Le Maroc franchit une nouvelle étape dans sa diplomatie sanitaire en exportant son savoir médical vers la Mauritanie. Cette initiative s'inscrit dans une stratégie panafricaine plus large, visant à renforcer la coopération sud-sud dans le domaine de la santé. Elle illustre l'engagement du Royaume à valoriser l'expertise de ses professionnels tout en soutenant les systèmes de santé du continent. Le Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) Ibn Sina de Rabat a lancé, le 30 mai 2025, une mission chirurgicale de haut niveau au Centre Hospitalier National (CHN) de Nouakchott, en Mauritanie, poursuivant ainsi son engagement en faveur de la coopération Sud-Sud. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'un accord de coopération portant sur la mise en œuvre d'un programme médical ambitieux entre les deux établissements de santé, selon les médias. Cette initiative poursuit un double objectif : réaliser des interventions chirurgicales avancées et transmettre un savoir-faire précieux aux professionnels de santé mauritaniens. Supervisée par une équipe médicale marocaine de chirurgiens et réanimateurs reconnus à l'échelle internationale, et menée en collaboration avec leurs homologues mauritaniens, cette mission comprenait une série d'opérations au profit de patients mauritaniens atteints de pathologies du foie, des voies biliaires et du pancréas, précise la même source. Cette mission s'inscrit dans le prolongement de la convention de coopération signée entre le CHU Ibn Sina et le CHN, renforcée par la réunion du comité de pilotage tenue en avril dernier à Rabat et ayant abouti à l'élaboration du plan d'action 2025. Elle constitue une étape concrète dans la mise en œuvre de ce partenariat, fondé sur la solidarité médicale, le renforcement des compétences et la réduction des évacuations sanitaires. Lire aussi : Lancement d'un processus de révision approfondie du système de tarification des médicaments Entre coopération et conquête diplomatique Dans cette dynamique, le Maroc s'impose comme un acteur clé du paysage sanitaire africain, en alliant expertise médicale, investissements infrastructurels et coopération multilatérale pour le renforcement des systèmes de santé sur le continent. Cette orientation s'inscrit dans une vision géostratégique plus large, où la santé devient à la fois un instrument de soft power et un levier d'intégration régionale. À travers des initiatives structurantes, allant de la formation des professionnels de santé à la mise en place d'infrastructures de pointe, le Royaume érige son modèle sanitaire en référence panafricaine, tout en contribuant à relever des défis communs tels que les pandémies, les inégalités d'accès aux soins ou encore la dépendance vaccinale. En effet, l'engagement du Maroc en Afrique a fait de la santé un pilier fondamental de la coopération continentale. Cette dynamique se traduit notamment par le lancement, le 23 novembre 2024, de l'Académie Africaine des Sciences de la Santé (African Academy of Health – AAHS) dans la ville de Dakhla. Mise en œuvre en partenariat avec l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et des acteurs majeurs de l'industrie pharmaceutique, cette institution, dotée d'une capacité d'accueil de 3 000 étudiants, ambitionne de devenir un centre d'excellence en matière de recherche, de formation et d'innovation pour faire progresser la santé sur le continent. Elle propose des programmes destinés aux chercheurs et professionnels africains, soutient des projets de recherche sur des maladies telles que le paludisme ou la tuberculose, et prévoit l'organisation de conférences et de séminaires pour promouvoir la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques sanitaires à l'échelle panafricaine. Par ailleurs, le Maroc soutient activement l'opérationnalisation du Centre Africain de Contrôle et de Prévention des Maladies (Africa CDC), en plaidant pour une agence décentralisée, dotée d'une structure claire et cohérente, ainsi que des moyens nécessaires pour intervenir rapidement face aux urgences sanitaires menaçant le continent africain. Lors du Conseil exécutif de l'Union africaine en 2022, le ministre M. Nasser Bourita a proposé de transformer le Fonds de riposte à la Covid-19 en un Fonds permanent dédié aux épidémies, afin de garantir une réponse rapide et efficace aux futures crises sanitaires. Cette initiative vient consolider le rôle du Royaume au sein de l'architecture sanitaire africaine, tout en promouvant des réformes institutionnelles pragmatiques. Parallèlement, le Maroc a institutionnalisé un système de bourses couvrant divers domaines médicaux, attirant chaque année des milliers d'étudiants africains. En 2024, plus de 35 % des 12 000 bourses octroyées par l'Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI) concernaient des spécialités médicales, allant de la chirurgie cardiaque à l'épidémiologie. Des partenariats stratégiques avec des universités telles que Mohammed V, Al Akhawayn, ainsi que des établissements spécialisés, permettent d'adapter les formations aux besoins spécifiques des pays d'origine des étudiants. À cela s'ajoute la réalisation d'une usine de fabrication de vaccins anti-Covid-19 et d'autres vaccins dans la province de Benslimane (Région de Casablanca-Settat), marquant un tournant stratégique pour la souveraineté vaccinale du Royaume, mais aussi du continent africain dans son ensemble. Ce projet positionne le Maroc comme un hub biotechnologique de premier plan en Afrique et au-delà, capable de répondre aux besoins sanitaires du continent, tant à court qu'à long terme. Il intègre les volets de la recherche pharmaceutique, du développement clinique, de la fabrication et de la commercialisation de produits biopharmaceutiques essentiels. Ainsi, la modernisation d'infrastructures hospitalières de référence, comme le CHU Ibn Sina de Rabat -le plus grand centre hospitalier d'Afrique- témoigne de cette dynamique. Doté d'un budget de 6,5 milliards de dirhams, ce complexe hospitalier sera, une fois achevé, le plus grand du continent. Il comprendra 1 044 lits et s'élèvera à 150 mètres de hauteur, répartis sur 33 niveaux, dont 11 seront exclusivement dédiés aux soins. Cette verticalité inédite dans le paysage hospitalier africain a été pensée pour optimiser la densité fonctionnelle tout en répondant aux exigences de résilience sanitaire dans un contexte post-pandémique. Le CHU Ibn Sina pourrait ainsi devenir un modèle, non seulement pour le Maroc, mais aussi pour l'ensemble du continent africain.