Dans une tribune publiée par The Times of India, le journaliste éditorialiste Rudroneel Ghosh invite le gouvernement indien à méditer l'approche marocaine en matière de diplomatie saharienne afin de mieux faire valoir sa propre position sur le Cachemire et dénoncer, avec plus de constance, ce qu'il qualifie de «terrorisme parrainé par le Pakistan». Dès les premiers paragraphes de son analyse, M. Ghosh établit un parallèle entre les efforts persistants de Rabat pour faire reconnaître sa souveraineté sur le Sahara et les tentatives encore timides de New Delhi pour convaincre la communauté internationale de la légitimité de sa position sur le Cachemire. Il observe que «le Maroc a su transformer la question saharienne en axe central de sa diplomatie bilatérale», allant jusqu'à «établir comme ligne rouge le respect de sa souveraineté sur le Sahara». À ses yeux, cette philosophie doit servir de référence à l'Inde. Faisant écho à une récente visite parlementaire en Estonie — Etat balte membre de l'OTAN et de l'Union européenne — M. Ghosh rapporte que les élus estoniens interrogés «ont, certes, fermement condamné le terrorisme sous toutes ses formes», mais qu'ils sont restés «attachés à la conviction que la question du Cachemire devait être réglée par le dialogue et la voie diplomatique». Une attitude qu'il impute à «un déficit manifeste de communication de la part de l'Inde», estimant que «malgré une intensification des liens commerciaux et militaires, l'Estonie n'a pas encore pleinement saisi la lecture indienne du dossier cachemiri.» Une diplomatie méthodique et patiente Saluant l'envoi de délégations parlementaires indiennes à travers le monde après l'opération Sindoor pour «expliquer la position indienne», le journaliste met toutefois en garde contre l'effet ponctuel de telles actions, si elles ne s'inscrivent pas dans une stratégie pérenne : «Il ne faut pas que cela demeure un geste isolé», écrit-il, «nous devons répéter notre message immuablement, année après année et ce auprès de tous les pays, quelle que soit leur place dans la hiérarchie géopolitique.» C'est ici, insiste-t-il, que la démarche marocaine offre un enseignement précieux. Il rappelle que ce territoire saharien avait été «détaché de la souveraineté marocaine par les puissances coloniales du XIXe siècle, puis annexé par l'Espagne». Il évoque également «le discours du roi Mohammed V à M'hamid El Ghizlane en 1958, où le souverain promit solennellement aux chefs tribaux sahraouis de restaurer l'unité nationale.» L'exemple marocain : constance, pragmatisme et lignes rouges M. Ghosh souligne que le Maroc a «internationalisé son dossier avec méthode», notamment dès 1963, lorsqu'il porta la question saharienne devant l'Organisation des Nations unies en la faisant inscrire comme territoire non autonome à décoloniser. Toutefois, ajoute-t-il, «l'indépendance de l'Algérie, acquise en 1962, engendra presque aussitôt un contentieux frontalier avec le Maroc, prélude à une confrontation idéologique durable.» Dans cette perspective, il rappelle que l'Algérie soutint dès 1975 le Front Polisario, un mouvement armé séparatiste «qui reçut appui logistique et diplomatique d'Alger» tandis que «la Mauritanie se retira de la zone en 1979, laissant Rabat seul face à cette formation militaire soutenue de l'extérieur.» Il précise que «le cessez-le-feu instauré par l'ONU en 1991 prévoyait un référendum, mais que celui-ci ne vit jamais le jour, notamment parce que le Polisario refusa d'organiser un recensement des populations réfugiées dans les camps de Tindouf.» De surcroît, M. Ghosh mentionne que «le bureau européen de lutte antifraude (OLAF) a accusé le Polisario de détournement de fonds humanitaires destinés aux Sahraouis.» Citant les tournants diplomatiques récents, il rappelle que «le royaume est retourné au sein de l'Union africaine en 2017, après l'avoir quittée en 1984 à la suite de l'admission de la prétendue république sahraouie proclamée par le Polisario» et que «les Etats-Unis, Israël, la France et l'Espagne ont depuis lors publiquement soutenu le plan marocain d'autonomie comme issue réaliste et sérieuse.» En conclusion, M. Ghosh plaide pour une transposition à l'indienne de cette stratégie : «L'Inde a tout à gagner à adopter une démarche similaire, fondée sur la durée, la fermeté et la clarté», juge-t-il, avant de conclure : «Il aurait été opportun d'envoyer une délégation parlementaire indienne au Maroc après l'opération Sindoor. Quoi qu'il en soit, les leçons de Rabat restent précieuses pour New Delhi.»