Par une analyse fouillée publiée en avril 2025, l'ambassadeur Mohammed Loulichki, Senior Fellow au Policy Center for the New South, revient sur la dynamique irréversible qui s'est engagée autour de l'Initiative marocaine d'autonomie pour le Sahara. Selon lui, le soutien explicite des Etats-Unis et de la France à cette proposition marque « un tournant diplomatique majeur« , positionnant désormais l'autonomie comme le seul cadre réaliste et crédible pour parvenir à une solution politique durable. Depuis sa présentation en 2007, l'Initiative d'autonomie n'a cessé de s'imposer sur la scène internationale. Dans son Policy brief, Mohammed Loulichki rappelle que dès son lancement, elle a reçu un appui international large, malgré le rejet persistant de l'Algérie et du Polisario. Ce soutien s'est considérablement renforcé ces dernières années avec la reconnaissance stratégique des Etats-Unis en 2020 sous l'administration Trump, puis la réaffirmation de cette position sous l'administration actuelle, ainsi que le ralliement de Paris, désormais pleinement aligné sur la nécessité de « faire avancer » le processus politique sur la base de l'autonomie. Selon Loulichki, ce nouvel engagement des puissances occidentales place l'Algérie et le Polisario devant une alternative historique : s'inscrire dans la dynamique de compromis ou rester isolés face à une conjoncture internationale de plus en plus favorable à la solution marocaine. « La fenêtre qui s'ouvre aujourd'hui constitue, sans conteste, un tournant majeur dans l'histoire de la région« , écrit-il, insistant sur la responsabilité de l'Algérie pour saisir cette opportunité. Mohammed Loulichki retrace la longue maturation de la solution d'autonomie, soulignant que l'idée a germé dès 2001 sous l'impulsion de l'Envoyé personnel James Baker, avant d'être portée par le Maroc sous une forme aboutie en 2007. Cette démarche s'inscrit, rappelle-t-il, dans une dynamique plus large de réformes internes, marquée notamment par l'adoption de la Constitution de 2011 et l'approfondissement de la régionalisation avancée. Lire aussi : Soutien à l'autonomie au Sahara : un consensus international affirmé La proposition marocaine repose, selon Loulichki, sur quatre piliers : la reconnaissance de l'unité territoriale du Royaume, la délégation effective de compétences régionales, le respect des droits humains et la garantie d'une solution négociée et démocratiquement validée par les populations concernées. Ce caractère sérieux, crédible et ouvert à la négociation explique, selon lui, la reconnaissance progressive du Conseil de sécurité de l'ONU, qui, depuis 2007, qualifie l'initiative marocaine de « réaliste, crédible et sérieuse ». L'exigence d'une « véritable autonomie » Un point central de l'analyse de Mohammed Loulichki réside dans la notion de « véritable autonomie », mise en avant tant par Washington que par Paris. Selon lui, cette insistance vise à réaffirmer que l'autonomie doit être substantielle, sincère et conforme aux standards internationaux, et non un simple artifice politique. Loulichki souligne que l'Initiative marocaine répond déjà à cette exigence, en offrant un cadre démocratique, souple et évolutif, laissant place à des négociations pour affiner les modalités d'exercice des compétences régionales. Il rappelle que les Etats-Unis, par la voix de hauts responsables tels que le secrétaire d'Etat Marco Rubio ou la sous-secrétaire d'Etat Lisa Kenna, ont clairement réaffirmé que « la seule solution réaliste » passe par une autonomie authentique sous souveraineté marocaine. De même, M. Emmanuel Macron a, dans un courrier adressé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, estimé qu'« il est temps d'avancer », en appelant à réunir les parties pour consacrer cette approche. Un nouvel agenda pour la paix et la stabilité régionales Pour Mohammed Loulichki, l'engagement franco-américain ne constitue pas seulement un soutien de principe, mais s'accompagne d'une feuille de route concrète. Il plaide notamment pour qu'une prochaine résolution du Conseil de sécurité, attendue à l'automne 2025, entérine définitivement l'autonomie comme unique cadre de négociation et redéfinisse en conséquence le mandat de la MINURSO, qui pourrait évoluer vers une mission politique d'accompagnement (MANSASO). Ce processus suppose cependant, selon lui, des gestes politiques forts, au premier rang desquels un engagement sincère de l'Algérie à rouvrir le dialogue avec le Maroc, en rétablissant les relations diplomatiques et en rouvrant les frontières terrestres. « Le Maroc est prêt pour cette main tendue« , écrit Loulichki, insistant sur le rôle déterminant que pourraient jouer les Etats-Unis comme médiateurs, compte tenu des tensions persistantes entre Alger et Paris. Sur le front interne, il invite également le Polisario à renoncer à la lutte armée et à se transformer en acteur politique civil, capable de participer, dans le cadre d'une autonomie régionale, au développement et à la représentation démocratique du Sahara. Mohammed Loulichki considère que l'Algérie a tout intérêt à s'engager dans cette dynamique, non seulement pour consolider sa stabilité intérieure, mais aussi pour jouer un rôle moteur dans la relance du projet maghrébin. Il met en garde contre les risques qu'un isolement prolongé ferait peser sur l'Algérie, notamment en termes de tensions internes et de pressions internationales. Enfin, l'ancien diplomate souligne que la reconnaissance de l'autonomie pourrait aussi conduire à deux évolutions majeures : le retrait du dossier du Sahara de l'agenda du Comité spécial de décolonisation de l'ONU (C24) et la suspension de la qualité de membre de la pseudo-« RASD » au sein de l'Union africaine, consacrant ainsi sur le plan juridique et politique la souveraineté marocaine.