Ils visaient le sommet de l'Etat, ils finissent devant la justice. Trois anciens prétendants à l'élection présidentielle algérienne de 2024 viennent d'être condamnés à dix ans de prison ferme pour corruption, dans une affaire qui secoue la scène politique et interroge sur les pratiques électorales en Algérie. Des ambitions stoppées net Saïda Neghza, figure puissante du patronat et présidente de la CGEA, Belkacem Sahli, ex-ministre et secrétaire général de l'Alliance nationale républicaine, et Abdelhakim Hamadi, directeur d'un laboratoire vétérinaire, rêvaient de briguer la magistrature suprême. Leur parcours s'est arrêté brutalement : rejet de leur dossier de candidature par la Cour constitutionnelle, mise en examen pour « corruption politique », et désormais, condamnation ferme. L'accusation est lourde : trafic d'influence, achat de parrainages, abus de fonction, promesses d'avantages en échange de signatures. Selon le parquet, plus de 50 élus auditionnés ont avoué avoir touché entre 20 000 et 30 000 dinars pour soutenir ces candidatures. Une dizaine d'intermédiaires ont été identifiés dans le circuit des fonds. En Algérie, pour être éligible, un candidat doit présenter 600 signatures d'élus ou 50 000 signatures de citoyens, réparties sur au moins 29 wilayas. Un système censé filtrer les candidatures sérieuses, mais qui s'est transformé, dans cette affaire, en marché noir du parrainage. Lire aussi : L'Algérie face à la récession : l'or noir ne brille plus Au total, 70 personnes ont été condamnées dans ce dossier, avec des peines allant de cinq à huit ans de prison. Parmi elles, des élus locaux, des membres de la CGEA, et trois fils de Saïda Neghza. L'un d'eux, Amokrane Azouza, condamné par contumace à huit ans de prison, s'est exprimé sur Facebook : « Un jour, la vérité éclatera. » Pour l'instant, le silence des institutions algériennes contraste avec l'ampleur du scandale. Un système électoral miné par les pratiques opaques Cette affaire relance le débat sur l'intégrité du système électoral algérien. Malgré les réformes annoncées depuis le Hirak de 2019, la réalité reste celle d'un processus verrouillé, où le contrôle des candidatures, les contraintes administratives et le poids des réseaux clientélistes empêchent l'émergence d'une véritable compétition politique. Pour rappel, l'élection du 7 septembre 2024, largement boycottée, avait vu la réélection sans surprise d'Abdelmadjid Tebboune. Dans ce contexte, ces condamnations apparaissent moins comme un tournant que comme la confirmation d'un système où les ambitions se paient cher, et où les règles du jeu restent floues et inéquitables. Saïda Neghza, Belkacem Sahli et Abdelhakim Hamadi restent pour l'instant libres, et disposent de dix jours pour faire appel. Mais au-delà du sort de ces trois figures, c'est la crédibilité des institutions algériennes qui est une fois de plus en question. Un dossier de plus, dans une longue série.