la transaction. Le groupe précise également que ce trust détient environ 1,16 milliard d'actions Oracle, et que l'ensemble des passifs significatifs de la famille Ellison est publiquement documenté.
Sur le plan financier, Paramount maintient son offre à 30 dollars par action, sans revalorisation, mais relève le montant de la pénalité de rupture à 5,8 milliards de dollars, alignant ainsi ses conditions sur celles proposées par Netflix. Le groupe prolonge en outre la date limite accordée aux actionnaires de WBD pour apporter leurs titres, désormais fixée au 21 janvier.
Dans un communiqué, le PDG de Paramount, David Ellison, a insisté sur le caractère « entièrement financé » et « supérieur » de son offre, estimant qu'elle maximise la valeur pour les actionnaires et constitue, selon lui, un levier de relance de la production et de l'exploitation en salles. Paramount n'a toutefois pas manqué de critiquer la conduite du processus par WBD, affirmant que les exigences aujourd'hui mises en avant n'avaient jamais été formellement évoquées durant les semaines précédant l'acceptation de l'offre concurrente de Netflix.
Netflix sécurise un financement plus pérenne
En parallèle, Netflix a annoncé avoir refinancé une part significative du prêt relais de 59 milliards de dollars mobilisé pour son acquisition ciblée des activités studios et streaming de Warner Bros. Discovery. Selon un dépôt auprès de la SEC, la plateforme a obtenu 25 milliards de dollars de nouveaux financements bancaires, destinés à remplacer une partie de l'engagement initial.
Ce refinancement comprend une ligne de crédit renouvelable senior non garantie de 5 milliards de dollars, ainsi que deux facilités de prêts à terme, également seniors et non garanties, de 10 milliards de dollars chacune. Une opération classique dans les grandes transactions de fusion-acquisition, visant à substituer à un financement transitoire une structure plus stable et potentiellement moins coûteuse.
Netflix avait conclu début décembre un accord avec WBD portant sur la reprise de ses activités de studios et de streaming pour une valeur en fonds propres de 72 milliards de dollars, soit 27,75 dollars par action, combinant numéraire et actions, pour une valeur d'entreprise totale estimée à 82,7 milliards de dollars. La finalisation de cette opération est conditionnée à la scission préalable de WBD, prévue au troisième trimestre 2026, avec la création d'une entité distincte regroupant les réseaux câblés sous le nom de Discovery Global.
Deux visions opposées pour l'avenir de WBD
Au-delà des chiffres, les deux offres incarnent des stratégies radicalement différentes. Paramount, tout juste engagé dans sa propre fusion avec Skydance, propose l'acquisition de l'intégralité de Warner Bros. Discovery, incluant ses réseaux câblés historiques. Netflix, à l'inverse, cible exclusivement le pôle studios et streaming, laissant à WBD le soin de mener à bien sa scission avant la prise de contrôle effective.
Dans les deux cas, les autorités de régulation devraient exercer une vigilance accrue, tant les implications concurrentielles et structurelles sont majeures. Quelle que soit l'issue, cette bataille s'annonce déterminante pour l'équilibre futur de l'industrie, à un moment où les groupes de médias sont confrontés à la contraction des revenus traditionnels, à la pression sur les coûts de production et à l'intensification de la concurrence mondiale.
Les actionnaires de Warner Bros. Discovery disposent désormais jusqu'au 21 janvier pour arbitrer entre ces deux trajectoires. Leur décision pèsera non seulement sur l'avenir du groupe, mais aussi sur la configuration d'un secteur en pleine recomposition, où la frontière entre studios historiques et plateformes technologiques devient chaque jour plus poreuse.