La situation de l'emploi en Afrique du Nord ne se résoudra pas sans une croissance qui génère suffisamment d'emplois en nombre et de qualité, pour satisfaire une main d'œuvre considérable. A l'heure actuelle, la croissance en Afrique du Nord est insuffisante et son contenu en emploi trop faible pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail, en particulier les jeunes diplômés (AfDB, 2014). La BAD révèle par ailleurs, dans son diagnostic de croissance du Maroc (AfDB, 2015), la faible corrélation entre l'évolution du chômage des jeunes diplômés et la croissance économique. Ce phénomène serait dû à la prédominance de branches qui emploient une main-d'oeuvre peu qualifiée, telles que l'agriculture et le commerce. La croissance économique est d'autant plus nécessaire qu'elle seule permettra de répondre à l'important dividende démographique en Afrique du Nord. Aujourd'hui, le défi historique majeur pour la région est d'avoir une croissance qui soit à la fois inclusive et génératrice d'emplois. Le Printemps arabe est venu accélérer la transition vers une phase d'engagement de réformes en ce sens et intégrer les nouveaux arrivants sur le marché de l'emploi vers des emplois plus qualifiés et à plus forte valeur ajoutée. Malgré des trajectoires différentes, l'Europe souffre à l'inverse d'une natalité insuffisante pour faire face au vieillissement de la population, impactant négativement les perspectives de croissance à long terme, notamment face à la concurrence accrue des blocs émergents d'Asie et d'Amérique latine. Le taux de fécondité européen est en baisse depuis les années (1,55 enfants par enfants dans l'UE) et sous le niveau de remplacement de la population. La France est une exception en la matière (2 enfants par femme), devant l'Italie (1,43), l'Allemagne (1,38), et l'Espagne (1,32). Ces tendances structurelles réduisent la capacité de répondre aux défis socio-économiques du continent et militent également pour des politiques d'immigration à long terme. D'autre part, l'UE est l'une des régions au monde qui présente les meilleurs taux d'espérance de vie. D'après les projections à l'horizon 2060, l'UE aura l'un des ratios de dépendance des personnes âgées les plus élevés au monde, derrière le Japon. Un ralentissement des taux d'activité est donc à prévoir et à compenser, notamment par l'amélioration de la productivité à travers l'innovation et une meilleure valeur ajoutée si l'Europe souhaite maintenir de hauts niveaux de croissance. Les perspectives de croissance actuelles en Europe sont moroses, avec le risque d'une croissance atone à long terme. Ce risque de croissance molle à long terme met à mal les perspectives d'emploi et plus particulièrement l'intégration des jeunes dans l'économie. Selon le récent rapport 2015 sur le vieillissement qui présente les projections économiques et budgétaires pour les 28 États membres de l'UE et la Norvège (2013-2060), la croissance annuelle moyenne du PIB dans l'UE serait seulement de 1,4 % pour la période 2013-2060, ce qui est loin d'être propice à la résorption du chômage structurel de long terme. Sur la rive sud, l'Afrique du Nord devra parvenir à tirer profit des tendances socio-économiques actuelles. En 2013, les six pays d'Afrique du Nord (Libye et Mauritanie inclus) comptaient une population d'environ 175 millions de personnes, soit 14 % de la population du continent, et la région devrait compter environ 200 millions d'habitants dans les prochaines années, soit l'équivalent du Brésil aujourd'hui (7ième économie mondiale). Toutefois le potentiel offert par ce dividende démographique ne pourra pas se concrétiser sans niveaux de croissance qui permettent d'absorber ces flux. L'augmentation de la classe moyenne en Afrique du nord créera une importante source de demande dans les prochaines années. La région devrait continuer à afficher le revenu par habitant le plus élevé du continent et de bonnes perspectives de croissance. Le produit intérieur brut (PIB) de la région est de l'ordre de 695 Mds USD, soit environ le tiers du PIB du continent. Ces dernières années, la croissance de la région a été fortement soutenue par la consommation, et la consommation privée intérieure provenant d'une classe moyenne plus importante a largement contribué à compenser la baisse de la demande extérieure liée au ralentissement de l'économie mondiale. Pour l'Europe, ces tendances reflètent aussi le potentiel de sa rive sud.