À Rabat, sous l'égide du Policy Center for the New South, s'ouvre une conférence sur les enjeux stratégiques des espaces maritimes de l'Afrique atlantique. L'atmosphère y est chargée de promesses et d'ambitions partagées. Quelques mois après le lancement par Sa Majesté le Roi Mohammed VI de l'Initiative Atlantique, en novembre 2023, les contours d'un projet géopolitique audacieux commencent à se dessiner, à l'intersection de la souveraineté, du développement et de l'intégration régionale. Dès les premières minutes de la conférence du Policy Center for the New South sur le thème: « l'Afrique atlantique, ambition d'intégration et processus d'opérationnalisation » le ton est donné : il ne s'agit pas d'un simple colloque académique, mais bien d'un jalon décisif dans la redéfinition des rapports africains à leur façade atlantique. Portée par le Maroc, l'Initiative Atlantique se veut résolument africaine dans son essence, tout en s'inscrivant dans les dynamiques globales contemporaines. Dans un espace de plus en plus convoité par des acteurs extérieurs – d'Asie, d'Europe et d'Amérique – le Royaume choisit une voie distincte : proposer une réponse continentale aux défis maritimes communs. Mehdi Benomar, responsable des relations internationales au Policy Center for the New South (PCNS), en donne une lecture claire dans son discours d'ouverture. Selon lui, l'Afrique atlantique vit une urgence d'intégration. L'instabilité géopolitique, les chocs exogènes et les vulnérabilités sécuritaires exigent des réponses coordonnées, ancrées dans les réalités africaines. « Ce besoin d'intégration n'est pas un luxe », affirme-t-il, « c'est une condition de survie politique et économique pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre ». Lire aussi : Tourisme: Fatim-Zahra Ammor trace l'horizon 2030 à l'aune de la CAN et du Mondial Mais l'ambition va bien au-delà de la sécurité. L'intervenant insiste sur la nécessité de sortir d'une approche strictement sécuritaire pour y intégrer les enjeux de développement dans une logique de nexus sécurité-développement. À ses yeux, la mer n'est pas simplement un couloir logistique, mais un acteur stratégique à part entière, capable de générer des richesses, notamment à travers les ressources offshore et les corridors énergétiques. C'est cette même vision systémique que défend Jamal Machrouh, Senior Fellow au PCNS, en élargissant le propos. Il rappelle que l'Initiative Atlantique ne repose pas sur une seule mais sur deux dynamiques complémentaires. La première, déjà bien avancée, consiste à structurer un espace géopolitique propre aux Etats africains de l'Atlantique. Objectif : mutualiser les intérêts, harmoniser les stratégies, et parler d'une seule voix sur la scène internationale. La seconde, tout aussi stratégique, vise à offrir un accès durable à la mer aux pays enclavés du continent, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Pour Machrouh, cette double initiative traduit une volonté de transformer la géographie en levier d'émancipation. Le désenclavement, martèle-t-il, n'est pas une simple opération de logistique ou d'infrastructure. Il engage une reconfiguration mentale et politique. C'est un projet de connexion – à la mer, aux réseaux commerciaux, mais aussi à la prospérité et à la stabilité. En cela, il s'inscrit dans la continuité de la politique étrangère marocaine, fondée sur le dialogue Sud-Sud, l'interdépendance régionale et le respect des spécificités africaines. La conférence ne fait que commencer, mais déjà, les lignes de force se précisent : au cœur de cette initiative, une conviction simple et forte – l'avenir de l'Afrique passe par ses côtes, mais aussi par sa capacité à penser ses mers comme des ponts, et non des frontières.