Après le décès des six femmes au service de maternité de l'hôpital Hassan II d'Agadir en l'espace d'une semaine, provoquant indignation et manifestations, le ministre de la Santé et de la Protection sociale s'est déplacé sur les lieux deux jours plus tard, annonçant le limogeage du directeur de l'établissement et plusieurs responsables régionaux. À l'issue de la visite le mardi 16 septembre, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, M. Amine Tahraoui a annoncé le limogeage du directeur de l'établissement ainsi que plusieurs responsables relevant de la délégation provinciale et de la direction régionale de la santé. Ces mesures ont été motivées par les conclusions d'une commission d'enquête faisant état d'absences injustifiées du personnel, de ruptures fréquentes de médicaments et de défaillances des équipements. Le ministère a dû procéder à la livraison en urgence d'un nouveau scanner, l'ancien étant hors service. En effet, cette réaction s'inscrit dans une logique déjà observée lors de précédents scandales hospitaliers. En novembre 2023, le détournement d'équipements médicaux à l'hôpital Ibn Baja de Taza avait conduit à l'arrestation du directeur Khaled Filali et de dix autres personnes. La justice avait condamné le directeur à quatre années de prison ferme et 30 000 dirhams d'amende. Quelques mois plus tard, en mars 2024, quatre chefs de service du CHU Ibn Sina de Rabat avaient été révoqués pour dysfonctionnements administratifs. En juin 2025, ce même centre hospitalier faisait l'objet d'un rapport syndical dénonçant des dérapages structurels et des soupçons de corruption. La région de Casablanca-Settat avait également connu, en mai 2025, le remplacement de plusieurs directeurs d'hôpitaux pour mauvaise gestion. Ces décisions répétées mettent en lumière des problèmes structurels persistants. Selon les chiffres officiels du ministère de la Santé et de la Protection sociale pour l'année 2024, le Maroc connaît un déficit estimé à 97 566 professionnels de santé, dont 32 522 médecins et 65 044 infirmiers. De plus, le pays dispose d'une densité médicale de 1,7 médecin pour 1 000 habitants alors que les besoins sont évalués à 2,75 pour 1 000. Le phénomène est aggravé par l'émigration de 10 000 à 14 000 médecins marocains qui exercent à l'étranger. Lire aussi : Casablanca face à l'urgence de réformer le secteur des petits taxis À cela s'ajoute le défi des ressources financières. Selon le tableau de bord de l'Afrique sur le financement national de la santé en 2024 de l'Union africaine, le Maroc consacre 2,2% de son PIB aux dépenses de santé. De plus, dans son rapport publié en 2022, la Cour des comptes constatait que la majorité des organes prévus pour encadrer la gestion des hôpitaux n'avaient pas été mis en place. En effet, les crises successives soulignent les limites de l'approche consistant à remplacer les responsables. Au-delà du simple changement de visages, ces mesures ponctuelles laissent planer le doute sur leur capacité à transformer réellement le système de santé national, et suscitent des incertitudes quant à l'efficacité d'une réforme en profondeur susceptible d'assurer un accès équitable et une prise en charge de qualité dans les hôpitaux publics. Dans le même esprit, la question du contrôle demeure centrale. Sur le papier, les dispositifs existent : inspections générales, conseils de surveillance hospitaliers, services d'audit internes instaurés depuis 2017. Mais dans les faits, les experts soulignent que ces organes restent limités par un sous-effectif chronique, un manque de moyens financiers et l'absence de mécanismes de suivi des recommandations. La Cour des comptes rappelait d'ailleurs en 2022 que ces structures étaient rarement opérationnelles.